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Le baccalaur�at est-il devenu un concours ?
Publié dans Le Soir d'Algérie le 21 - 08 - 2010

Ce qu�il faut savoir tout d�abord, c�est que cette �preuve tombe � un moment charni�re de la vie du jeune, en l�occurrence l�adolescence qui repr�sente un cap important dans l'existence o� tout change : le corps, les �motions, les sentiments, les pens�es. C'est une �tape de grande vuln�rabilit�. Difficile pour l'adolescent de trouver la juste mesure entre son imaginaire et la confrontation au monde.
Comme le rappelle Coslin (2002), la croissance physique manifeste � l�adolescence un caract�re dysharmonique susceptible de provoquer des r�actions, voire m�me des perturbations psychologiques. La pubert� retentit sur la croissance en acc�l�rant et en intensifiant ses manifestations. Ces transformations sont �galement li�es au d�veloppement sexuel. Outre la fatigabilit� et une relative fragilit� g�n�rale, elles se manifestent � travers l�image de soi et l�exp�rience subjective des transformations pubertaires. En fait, l'adolescence, c�est d�abord et avant tout une p�riode, un cycle de la vie, un moment du d�veloppement impliquant diff�rents secteurs aussi bien physiologique, cognitif que socio-affectif. Ces trois secteurs vont subir des modifications majeures entra�nant chaque fois des exigences d'adaptation et de transaction en se succ�dant tout au long de cette p�riode. C�est ainsi qu�avec la g�nitalit� naissante et la n�cessit� de vivre dans un corps dor�navant sexu�, l�adolescent va devoir faire l�apprentissage de l'intimit� sexuelle ; les modifications des structures cognitives vont favoriser l'acc�s � la pens�e formelle, l��laboration de constructs moraux et d�aller de plus en plus vers des int�r�ts psychosociaux et politiques (Marcia, 1980) ; l�int�gration progressive de l�adolescent au monde social, sa qu�te d�autonomie et d�ind�pendance vont l�obliger � faire des choix affectifs, parfois douloureux, n�cessitant la rupture progressive des liens d'attachement ; enfin l'affirmation de l'identit� va venir cl�turer l'adolescence imposant des choix fondamentaux qui vont permettre � l�individu de se d�finir d�abord pour soi ensuite pour autrui, l'engageant d�sormais dans la vie adulte. Ce besoin de se s�parer de ses parents, cette qu�te de l�autonomie est en fait l�expression d�un besoin plus fondamental encore chez l�adolescent : la recherche de limites. L�adolescence est, comme la qualifie Coslin (2003, p.9), �un mouvement en qu�te de limites�, ou de conqu�te de ses limites aussi bien au plan de son corps propre (alimentation, style d�habillement, performances physiques), de ses comp�tences intellectuelles, que dans le domaine du lien social (Alvin et Danielli, op.cit), d�o� l�importance des prises de risque. Pour Coslin (2003, p.10), �l�adolescent n�gocie son passage � l��ge adulte � travers de multiples comportements d�rogatoires, empreints de risques, cherchant ses limites et quelles sont celles d�autrui�. Cette interpellation des r�gles et des lois, interpellation resubjectivante au sens que lui attribue Gutton (op.cit.), dans la mesure o� l�adolescent est tenu de construire d�autres valeurs, cherchant dans son entourage proche familial et lointain, les �tayeurs n�cessaires � ses constructions, cette interpellation vise donc, plus ou moins consciemment chez l�adolescent, � provoquer une r�action et a un sens de communication dialectique interactive (Coslin, 2003). Selon Coslin (2003), la recherche de limites et de prise de risque est en relation avec les transgressions adolescentes, transgressions pens�es par lui comme dynamiques et s�apparentant � la progression. Pour Coslin (2003, p.7) en effet, �la transgression s�av�re n�cessaire � l�adolescence, dans la mesure o� elle permet au jeune de progresser et de rompre avec ces images parentales qui �taient structurantes pour l�enfant mais qui ne suffisent plus � son actuel d�veloppement�. En fait, toutes les conduites d�rogatoires de l�adolescence, toutes les prises de risque, souvent � la limite de la d�viance ou du pathologique traduisent, comme l��crit Marty (2001), les recherches que font ces adolescents pour trouver une issue � leur mal-�tre, pour se sentir vivant, pour maintenir, via les �prouv�s corporels li�s � ces agissements, le sentiment d�une continuit� dans leur existence. Ces conduites sont en fait, selon Marty, des manifestations � la fois de la difficult� ressentie par l�adolescent � entrer dans le processus d�adolescence mais en m�me temps de l�engagement dans ce processus par la voie d�une activit� qui donne � l�adolescent l�impression de pouvoir lutter contre le sentiment d��tre agi, contre l�envahissement pubertaire dont il se sent �tre la victime. Agir, quitte � ce que l�acte soit passag�rement �hors norme�, ou encore �limite�. C�est tr�s souvent, pour reprendre l�expression heureuse de D.W. Winnicott (1967, cit� par Marty, ibid.), un signe d�espoir : �quelque chose s�exprime et s�adresse � quelqu�un�. Cette notion de prise de risque et de transgression, cette interpellation des lois et des normes � travers des conduites d�rogatoires nous font clairement comprendre que, bien qu��tant un fait individuel, l�adolescence est aussi un fait social et qu�elle �volue parall�lement aux faits sociaux qu�elle interpelle (Coslin, 2003, p.4). Car les diverses t�ches de l'adolescent, affirmer l'identit� sexuelle ou acc�der � l'autonomie sociale, se construisent � partir de r�ponses offertes par la soci�t� des adultes et des programmes sociaux qui d�finissent le passage au statut d'adulte. Cependant, l�adolescent �tant un individu normatif qui choisit de cr�er ses propres normes, il est souvent amen� � remettre en question ces r�ponses offertes par la soci�t� des adultes � travers une d�marche de n�gociation souvent transgressive. Mais s�il y a transgression, il y a aussi transaction nous dit Coslin (1996), pour qui, en agissant ainsi, l�adolescent n�gocie en fait son identit� et son autonomie, s�engageant dans une reconstruction sociale de n�gociation. Ainsi, la conqu�te de l�autonomie ne va pas sans poser de probl�mes � l�adolescent car en s��loignant de ses parents, il se retrouve en quelque sorte �dans la rue�, selon l�expression d�Alvin et Marcelli (2005), oblig� de s�int�grer � un nouvel environnement qui est le cercle social. Cela va n�cessiter pour l�adolescent une adaptation � des situations nouvelles, adaptation qui peut �tre difficile, voire m�me impossible, pour un certain nombre de jeunes d�o� le recours � l�expression corporelle et � toute cette cohorte de plaintes somatiques qui ont amen� Coslin (1996) � qualifier cette p�riode de la vie �d��tat pathologique normal�, manifestations symptomatiques qui ne sont en d�finitive que l�expression d�un mal-�tre dans une soci�t� o� l�adolescent a de plus en plus de mal � trouver sa place, une soci�t� en perp�tuelle mutation dans laquelle les normes et valeurs d�hier n�ont plus cours. Cela est d�autant plus vrai pour l�adolescent alg�rien chez qui les modifications importantes propres � cet �ge, tant au plan biologique qu�au plan de son environnement social (familial et scolaire) exposent plus particuli�rement � ce types de probl�mes alors m�me que la notion d�adolescent et la r�alit� de l�adolescence, inexistantes dans les structures sociales traditionnelles, sont le fait historique de modifications sociales relativement r�centes : allongement de la scolarit�, report de l�entr�e dans la vie active, report de l��ge du mariage induisant une d�pendance �conomique et affective particuli�re � l��gard des parents, bien au-del� de l��ge de la pubert�. L�importance de la prise en compte du fait social dans la compr�hension de la probl�matique de l�adolescence est donc incontournable pour bien cerner les strat�gies de faire face de l�adolescent aux prises avec ses difficult�s internes et comprendre comment il arrive � �d�placer ses besoins insatisfaits et impossibles � satisfaire sur les relations aux autres ou sur des relations autres ; vers des liens de socialisation diversifi�s avec les autres adultes, mais aussi avec les pairs, ou encore vers des investissements sublim�s sportifs, culturel, artistiques, etc., ce qui peut lui permettre de d�couvrir diff�rents r�les sociaux et de faire des exp�riences� (Alvin et Daniellei, op.cit., p.38). Cette exp�rimentation de r�le permet donc de comprendre les strat�gies de faire face de l�adolescent dans une soci�t� ins�cure, une soci�t� qui le confronte de plus en plus au ch�mage et � la marginalisation. Le milieu social et culturel p�se donc lourdement sur le d�roulement de l�adolescence et sur le comportement de l�adolescent (Origlia et Ouillon, 1977). La prise en compte du fait social et son incidence sur cette p�riode de la vie est donc capitale � saisir, ce qui a fait dire � Gasch (1973) que �l�adolescence ne peut devenir une �tape de d�veloppement significative que si elle est mieux assise sociologiquement�. Dans cet �entre-deux� (l�enfance et l��ge adulte) qui est le propre m�me du processus adolescence, les r�ponses que peut ou ne peut donner l�environnement social � l�adolescent en qu�te de sa propre autonomie sont d�terminantes � bien des �gards. Parmi ces r�ponses sociales, l�examen du baccalaur�at qui est une �preuve qui vient cl�turer la fin d�un cycle scolaire vient se situer justement au beau milieu de ce carrefour d�terminant dans la vie du jeune. Cette �preuve qui est un moment-cl� dans l��volution du jeune le pr�parant � ces futurs engagements adultes tend cependant � devenir un v�ritable challenge, un d�fi � relever pour acc�der � un statut ou, encore mieux, pour conqu�rir un statut de plus en plus probl�matique compte tenu des difficult�s que rencontrent les jeunes pour acc�der � une formation de leur choix et s�ins�rer ainsi dans le monde des adultes. L�acc�s � l�universit� est de ce point de vue une �tape capitale dans la vie du jeune pour s�affranchir mais aussi et surtout pour �devenir�. Avec le baccalaur�at en poche, le jeune cesse d�finitivement d��tre consid�r� comme un enfant aux yeux des parents qui voient dor�navant en lui un adulte capable de prendre son destin entre ses propres mains. D�ailleurs, beaucoup de parents le disent clairement : �Maintenant qu�il ou elle a eu son bac, ma mission est termin�e.� Ainsi, gr�ce � ce dipl�me, l�adolescent est maintenant consid�r� comme un �initi�, comme quelqu�un qui sait o� il va et qui doit faire ses propres choix. D�ailleurs, la r�ussite � cet examen est v�cue comme une v�ritable
promotion sociale du jeune qui, d�s lors, et jusqu�� un certain point, va �tre consid�r� comme autonome pour ne pas dire adulte. En effet, pour certains parents, d�s que le jeune acc�de � l�universit�, il n��marge plus sur le budget parental puisqu�il va �tre boursier. Par ailleurs, cette r�ussite au baccalaur�at est suivie d�un autre rituel tout aussi significatif : les f�tes qu�on organise pour c�l�brer cet �v�nement et qui lui conf�rent une valeur plus symbolique encore, au m�me titre que les f�tes ritualis�es des soci�t�s dites primitives � l�occasion des c�l�brations de la pubert�. D�autre part, la mani�re dont cet examen est pr�par�, l�implication des parents dans sa pr�paration, tout le rituel mis en place tout au long de l�ann�e pour appr�ter le candidat (cours particuliers, pr�paration psychologique, etc.), lui conf�rent une valeur toute particuli�re. L�examen du baccalaur�at tend ainsi � devenir l��quivalent du rite initiatique de la pubert� qu�on observe dans les soci�t�s dites primitives. En effet, dans les soci�t�s primitives, l�adolescent devenait adulte apr�s avoir subi un rite de passage qui l�int�grait au sein de la communaut� et prenait place dans son histoire. Ces rituels de pubert� et de re-naissance avaient une place consid�rable dans l�histoire du sujet. Ces rites initiatiques supposaient l�abandon des positions archa�ques primitives d�crites par Bettelheim (1971). Dans ces soci�t�s, la pubert� physiologique signait la n�cessit� pour l�enfant de changer de statut, changement qui �tait rendu manifeste gr�ce � ces rites et qui, au-del� de leur symbolique sexuelle manifeste, introduisaient l�individu dans l�ordre des r�alit�s sociales et culturelles de son groupe permettant ainsi au jeune d�acc�der aux fonctions sociales de l�adulte. Aujourd�hui, avec l�av�nement de l��re industrielle et la sp�cialisation de plus en plus pouss�e, avant d�acc�der aux fonctions sociales de l�adulte, le jeune pub�re est d�abord soumis � une p�riode d�apprentissage de plus en plus longue qui retarde son acc�s au monde du travail et donc � la responsabilit� �conomique. L�allongement de la dur�e des �tudes, le temps de plus en plus long mis pour l�apprentissage d�un m�tier, l�acc�s tardif au mariage ont d�mesur�ment allong� l�adolescence et comme le dit Claes (op.cit., p.49) �dans notre soci�t�, le passage � l��tat adulte n�est pas institutionnalis� et le programme qui r�git la transition entre l�adolescence et l��ge adulte est plus flou, plus ouvert mais singuli�rement plus complexe, puisqu�il est dict� par des r�gles de formation et de sp�cialisation professionnelles... � Ainsi, dans nos soci�t�s contemporaines, il n�y a pas de �passage institutionnalis� entre l�enfance et l��ge adulte ; point donc de rites de passage comme c��tait le cas dans les soci�t�s dites primitives. On ne peut de ce fait qu�observer l�absence de telles rites dans les soci�t�s modernes, � moins, comme le dit Claes (op.cit.), qu�on ne tienne pour des rites d�initiation les f�tes religieuses qui se d�roulent � l�adolescence, comme la communion solennelle chez les chr�tiens ou le Bahrmiza chez les juifs, ou encore certaines formes d�engagement dans les mouvements de jeunesse ou le passage de l��cole �l�mentaire � l��cole secondaire. De ce point de vue, l�examen du baccalaur�at, qui est une �preuve � laquelle on soumet le jeune, m�me s�il survient un peu plus tardivement, remplit parfaitement cette exigence lui conf�rant la valeur d�un rite de passage, m�me s�il s�agit l� d�un �v�nement limit� qui n�implique que des aspects partiels de l�individu, � la diff�rence des rites d�initiation qui engagent l�ensemble de la personne, son corps, son esprit et son statut social, comme le souligne Claes par ailleurs. Le baccalaur�at et les attentes qui lui sont inh�rentes, aussi bien les attentes parentales que celles du concern� lui-m�me, du futur �initi�, vont �tre d�terminants � bien des �gards dans la r�ussite ou l��chec des engagements socioprofessionnels du jeune. Tout peut donc se jouer autour de cet �v�nement et tout peut basculer aussi si les choix et les attentes mis dans cet examen ne sont pas satisfaits. Or, il se trouve justement que ces choix ne vont pas de soi compte tenu du syst�me d�orientation mis en place et qui est en train de transformer cet examen en un concours alors m�me qu�on parle d�examen du baccalaur�at. En effet, le jeune qui vient d�obtenir son baccalaur�at ne peut choisir que si sa moyenne lui permet d�acc�der � ce choix. Une moyenne fluctuante qui change chaque ann�e en fonction du taux de r�ussite. Mais ce syst�me d�orientation est si mal fait que beaucoup de jeunes se retrouvent exclus d�embl�e m�me si, par ailleurs, ils ont une bonne moyenne mais qui est en dessous de quelques centi�mes de celle qui est exig�e. C�est ainsi que parfois, m�me des bacs avec mention ne peuvent acc�der au choix. L�aberration est telle qu�il n�y a pratiquement plus de diff�rence entre un bac obtenu avec un dix de moyenne et un bac obtenu avec un quatorze ou m�me un quinze de moyenne si ce quatorze ou ce quinze sont en dessous de la barre de la moyenne butoir. Par ailleurs, ceux qui obtiennent de fortes moyennes ne sont pas forc�ment les meilleurs. A titre d�exemple et si on prend un bac science, compte tenu de la pl�thore de mati�res qu�il contient, on peut tr�s bien avoir une bonne moyenne sans pour autant cartonner dans les mati�res principales et l�inverse est tout aussi vrai, on peut �chouer � cet examen-concours m�me si on obtient d�excellentes notes dans les mati�res scientifiques si on rate les autres mati�res. Quelle est donc la valeur de cette orientation biais�e par un programme qui ne refl�te nullement la valeur scientifique du baccalaur�at obtenu ? Comment peut-on, sur la base d�une moyenne qui ne refl�te nullement le niveau r�el du candidat, orienter ce dernier vers telle ou telle fili�re et que fait-on des attentes et des espoirs de tous ceux qui n�ont pas eu la chance d�obtenir cette moyenne qui a transform� le baccalaur�at en un v�ritable concours ? Car c�est bien le cas, nous ne sommes plus face � un examen mais bel et bien face � un concours extr�mement s�lectif qui peut laisser sur le carreau des milliers de jeunes, brisant ainsi un �lan vital prometteur et tuant dans l��uf cette volont� d��mancipation naissante. Pour contourner cet �cueil, beaucoup de jeunes vont tout simplement repasser cet examen autant de fois que n�cessaire jusqu'� l�obtention de la �moyenne-s�same�. Mais combien sont-ils ces jeunes qui vont se soumettre ainsi � la r�capitulation de cette �preuve ? Ils sont certes nombreux, mais la masse �crasante de ceux qui n�ont pas pu obtenir la moyenne-s�same vont tout bonnement se soumettre � cette injuste fatalit� et tra�ner leur insatisfaction d�une facult� � l�autre jusqu'� �puisement de tout leur potentiel pour finir, et ils sont nombreux, par abandonner toute volont� de poursuivre des �tudes sup�rieures. D�autres essayent de partir � l��tranger, mais est-ce une solution ? C�est ainsi qu�apr�s la joie de la r�ussite et le sentiment d�avoir triomph� d�une �preuve capitale, l��preuve ultime menant � l�agr�gation sociale et � l��mancipation, le r�veil est brutal et tous ceux qui n�ont pas eu le choix, et ils sont les plus nombreux, vont se sentir flou�s. En effet, que fait-on de leurs souhaits, de leurs d�sirs d�advenir ? Comment peut-on d�cider � leur place de ce qu�ils ont toujours r�v� de faire ? A quoi cela sert-il d�avoir un baccalaur�at si, par la suite, celui-ci ne leur permet pas d�aller de l�avant, d�achever ce processus d��mancipation par des choix qui m�ritent l�engagement. Le baccalaur�at n�est donc plus un examen, c�est un concours, mais est-ce normal qu�un examen g�n�raliste qui boucle la fin du cycle secondaire devienne aussi s�lectif ? Bien s�r que non. Le baccalaur�at est un examen et doit le rester. Maintenant et si on doit � tout prix s�lectionner, cela ne doit pas se faire par le biais du baccalaur�at, mais � l�universit�, par le biais d�ann�es pr�paratoires. Ainsi, le jeune qui d�cidera de s�engager dans telle ou telle fili�re le fera en connaissance de cause parce qu�il sait dans quoi il s�engage et sur quoi il va �tre jug�, c'est-�-dire un programme conforme au choix d�cid� ce que le baccalaur�at ne peut en aucun cas permettre. Le baccalaur�at reste un profil g�n�ral qui n�cessite un affinement par la suite dans le cadre de classes pr�paratoires au terme desquelles le candidat saura v�ritablement s�il est fait ou non pour cette fili�re puisqu�il aura �t� confront� aux pr�mices, aux bases de ce qu�il aura � apprendre par la suite s�il passe avec succ�s le cap de l�ann�e ou des deux ann�es pr�paratoires. Maintenant et si l��preuve du baccalaur�at est cet �quivalent de rite initiatique, de rite d�agr�gation �mancipatrice et si le jeune d�couvre en d�finitive que cette �preuve � laquelle il s�est pr�par� et qu�il vient de subir avec succ�s ne lui permet pas de faire les choix qui ont motiv� son engagement, il va croire qu�il a �t� leurr�, que le monde social auquel il r�ve de s�int�grer avec une identit� nouvellement acquise, une identit� qui lui donne une visibilit� sociale refuse en fait de l�admettre dans son giron en multipliant les obstacles, exactement comme cet oisillon arriv� � maturit�, � qui on vient de rogner les ailes et qui sera par cons�quent incapable de voler. C�est ainsi que ce formidable processus d�identisation va brusquement tourner court donnant lieu � un intense sentiment d�incompr�hension, d�incompl�tude et m�me de solitude. Le jeune va se sentir rejet�. Livr� � lui-m�me, il va devoir se r�inventer. Et pour exister, pour ��tre� dans un environnement qui le renie, il est souvent amen� � adopter des conduites parfois � la limite de la pathologie, de la d�viance ou de la d�fiance. Car, et si comme l��crit Erikson (1972, p.135), �si un jeune doit s�apercevoir que l�environnement tente de le d�pouiller trop radicalement de toutes les formes d�expression qui lui permettent
de d�velopper et d�int�grer l��tape suivante, il pourrait r�sister avec la sauvage �nergie rencontr�e chez les animaux qui subitement sont contraints de d�fendre leur vie�. Devant le hiatus extraordinaire entre leurs aspirations et la r�alit� qui leur est impos�e, victimes d�un syst�me �ducatif obsol�te, un syst�me �ducatif moribond qui est en v�rit� le seul coupable de cette situation de non-droit � laquelle on soumet le jeune qui devient la victime expiatoire d�une institution �ducative d�pass�e, p�rim�e et dont nous n�avons pas encore fini d�en subir les contrecoups, pour faire face et pour ne pas succomber � des formes encore plus mortif�res d�affirmation de soi, il reste � ces jeunes auxquels on a confisqu� m�me leurs r�ves, � ces jeunes qui ne r�vent plus, une seule id�e en t�te, en fait le seul r�ve ou encore le seul choix que ce syst�me a �chou� � leur confisquer : fuir ce pays, quitter l�Alg�rie dans le but d�une situation meilleure en Europe, au Canada ou m�me en Australie. Ainsi, en l�absence de perspectives viables, quand on se sent spoli� dans ses choix les plus fondamentaux, des choix qui m�ritent l�engagement, beaucoup de jeunes songent ou plut�t r�vent d�obtenir le fameux visa pour l��tranger, le visa de tous les r�ves. Sinon, en l�absence d�autres perspectives et � cause de la retraite anticip�e � laquelle ils sont contraints, comme l��crit Rouag (op.cit.), retraite qui leur �te leur raison de vivre et parce qu�ils ne se sentent plus d�sir�s ni dans leur vie intime, ni dans leur existence sociale, ils finissent par �prouver d�intenses sentiments de solitude et de d�sespoir, sentiments qui les poussent � vouloir donner corps, co�te que co�te, � ce r�ve impossible en jouant avec leur vie pour se prouver, � eux-m�mes et aux autres, qu�ils m�ritent d�exister. Flirtant avec la mort, sur de fr�les esquifs, ils n�ont plus d�autres choix que de br�ler leur vie pour ainsi dire et le terme utilis� ne signifie rien d�autre que ce qu�il veut bien signifier �harraga�. Br�ler quoi ? Sinon leur propre vie.
M.-N. N.
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