« Vieux conservateurs de droite, nouveaux réactionnaires de gauche : une Sainte-Alliance ? » est le thème d'une conférence-débat animée hier par l'historien des idées, Daniel Lindenberg, à l'hôtel Essafir d'Alger. L'intérêt de cette conférence programmée dans le cadre des Débats d'El Watan réside dans le fait que l'intervention de M. Lindenberg – également professeur de sciences politiques à l'université Paris VIII – permet non seulement de retracer la généalogie de l'actuel discours de la droite française, mais également de mieux comprendre la mécanique qui le sous-tend et les objectifs qui lui sont assignés. D'emblée, Daniel Lindenberg a prévenu que, depuis près d'une vingtaine d'années, l'Occident, en général, et la France, en particulier, sont pris dans le tourbillon d'une « révolution conservatrice » qui prône un retour au passé comme unique moyen de « sortir de l'impasse » et dont l'objectif n'est rien d'autre que de remettre en cause les nombreuses libertés acquises de haute lutte durant le XXe siècle et de mettre au pas la société. Dans ce contexte, M. Lindenberg fera remarquer que cette révolution conservatrice a reçu l'appui d'anciens intellectuels de gauche ou d'extrême gauche. Ces derniers sont devenus, au fil du temps, des réactionnaires et les promoteurs attitrés d'un discours foncièrement raciste, xénophobe et néocolonialiste. D. Lindenberg – qui fut lynché médiatiquement lorsqu'en 2002, il a rendu compte dans un ouvrage de l'imposture sur laquelle est fondé le discours de la droite française – a expliqué, à titre d'exemple, que les ouvrages de l'écrivain français Michel Houellebecq ou de la journaliste italienne Oriana Fallaci participent d'une même et unique logique et œuvrent à faire sauter les derniers verrous qui empêchaient jusque-là les pays de l'Europe occidentale de s'approprier un certain nombre de thèses aussi racistes que dangereuses, comme celle défendue par Samuel Huntington, l'un des principaux inspirateurs des néo-conservateurs américains. Pour M. Lindenberg, l'initiative prise en 2005, par un certain nombre de parlementaires français, qui consiste à faire adopter un texte de loi glorifiant la colonisation française, est incontestablement à mettre à l'actif de ces nouveaux réactionnaires, dont s'est entouré le président Sarkozy et qui, lui-même, s'est fait le promoteur d'une « droite décomplexée ».