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Contribution
Il faut d�battre sans tabous, sans injures et sans soup�ons (2e partie)
Publié dans Le Soir d'Algérie le 11 - 08 - 2010


Le proc�s de Boussouf et de Boumedi�ne
Dans un ouvrage intitul� Les intellectuels contre la gauche, l�historien Michael Christofferson analyse la gen�se de l�id�ologie antitotalitaire en France entre 1973 et 1981. Il explique comment ce discours antitotalitaire a ouvert la voie au lib�ralisme qui allait bient�t dominer, alors m�me que la gauche �tait en passe d'arriver au pouvoir.
Il souligne comment la relecture de la R�volution fran�aise a �t� essentielle dans cette histoire, et que l�historien Fran�ois Furet y a jou� un r�le capital. En effet, l�auteur de Penser la R�volution fran�aise soutenait que la culture jacobine expliquait la tentation communiste en France au XXe si�cle. Capitale de la gauche europ�enne apr�s 1945, Paris devenait la capitale de la r�action europ�enne, comme Alger capitale des r�volutionnaires semblerait condamn�e � devenir la capitale du reniement n�olib�ral. Cela passe par un proc�s, non seulement des pratiques condamnables du pouvoir mais aussi de toute opposition constructive et surtout de l�orientation patriotique port�e par Boumedi�ne et qu�il n�est pas impossible que Sadi pense retrouver, ou pense nous faire retrouver, dans l�inflexion que conna�t la politique �conomique de Bouteflika depuis la loi de finances compl�mentaire de 2009. Mais si Bouteflika et Boumedi�ne partagent le populisme, ce dernier est cependant pass� de gauche � droite, car si en 1974 on nationalisait le p�trole, en 2010 on place l�argent du p�trole en bons du tr�sor� am�ricain. Le discours sur le patriotisme �conomique ne doit donc pas faire illusion. Mais c�est l� qu�il faut, certainement, chercher l�explication du revirement d�Omar Ramdane, officier de la Wilaya IV, dans l�appr�ciation des orientations �conomiques de Bouteflika, dont le FCE, � la t�te duquel il se trouvait, avait pourtant soutenu la candidature � un troisi�me mandat. Et c�est donc naturellement, m�me si c�est aussi avec prudence, qu�il interviendra dans la pol�mique historique pour �voquer la r�union des colonels de d�cembre 1958 et sembler, dans un vieux d�bat, prendre parti pour l�int�rieur contre l�ext�rieur en disant : �Les d�cisions qu�ils ont prises lors de leur conclave ne sont pas connues dans leur totalit�. Ont-ils convenu d�instaurer une coordination, une sorte de commandement unique, assum� � tour de r�le par chacun des colonels ? Ont-ils d�cid� de d�p�cher le colonel Amirouche � Tunis pour porter � la connaissance de la direction nationale la r�alit� de la situation qui pr�valait � l�int�rieur ? Nous ne le savons pas.� Si une contribution de Salim Sadi vient de poser des limites � la critique de l'arm�e des fronti�res et relativiser le conflit int�rieur/ext�rieur, le livre de Sadi suppose, pourtant, venu le temps de r�pondre aux questions soulev�es, le temps du jugement. Une nouvelle g�n�ration d�hommes politiques arrive charg�e d'instruire le proc�s. Elle demande des comptes sur le pass�, au moment o� les 286 milliards de dollars du plan 2010/2014 sont sur la table. Pour justifier sa d�marche, Sadi �crit : �En Wilaya IV, M�hamed Bouguerra, Si Salah exhortaient les commandants au cas o� ils viendraient � dispara�tre, de ne jamais oublier de mettre en place � l�ind�pendance un tribunal militaire pour juger Boussouf et Boumedi�ne.� Peut�tre m�me s'est-il senti encourag� par les propos du dernier chef de cette wilaya qui demande aujourd'hui un d�bat t�l�vis� ? Mais l�historien a-t-il le droit de juger les acteurs historiques puisque l�histoire s�occupe de ce qui a �t� et non de ce qui aurait d� �tre ? On se rappelle comment les Fran�ais, en 1989, ont acquitt� Louis XVI � l�issue d�un proc�s t�l�vis�. Deux si�cles apr�s la R�volution fran�aise, les menaces qui pesaient sur la R�publique n��tant plus l�, il �tait facile de se montrer cl�ment. A rebours, mais en dehors de tout contexte aussi, on peut condamner Amirouche pour crime de guerre comme le sugg�re Benachenhou et vouer Boussouf et Boumedi�ne aux g�monies comme le fait Sadi. En v�rit�, ce dernier n�est pas le premier � apostropher un pass� tenu pour criminel, soup�onn� d��tre un mal h�r�ditaire et transmissible. Sur internet, Sa�d Loun�s n�arr�te pas de se livrer � la critique de ceux qu�il appelle les marocains du clan d�Oujda. M�prisant, Addi Lahouari parlait des �Boussouf boys� quand le premier responsable du RCD �voque �la chouannerie boussofo- boumedi�niste�. D�autres ont fait la critique de l�EMG, sans avoir recours � l�insulte. En janvier 2010, � l�occasion d�une comm�moration du cinquantenaire de la cr�ation de l��tat-major g�n�ral, le commandant Azzedine a rappel� que celui-ci avait vot� contre les accords d�Evian. Durant son expos�, il est apparu que la logique du pouvoir a enjoint � l�EMG de s�opposer au GPRA qui �tait favorable � ces accords. Ainsi, la parution du livre de Sadi n�a rien d�une r�v�lation ouvrant les yeux d�une �lite jusqu�alors aveugle � la nature autoritaire du pouvoir, mais permet de se saisir de la d�nonciation de l�autoritarisme et de la m�taphore de la trahison comme d�une arme de combat politique dans le contexte d�une mont�e du rejet de la l�gitimit� historique qu'illustre, paradoxalement, l'affaire des magistrats faussaires. En effet, le manque de r�action qu�a suscit� la condamnation de Mellouk sugg�re que les Alg�riens n�acceptent plus que qui que ce soit instrumentalise le statut de moudjahid pour obtenir des privil�ges et que � de ce point de vue � il n�est donc plus n�cessaire de faire la distinction entre vrais et faux moudjahidine. Cependant, il est utile de souligner qu'il existe une diff�rence entre la position qui consiste � critiquer la l�gitimit� historique, en tentant de sauver une partie de l'h�ritage patriotique, et la position de Sadi qui consid�re qu'il y a eu trahison et que Boumedi�ne et Boussouf sont uniquement des assassins et des putschistes. Dans le premier cas, Boussouf et Boumedi�ne, comme tous les v�ritables moudjahidine, appartiennent � la famille r�volutionnaire, par cons�quent leur �uvre peut �tre d�pass�e en m�me temps que cette derni�re; dans le second cas, Boussouf et Boumedi�ne deviennent des tra�tres, comme d'autres sont de faux moudjahidine, et leurs actions sont comprises en dehors de tout aspect historique. Comme il para�t sur-dimensionner le r�le d�Amirouche, Sadi ne pouvait pas manquer d�exag�rer celui de Boussouf et de Boumedi�ne et rendre ces derniers responsables, voire coupables de la mort d�Amirouche. Ce que Sadi ne comprend pas, c�est que si l�histoire n�est pas le chaos, elle n�est pas non plus une intrigue. Pas plus que l'action politique ne peut se r�duire � une lutte des clans et des r�volutions de palais. Pour Sadi, la mort d'Amirouche n�est plus le produit des circonstances, celles de la guerre de lib�ration, mais de l�id�ologie d�un groupe qui d�terminerait la mani�re dont ce dernier menait cette guerre et les objectifs qu�il s��tait fix�s � l�ind�pendance. Dans sa conception, seuls quelques chefs d�cidaient de tout, la soci�t� n'aurait pratiquement rien fait dans cette guerre de lib�ration. Pas m�me cri�, � l'ind�pendance : 7 ans �a suffit ! Ni n'aurait tent� de r�sister en 1963 ou organis� une opposition au coup d'Etat de 1965. Sans parler de toutes les luttes depuis la mort de Boumedi�ne. Elle se serait soumise � un clan sans broncher. Dans sa d�marche, Sadi privil�gie une interpr�tation o� �la valeur des hommes, autant dire leur subjectivit� r�gne absolument�. L'histoire perd toute complexit�, il refuse de �saisir l'intrication des faits politiques, sociaux, �conomiques, juridiques, moraux, psychiques� � l'�uvre durant la lutte de Lib�ration nationale. Le biographe ne voit pas combien la violence et le cynisme de certains dirigeants de la guerre de lib�ration �taient organiquement li�s au cynisme et � la violence du colonialisme. C�est pourquoi il ne se demande pas si les projets d�Amirouche auraient �t� sans danger pour la conduite de la guerre de lib�ration ou sur l��volution de notre pays � l�ind�pendance. Pourtant, Sadi rapporte que, face aux d�faitistes, Amirouche lui-m�me disait �nous prenons tous des risques. Le seul risque qu�il ne faut pas prendre est de mettre en danger le combat lib�rateur�. Jusqu�o� serait-il all� pour ne pas prendre de risque ? Alors qu�un ancien du MALG d�clare � Sadi, �Amirouche nous emb�tait, on s�en est d�barrass�, est-il d�fendu de penser qu�Amirouche ne s�interdisait pas non plus ce genre de proc�d�s ? Les �purations en Wilaya III, quelle que soit leur ampleur, sont, quand m�me, un premier �l�ment de r�ponse suffisamment �loquent. Et, dans le prolongement de cette r�flexion, on peut m�me s'interroger jusqu'� quel point les conditions de la lutte antiterroriste n'ont pas largement d�termin� le r�sultat politique qui en est sorti. La violence et le cynisme de l'islamisme, mais parfois, aussi, de certains acteurs dans le camp d�mocratique, n'ont-ils pas confort� le pouvoir dans une d�marche despotique et opaque ? Des erreurs, des fautes, voire m�me des choses plus graves, ne lui permettent-elles pas de continuer � man�uvrer ? La th�se de Sadi selon laquelle Amirouche aurait �t� victime de sa volont� de remettre en cause les pouvoirs des dirigeants de l�arm�e des fronti�res et du GPRA, qui n�est pas insoutenable, ni m�me d�nu�e de vraisemblance, sans �tre plus cr�dible qu�une autre, n�est finalement �tay�e que par un faisceau de pr�somptions. Le livre de Sadi am�ne � s�interroger : n�est-il pas plus int�ressant de s�int�resser � la signification historique des actes de Boussouf et Boumedi�ne ou d�Amirouche plut�t qu�� leurs motifs ? Autrement dit, ne devraiton pas voir en chacun d'eux, m�me en retenant l�hypoth�se de Sadi, ce que Pouchkine � parlant de Napol�on � appelait �le fatal ex�cuteur des volont�s obscures � de l�histoire. En l�occurrence, au moment o� l�unit� du mouvement national, � l�int�rieur et � l�ext�rieur, entre l�int�rieur et l�ext�rieur, �tait plus que jamais n�cessaire face au colonisateur, chacun n��tait-il pas convaincu qu�il devait la r�aliser contre les autres ? Peu importait alors qui de l�int�rieur ou de l�ext�rieur aurait la primaut� ! N'est-ce pas cela qu�Hegel appelait une �ruse de la raison�, qui veut que le sens de l�histoire se d�roule en d�pit des int�r�ts et des passions des hommes qui la font ? Il semble, pourtant, que dans l�atmosph�re d�l�t�re du �tous pourris� o� baigne actuellement la
politique alg�rienne, rien n�est meilleur march� que l�honneur des hommes, surtout morts. Mais, la d�nonciation de Sadi n�aurait pu �tre aussi brutale si la distance entre le culte institutionnel pr�tendument orchestr� autour de Boussouf et de Boumedi�ne � pr�sent�s comme les p�res v�n�r�s du syst�me � et le culte pratiqu� ne l�avait pas rendue possible. En fait, si Boumedi�ne peut dispara�tre, c�est bien parce qu�il est devenu le synonyme de quelque chose de rejet�, ou pour le moins abandonn�, � la fois par les tenants du syst�me comme Ali Kafi ou Bouteflika et par des d�mocrates comme Sadi qui se retrouvent paradoxalement li�s non par le pass�, sur lequel ils ont des d�saccords, mais par le pr�sent. Eux aussi sont de fatals ex�cuteurs des volont�s de l'histoire, charg�s d'assurer les t�ches de la transition historique, parfois contre leur gr�, parfois en assumant un pouvoir de fait. Car l'histoire prend le chemin qu'elle peut. Certes, il n�est pas trop tard, ni inutile, de �rep�rer les signes de gestation du r�gime � venir � l'ind�pendance �, mais faut-il encore en saisir les traits essentiels. Il faut s'interroger, du point de vue historique, est-ce le caract�re autoritaire du r�gime ou sa farouche volont� de souverainet� qui est primordial ? De ce point de vue, on peut penser que si Boumedi�ne a commis des erreurs, celles-ci sont secondaires, y compris aux yeux de certaines de ses victimes (Boudiaf arr�ta m�me la politique � la mort de celui-ci, en d�couvrant l��motion populaire suscit�e par sa disparition). Ces erreurs font partie du patrimoine de la premi�re tentative de construire un Etat ind�pendant, elles n'ont qu'une importance minime compar� au reste, qui est un jalon essentiel dans la marche de la soci�t� alg�rienne pour s'�manciper et se d�velopper. C'est pourquoi la soci�t� retient d'abord de Boumedi�ne son caract�re �galitaire. Mais Sadi refuse, surtout, de prendre en compte les diff�rences et les contradictions qui permettraient de rep�rer les rythmes et les cassures de l'histoire. Il pr�f�re en lisser le cours et en d�rouler l'encha�nement comme si tout proc�dait d'un p�ch� originel, � savoir la trahison d'Amirouche. En nous livrant une chronique des ant�c�dents coupables du pouvoir, Sadi essaie de nous convaincre que l�histoire a d�fini de mani�re m�canique la nature de l�Etat alg�rien. Et, alors qu�il voit dans l�opposition int�rieur/ext�rieur et dans une trahison suppos�e d�Amirouche, l�origine de la prise de pouvoir par Boumedi�ne, Lahouari Addi, dans un texte intitul� Mis�re de l'intellectualisme, �crivait quant � lui : �J�ai reconstitu�, comme dans un puzzle, les diff�rents �l�ments de la vie officielle de l�Etat pour d�couvrir une logique interne � ce pouvoir d�Etat : il est marqu� par une structure double qui prend son origine dans l�histoire du mouvement national. L�opposition entre l�OS et le MTLD officiel est reproduite par l�antagonisme entre l��tat-major de l�ALN et le GPRA. Ils pr�figurent le coup d�Etat du 19 juin 1965, la d�signation de Chadli Bendjedid par la S�curit� militaire en d�cembre 1978, le d�part de celui-ci sous la pression de 180 officiers sup�rieurs qui ont sign� une p�tition dans ce sens, la d�mission de Liamine Zeroual qui avait refus� l�opacit� des accords entre le DRS et l�AIS en �t� 1997, et enfin la faiblesse de Bouteflika qui disait en personne qu�il ne voulait pas �tre un trois quarts de pr�sident.� Sadi semble tomber dans la m�me esp�ce de d�terminisme. Il imagine et laisse imaginer que la d�mocratie aurait �t� un fruit naturel de l�ind�pendance, si Boussouf et Boumedi�ne n�avaient pas confisqu� la lutte contre le colonialisme. En v�rit� ni ce dernier, ni le pouvoir de Boumedi�ne ne repr�sentaient les seuls obstacles � l��dification d�un Etat d�mocratique, alors que c�est tout l�h�ritage historique de sous-d�veloppement de la soci�t� � comprises les cons�quences du colonialisme et du syst�me rentier, qui constituent des causes de blocage jusqu�� aujourd�hui. Et c�est l�apparition de l�islamisme (produit contradictoire de la lutte de lib�ration et expression paroxystique de la rente), dont Sadi prend soin de ne pratiquement pas parler, sauf pour en blanchir Amirouche, qui en s�opposant � un devenir d�mocratique, nous a fait saisir que la d�mocratie allait �tre une nouvelle conqu�te, apr�s celle de l�ind�pendance. C'est pourquoi, on peut consid�rer que Sadi verse dans l�anachronisme, en projetant la critique l�gitime du FLN d�aujourd�hui sur celui du 1er Novembre, pour �voquer �le conservatisme du FLN� alors qu�il parle de l�organisation qui menait une ardente guerre r�volutionnaire! Il confond ce qui �tait avec ce qui est devenu, pour justifier ses conclusions. Si on ne partage pas l�approche de Sadi, on peut toujours d�passer sa mani�re de fl�trir les dirigeants du MALG et de l�EMG, mani�re indirecte de s'attaquer � leurs h�ritiers du DRS et de l'ANP. Quand il �voque �la pieuvre tch�kiste de Boussouf�, chacun pourra appr�cier cette image tir�e de l�arsenal de la propagande anti-sovi�tique. Mais, au-del� de la formule, ce qu�il faut retenir c�est que Sadi d�nonce les accointances d�un pouvoir assur�ment liberticide, avec le r�gime sovi�tique dont il l'accuse de partager l�orientation bureaucratique �touffante, aussi bien au plan politique qu'�conomique. Bien que la Tunisie d'aujourd'hui n'ait rien � envier au despotisme du pouvoir alg�rien � comme d'ailleurs aucun pays d�colonis�, quelle que soit son option apr�s l'ind�pendance (� part l'Inde, mais � quel prix!) � Sa�d Sadi ne cache pas qu�il estime Bourguiba, voyant en lui un visionnaire largement inspir� par les id�aux d�mocratiques. Non seulement celui-ci avait refus� d�adh�rer � la Ligue arabe, comme Sadi le rappelle avec une sorte de jubilation, oubliant que Tunis accueillera plus tard son si�ge, mais surtout parce qu'il avait �une vision que l�histoire validera tout au moins sur certains aspects, notamment apr�s l�effondrement du mur de Berlin�. Dans cette logique, � la fois anti-arabe et anti-communiste, Sadi voit m�me dans Kennedy �l�un des soutiens les plus fid�les et les plus cr�dibles du peuple alg�rien pendant la guerre�. Et, avec l�anecdote du Pasteur qui apr�s avoir �t� rel�ch� par le chef de la Wilaya III ira pr�cher pour la lib�ration de l�Alg�rie, on d�couvre un Amirouche devenu subitement pro-am�ricain comme l�auteur de sa biographie. Le proc�d� peut para�tre artificiel, mais surtout, force est de constater que l�Am�rique de Sadi est r�duite � l'Am�rique lib�rale car des intellectuels am�ricains de gauche, tel Noam Chomsky qu'on ne peut pas soup�onner de complaisance envers le r�gime sovi�tique, ne partagent pas son opinion sur le totalitarisme et estiment que c��tait un concept de guerre froide instrumentalis� par le gouvernement am�ricain. Quant aux options politiques, tr�s contradictoires, des hommes du 1er Novembre, on peut aussi rappeler que Ben M'hidi �crivait dans les colonnes d� El Moudjahid : �Le peuple alg�rien reprend une autrefois les armes pour chasser l�occupant imp�rialiste pour se donner comme forme de gouvernement une R�publique d�mocratique et sociale, pour un syst�me socialiste, comportant notamment des r�formes agraires profondes et r�volutionnaires, pour une vie morale et mat�rielle d�cente, pour la paix au Maghreb. Le peuple alg�rien est fermement d�cid�, compte tenu de ses d�boires et ses exp�riences pass�es, � se d�barrasser � jamais de tout culte de la personne.� Comme quoi, tous n'�taient pas forc�ment hostiles � l'option formellement adopt�e � l'ind�pendance. D�une certaine mani�re, le livre de Sadi n�est pas sans �voquer le rapport Krouchtchev. En f�vrier 1956, alors que les journalistes ont quitt� la salle du XXe Congr�s, Nikita Krouchtchev, premier secr�taire du Parti communiste d'Union sovi�tique, livre aux d�l�gu�s un discours dans lequel il dresse un bilan s�v�re de la politique de Staline. Le texte, qui devait rester confidentiel, est rendu public par le New York Times. D�pit�, Aragon qui d�couvre ce rapport sublime ce moment difficile pour lui et �crit �ainsi donc l�histoire passe par cette orni�re�, un po�me in�dit du Roman inachev�. Dans Comment on �crit l�histoire, Paul Veyne rappelle que, suite au rapport, s�engage une pol�mique entre Krouchtchev et Togliatti. �L�homme d�Etat sovi�tique aurait bien arr�t� l�explication des crimes de Staline sur la premi�re libert� venue, celle du secr�taire g�n�ral et sur le premier hasard qui le fit secr�taire g�n�ral, mais Togliatti, en bon historien non-�v�nementiel, r�torquait que pour que cette libert� et ce hasard aient pu �tre et faire des ravages, il fallait aussi que la soci�t� sovi�tique f�t telle qu�elle pu engendrer et tol�rer ce genre d�homme et de hasard.� Non seulement Krouchtchev n�aura pas le dernier mot dans sa pol�mique avec Togliatti, mais, en plus, Hannah Arendt finira par le consid�rer comme un �despote �clair�, lui qui avait pourtant d�nonc� le culte de la personnalit�. .Sans �tre aussi s�v�re avec Sadi, accusateur de Boumedi�ne, on peut quand m�me relever que cette mani�re de faire, par la bande, la critique du syst�me est r�v�latrice de l�ambigu�t� de l�objectif. Peut-�tre que � tout comme Krouchtchev � Sadi veut le changement, mais pas le changement radical. Si Sadi ne veut plus du despotisme, il voudrait, on peut le craindre, accentuer l�orientation n�olib�rale de Bouteflika, acc�l�rer le rythme de certaines r�formes. Celles qui l'avaient amen� dans un gouvernement qu'il a, peut-�tre, quitt�, non seulement pour condamner la r�pression en Kabylie, mais aussi, parce qu'elles n'�taient pas assum�es de mani�re assez r�solue.
Y. T. (� suivre)
*Membre du Mouvement d�mocratique et social


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