De Tunis, Mohamed Kettou Les détracteurs de Rached Ghannouchi semblent décidés à le déloger du perchoir de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP). Selon le député Hassouna Nasfi, Ghannouchi, qui a conservé, jeudi, son poste de président de l'Assemblée, ferait l'objet d'une deuxième motion de destitution qui serait, déjà, en préparation. Malgré un vote massif contre lui (97 voix), Ghannouchi est sorti vainqueur car il fallait 109 voix pour le destituer. Le comble est que cette victoire a été remportée sans la participation de son propre parti Ennahdha, dont les députés ont brillé par leur absence au cours de la plénière de jeudi. Etant sûr de l'échec de cette tentative de ses opposants, Ghannouchi avait prédit que le vote équivaudrait à un renouvellement de confiance. Là, il a gagné son pari et aurait lui-même donné ordre aux députés de son parti de s'abstenir. Il est vrai qu'il pouvait compter sur les voix de certains partis, même minoritaires , pour faire pencher la balance en sa faveur. D'autant plus que le scénario avait été préparé à l'avance comme le laisse voir et comprendre le nombre des votants (133 contre 217 députés). Cet absentéisme a, sans doute, condamné la motion à l'échec en attendant la rentrée parlementaire dans deux mois. Deux mois qui donneront à réfléchir aux députés des divers blocs pour affûter leurs armes. Les uns pour conforter Ghannouchi dans son poste, les autres pour poursuivre leur tapage et tenter de le déloger. Quant à Ghannouchi, avec un flegme britannique, il continue à narguer ses farouches opposants en leur proposant une entente sans fissure pour œuvrer en faveur de la Tunisie et non pour les intérêts des partis politiques. L'entendront-ils de cette oreille ? Rien n'est moins sûr. D'autant plus que sa principale adversaire, Abir Moussi (PDL) , n'a d'autre préoccupation que le départ de Ghannouchi et, pourquoi pas, la dissolution de son parti islamiste. «Retirer la confiance à Ghannouchi est un devoir national» ou «Ghannouchi est un danger pour la sécurité nationale», et d'autres slogans du même genre sont brandis par les députés du PDL d'une manière ostentatoire à l'Assemblée. Ces députés, qui ne cachent pas leur mépris à l'encontre du président de l'Assemblée, ne s'arrêteront pas «en si bon chemin», disent-ils. Dans deux mois, ils comptent reprendre leur bâton de pèlerin pour rendre «irrespirable» l'air du Parlement et l'atmosphère plus suffocante pour Ghannouchi et son parti. C'est dire toute la désinvolture qui marquera les travaux d'une Assemblée appelée à être, plutôt, bienveillante envers un peuple dont les intérêts sont bafoués par ses représentants qu'il avait lui-même portés aux nues, il y a environ une année. Aujourd'hui que ce vote atteste de la division presque à parts égales, en deux blocs de l'Assemblée, la tâche de Hichem Mechichi de former le gouvernement sera-t-elle facile ? Décidera-t-il de se démarquer de tous les partis politiques pour sortir aux Tunisiens une équipe indépendante dont le seul objectif est de les servir ? Avec l'appui dont il bénéficie de la part du Président Kaïs Saïed, il pourrait emprunter cette voie qui lui garantirait, peut-être paradoxalement, la confiance du Parlement. Entre-temps, il fait face à une situation plus chaude que la vague de chaleur qui sévit depuis une dizaine de jours dans le pays. Car il n'y a aucun doute que la «victoire» remportée par Ghannouchi aura des conséquences notables sur la formation du nouveau gouvernement, c'est-à-dire sur l'avenir immédiat du pays. M. K.