L'imposant programme — feuille de route, selon le lexique du moment — dévolu au secteur de l'agriculture ne manque sans doute pas d'idées forces, celles qui requièrent une attention toute particulière, tellement une bonne partie des actions projetées ne pourraient se matérialiser sans que l'on se penche sur ces questions cruciales que sont, entre autres, l'assainissement du foncier agricole et la réduction du déséquilibre de la balance commerciale des principaux produits de base. La feuille de route dédiée au secteur de l'agriculture par le gouvernement pullule en objectifs, aussi bien immédiats qu'à moyen ou long terme. Certes, le tableau n'est pas tout sombre quand on voit de près ce qui a été accompli, mais force est de constater que le secteur agricole, sur lequel aurait dû s'appuyer davantage l'économie algérienne avant de penser à s'industrialiser, porte, tant bien que mal, l'économie du pays, notamment ces dernières années marquées par les difficultés que rencontre le secteur nourricier de l'Algérie, les hydrocarbures. Un apport certain pour le PIB national malgré la structure de l'économie nationale, mais eu égard aux potentialités existantes, l'Algérie est loin de tirer le meilleur de son agriculture. De quoi donner, en tous les cas, des idées aux pouvoirs publics qui, si l'on doit se fier à la feuille de route 2020-2024, ont décidé de mettre les bouchées doubles, notamment dans les actions à entreprendre dans l'immédiat, à commencer par l'épineuse question de l'assainissement du foncier agricole, et la récupération des terres agricoles non exploitées. Un sujet auquel a consacré un volet important le plan de travail à accomplir dans l'immédiat, agréé par le gouvernement. L'assainissement du foncier agricole Le programme à court terme du secteur de l'agriculture concernant le foncier agricole s'articule, d'abord, autour de la clôture de l'opération de conversion dans le cadre de la loi 10-03. L'opération de conversion du droit de jouissance en droit de concession, en application de la loi 10-03 fixant les modalités d'exploitation des terres agricoles relevant du domaine privé de l'Etat, concerne 201 210 attributaires des terres, occupant 80 138 exploitations agricoles (EAC/EAI), sur une superficie de 2.253.702 ha. Selon les chiffres du ministère, 12 220 dossiers pour une superficie de 133 926 ha sont en instance à différents niveaux de traitement, et la clôture de cette opération est prévue au 31 décembre 2020. En tout, ce sont 184 103 actes de concession qui ont été établis pour une superficie de 2 136 751 ha. S'agissant des accords de partenariat conclus, au nombre de 4 800, au niveau des Exploitations agricoles collectives (EAC) et Exploitations agricoles individuelles (EAI), les taux de participation ont été adoptés et entérinés, au grand soulagement des bénéficiaires. Selon le ministère de l'Agriculture, afin de sécuriser les investisseurs en question, notamment ceux concernés par le taux de participation (99%-1%), des instruments réglementaires, portant procédures de mise en œuvre du droit de concession sur les terres agricoles relevant du domaine privé de l'Etat, en appui aux dispositions de la loi n°10-03 du 15 août 2010 fixant les modalités d'exploitation des terres agricoles relevant du domaine privé de l'Etat, sont en cours d'élaboration. Quant au programme de mise en valeur des terres, un potentiel foncier de 2,4 millions d'hectares a fait l'objet d'attribution dans le cadre des dispositifs en vigueur, à savoir l'accession à la propriété foncière agricole (loi 83-18 du 13 août 1983 relative à l'APFA), et la concession (circulaires interministérielles n°108 du 23-02-2011 et 1839 du 14-12-2012). La récupération des terres non exploitées a concerné 105 522 bénéficiaires, pour une superficie de 1 190 500 ha, dont 55 196 ont fait l'objet de constats négatifs pour une superficie de 756 600 ha, dont 607 000 ha ont été effectivement récupérés, alors que le reste à récupérer concerne 149 600 ha et l'opération devrait intervenir ce semestre. Des actes pour réduire le déséquilibre de la balance commerciale Un programme, étalé sur les quatre prochaines années donc, qui réserve également un chapitre aussi essentiel à la participation de l'agriculture dans la préservation des réserves de change du pays à travers, pour ce qui concerne le secteur, la réduction du déséquilibre de la balance commerciale des principaux produits de base. Ainsi, il est prôné la réduction progressive des importations des blés et de l'orge ainsi que de la poudre de lait, la rationalisation des dépenses publiques, la réduction des importations, et la valorisation des potentialités par l'amélioration des niveaux de productivité. Dans cet ordre d'idées, au ministère de l'Agriculture, il est question désormais de la nécessité de revoir les textes régissant l'encadrement de l'Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC), et introduire un contrôle rigoureux dans la gestion des approvisionnements des unités de transformation et ce, pour éviter les fraudes constatées dans certaines minoteries. Entre autres impacts attendus de ce qui va être entrepris, l'Algérie devrait, selon les estimations des experts du ministère de l'Agriculture, parvenir à la réduction des quantités de blé tendre importées de 2 millions de tonnes, soit une économie sur les dépenses publiques en devises de 468 millions de dollars, une économie de la subvention du blé tendre de 36 milliards de DA (18 000 DA/t). Tout autant que l'OAIC, il est prévu que l'Office national interprofessionnel du lait (Onil) fasse l'objet d'un «encadrement de son intervention», sous forme de la mise sur pied de mesures à court terme dans le cadre du « Programme d'intérêt général de fabrication et de distribution de lait pasteurisé conditionné (LPC), vendu au prix administré de 25 DA le litre ». Ceci dans l'objectif de réduire les importations et promouvoir la production nationale grâce à, entre autres actions, la substitution d'une partie de la poudre de lait subventionnée par l'intégration de lait de vache de production nationale. Des actions immédiates qui devraient se traduire par la réduction de la facture d'importation de 32,74 millions de dollars en 2021, de 49,1 millions de dollars en 2022, de 65,48 millions de dollars en 2023 et de 81,85 millions de dollars en 2024. Mesures à prendre dans l'immédiat qui, entre autres, s'ajoutent à l'élaboration, d'une part, d'une liste de produits agricoles, proposée au comité national, portant sur les fruits interdits à l'importation durant la saison de cueillette. Il s'agit notamment des agrumes, abricots, cerises, pêches, prunes, raisins, poires, pommes, amendes, figues, grenades et nèfles, et, d'autre part, un projet d'arrêté fixant la liste des marchandises soumises au droit additionnel provisoire de sauvegarde (DAPS) et les taux correspondants. Azedine Maktour