C'est le branle-bas de combat. La situation économique du pays appelle de grandes mesures pour permettre de réparer ce qui a été commis comme dégâts et, bien entendu, donner corps à la nouvelle orientation de l'économie du pays. Pour ce faire, il va falloir certes mettre les moyens, mais avant tout commencer par revoir tout ce qui fonde une économie : le système financier et la fiscalité. C'est apparemment ce à quoi s'attellent les autorités du pays qui se sont désormais dotées d'une feuille de route dans cette optique. Les conséquences de la précédente gouvernance auxquelles sont venues se greffer une multitude d'impacts dévastateurs sur certains secteurs et branches d'activité, induits par la pandémie du coronavirus, ne permettent plus de se contenter de constats. L'heure est à l'entame des réformes, notamment sur le large plan des finances, socle sur lequel est bâtie toute économie, mais régie chez nous par un système qui s'est révélé obsolète bien avant l'apparition du nouveau coronavirus. Invité de la rédaction de la Chaîne 3 de la Radio nationale, Aymen Benabderrahmane, ministre des Finances, a, comme annoncé samedi lors de la réunion ayant regroupé autour du Premier ministre des patrons et des partenaires sociaux, fait état d'abord de la mise à la disposition des entreprises des deux secteurs, public et privé, d'une première aide de 65,5 milliards de dinars, en attendant d'autres dispositions destinées à amortir autant que faire se peut les contrecoups de la pandémie du coronavirus. L'évaluation des incidences sur l'économie nationale n'est pas encore achevée, d'autres dispositifs de secours sont prévus en fonction des conclusions des travaux des commissions d'évaluation et du comité d'experts mis sur pied, samedi, pour décider d'un soutien plus accru aux entreprises, a assuré le ministre des Finances, tout en garantissant qu'à ce titre, toutes les mesures sont envisageables, avec comme principal souci «la préservation des emplois et du capital de production de ces entreprises». Le début de la «révolution fiscale» ? L'opportunité était ainsi offerte à M. Benabderrahmane de rappeler que l'Etat est disposé à mettre les moyens «exclusivement» destinés à l'investissement productif, à l'investissement permettant de substituer les importations par une production nationale. Les fonds sont disponibles, a-t-il affirmé, tout en étayant ses dires par les chiffres annoncés la semaine dernière à l'issue du Conseil des ministres : 1 000 milliards de dinars auxquels s'ajoutent 10 milliards de dollars. Des décisions fortes sur le plan matériel, qui seront accompagnées d'une refonte de ce qui fonde l'économie nationale. Ainsi, sur le plan des réformes, le coup d'envoi de ce qui prend les contours d'une révolution sera donné aujourd'hui, a annoncé le ministre des Finances, avec la tenue des Assises nationales pour la réforme fiscale. «Nous allons battre en brèche l'ensemble des difficultés observées jusque-là», a promis Ayman Benabderrahmane, qui s'est étalé sur ce qu'il a appelé «l'ensemble des verrous bureaucratiques» qui ont fait que les gens fuient l'impôt, qu'une pression soit exercée sur une certaine catégorie d'opérateurs économiques et d'autres tares encore. Désormais, a annoncé le ministre, le cap est mis sur la réforme fiscale, qui aura comme idée directrice : faire en sorte que tout le monde adhère à l'impôt, que l'on rompe avec le passé qui a fait que les gens fassent dans l'évasion fiscale, le passé qui a fait que l'essentiel de la fiscalité ordinaire vienne de la retenue à la source, donc par l'IRG. «Il faudrait élargir l'assiette fiscale, reconsidérer le fichier national du contribuable, procéder au recensement annuel de la population fiscale pour permettre un renforcement de notre capacité de recouvrement», recommande le premier argentier du pays, qui a affirmé au passage qu'il n'y aura pas d'augmentation d'impôts. Tout sera discuté avec comme finalité rendre l'impôt plus juste, lors de ces assises qui résonnent, ainsi, comme ce qui prend les allures d'une «révolution fiscale». En tous les cas, selon les dires du ministre des Finances, désormais sera «ciblée» toute la population qui s'est mise en dehors de la sphère fiscale, des centaines de milliers de personnes «qui n'ont pas été approchées et en direction desquelles l'administration doit s'astreindre à un travail d'approche, didactique, de sensibilisation». En finir avec les banques «tiroir-caisse» S'agissant de la réforme bancaire, le ministre a assuré avant tout qu'il n'y aura pas de sujet tabou dans la conduite de cette refondation du système bancaire. «Les banques n'ont pas joué leur rôle. Elles ont été un frein au développement de l'économie du pays», a asséné M. Benabderrahmane, qui s'est dit désolé qu'un tel levier pour l'économie nationale n'ait pas été utilisé à bon escient, au point de voir des banques, à cause de certaines pratiques, réduites à servir de «tiroir-caisse», et ce malgré des efforts de réforme, malgré un effort technologique introduit pour les transactions. Malheureusement, il y a eu ce qu'il appelle «une stagnation dans la pratique bancaire». À travers la réforme bancaire projetée, selon le ministre des Finances, les pouvoirs publics veulent «implémenter des systèmes de gouvernance qui vont permettre l'éclosion de la bonne volonté, l'innovation». Une réforme bancaire engagée afin d'assurer l'inclusion financière avec, entre autres moyens, la mise sur le marché de nouveaux produits bancaires. C'est dans cet ordre d'idées qu'intervient la promotion du segment que constitue la finance islamique, qui permettra d'intégrer une bonne partie de l'argent qui circule dans le marché informel, voire au-delà, espère M. Benabderrahmane. La première priorité donc dans la réforme bancaire sera «la mise en place d'une révision de la gouvernance des banques», puis toutes les pistes seront étudiées «sans tabou» même sur la question de l'ouverture du capital des banques publiques au privé. Azedine Maktour