La grippe saisonnière ne va pas tarder à débarquer alors que la pandémie de nouveau coronavirus persiste toujours. La cohabitation des deux infections est inévitable. Sera-t-elle difficile ? Comment les deux virus évolueront-ils simultanément ? Et que faire pour limiter les dégâts ? Rym Nasri - Alger (Le Soir) - Dans quelques semaines, la grippe saisonnière pointera son nez. Ce n'est pas vraiment grave en temps normal. Mais cette fois-ci, la traditionnelle infection hivernale interviendra dans une situation épidémiologique très compliquée. Le Sars-CoV-2, un autre virus très virulent qui a mis à rude épreuve le personnel soignant depuis de longs mois, sévit toujours. Le comble : il n'est pas toujours simple de déterminer si l'on souffre d'une grippe ou du nouveau coronavirus. Les deux pathologies se manifestent pratiquement de la même manière et se confondent. Leurs symptômes sont communs, notamment l'hyperthermie, les maux de tête, la toux sèche au début, la fatigue et parfois des troubles digestifs notamment une diarrhée, appelée grippe intestinale. «Seules l'agueusie (perte de goût) et l'anosmie (perte d'odorat) sont particulières au Covid-19, en plus ce n'est qu'un détail», dira le Pr Salim Nafti, spécialiste en pneumophtisiologie. Malgré les symptômes identiques, il précise que les deux maladies ne sont pas traitées de la même manière. Une coexistence que les professionnels de la santé appréhendent, redoutant de voir une nouvelle fois les services des urgences et de réanimation submergés. D'autant, précise-t-on, attraper en même temps la grippe et le Covid-19 peut s'avérer dangereux. «Une personne atteinte par les deux virus à la fois devient très fragilisée, notamment les immunodéprimés qui ont de faibles chances de s'en sortir», affirme le même spécialiste. Pour une vaccination antigrippale plus large Pour éviter la superposition des deux maladies, les spécialistes insistent sur la vaccination contre la grippe saisonnière. Selon eux, cette démarche permettra de réduire les complications et de mieux gérer les deux épidémies. «La vaccination est obligatoire. Il faut se vacciner contre la grippe», souligne le Dr Mohamed Yousfi, chef de service des maladies infectieuses de l'EPH de Boufarik. Afin de faire face à la cohabitation des deux infections respiratoires, il insiste également sur le respect des mesures barrières. «Si nous, nous découvrons ces mesures, chez les Asiatiques, elles existent depuis des générations», fait-il remarquer. En attendant le vaccin contre le nouveau coronavirus qui, dit-il, sera le meilleur moyen de prévention contre le Sars-CoV-2, «les mesures barrières restent la seule protection». L'ancien chef de service de la clinique des maladies respiratoires au CHU Mustapha-Pacha, le professeur Nafti, rappelle à son tour que les mesures préventives sont identiques pour les deux maladies. Il évoque ainsi les mesures barrières, notamment le port du masque et le respect de la distanciation physique. Il plaide également pour une vaccination antigrippale plus large de la population. «Nous avons les moyens de prévention de la grippe saisonnière qui est la vaccination. Nous recommandons vivement à ce que la population se fasse vacciner», dit-il. Précisant que le vaccin antigrippal ne protège pas contre le coronavirus, il estime que si la vaccination contre la grippe saisonnière n'est pas faite, les répercussions sur les établissements de santé publique, les cabinets médicaux et les laboratoires d'analyses seront «ingérables». «Les consultations, les unités d'urgence, les cabinets médicaux, mais aussi les laboratoires d'analyses seront submergés de malades. Ayant les symptômes, et de peur d'avoir le virus Sars-CoV-2, les gens vont aller vers le dépistage. Les tests de dépistage de Covid-19 sont déjà insuffisants. Si, en plus, ils vont être sollicités par les porteurs du virus de la grippe saisonnière, ils vont rapidement être épuisés», prévient-il. Insuffisance des vaccins antigrippaux, l'autre problématique Les médecins préconisent, cette année plus que jamais, de se faire vacciner contre la grippe saisonnière. Cette fois-ci, ce ne sont plus les sujets à risques qui sont concernés, mais plutôt tout le monde afin d'assurer une gestion plus fluide de la cohabitation de l'épidémie de la grippe et celle du nouveau coronavirus. Mais les doses disponibles seront-elles suffisantes ? L'Algérie commande annuellement près de deux millions et demi de doses de vaccin antigrippal. Une quantité qui, selon le Pr Nafti, est déjà insuffisante pour les sujets à risques. «Si nous comptabilisons les malades chroniques, hypertendus, diabétiques, coronariens, les femmes enceintes et les personnes âgées, nous obtiendrons un chiffre plus élevé que 2,5 millions», dit-il. Il a ainsi appelé le ministère de la Santé à au moins doubler la quantité des doses de vaccin antigrippal à commander cette année, même si, reconnaît-il, «par ces temps de crise financière, je sais que ce n'est pas facile à faire». Pour lui, le corps médical doit impérativement accéder à son lot de vaccins d'autant, poursuit-il, la loi exige que tout le personnel de la santé soit vacciné contre la grippe saisonnière. Par ailleurs, le spécialiste lance un appel aux pouvoirs publics pour saisir l'actuelle «accalmie» de l'épidémie de nouveau coronavirus dans notre pays pour «essayer de corriger toutes les erreurs». Il suggère de mettre à profit cette période pour «combler les manques en produits, notamment les antibiotiques, améliorer la prise en charge des patients atteints de maladies chroniques, principale cible de ces deux virus, sensibiliser les professionnels de la santé à la ressemblance entre les deux pathologies dans les deux secteurs public et privé, afin qu'ils puissent faire face à une éventuelle submersion des établissements de santé, au risque qu'ils replongent dans un nouvel burn-out». Ry. N.