Par Dr Boudjemaâ Haichour(*) La randonnée que nous avons effectuée dans le cadre de l'étude consacrée à la généalogie nous enseigne combien sont précieux les éléments liés à l'identité d'une Algérie pluriséculaire. Après Djelfa, Biskra, Laghouat, nous arrivons à Ouargla. De Constantine, nous avons préféré la route par Biskra et Touggourt au lieu d'aller par Alger via Laghouat et Ghardaïa. L'Oasis de Ouargla est une des plus anciennes du désert et paraît avoir été connue d'Hérodote qui décrit son site dans (le livre II, 3/2) comme point extrême des Nasamons présentés comme peuple pirate de la Cyrénaïque, qui fut exterminé par Dioclétien à la suite d'un soulèvement contre la domination romaine. Les Béni Ouargli et l'étymologie de Ouargla Suivant toutes les probabilités, Ouargla a été habitée, dès les premiers âges de l'histoire, par les Sub-Ethiopiens ou Garamantes, vivant au centre de l'Afrique et peuvent être considérés comme les autochtones de Ouargla. De nombreuses émigrations zénètes et donc berbères à l'abri des Vandales et des Visigoths ont cherché refuge dans l'oasis de Ouargla. Ce sont les Béni Ouargla qui occupèrent la ville et lui donnèrent leur nom. Pendant longtemps, ils obéirent à la famille des Béni Toudjine à Ferhan et Bou Adjar. Ainsi la restauration des oasis a permis de faire occuper l'espace tel Ngoussa et les trois fractions se formèrent, à savoir les Béni Ouagguine, les Béni Brahim et les Béni Sissine. Ouargla, entre Hafsides et Hammadites Ouargla devait reprendre une partie de sa splendeur vers 1353, telle que décrite par Ibn Khaldoun. C'est l'émir hafside Abou Zakaria (1319/1346) qui fait construire une mosquée jusqu'à l'avénement des Turcs. Elle passa sous l'autorité des Bensindi représentant les sultans hamadites dans le Zab et celle des Bou Mozin, délégués des sultants hafsides qui confirmèrent le commandement de l'oued Rir et de Ouargla. Au XVIe siècle, Ibn Wazan Léon l'Africain parle des marchands étrangers de Tunis. Il y a également des gens de Constantine qui troquaient leurs produits à Ouargla. Les gens de Ouargla résolurent de rétablir l'autorité sous le plus jeune fils d'une famille de Chorfa Allahoum, nommé Sultane de Ouargla en 1602, qui inaugura une ère nouvelle qui accepta les gens d'Ahl Zériba, venus chercher des pâturages à Ouargla devenant des «mézarguia», sorte de gardes du corps. Il en sera de même pour les Béni Thour venant du Djérid. La composante tribale des gens de Ouargla C'est à la faveur d'une médiation sous l'autorité de Sidi Cheïkh Si Hadj Bouhafs, merabet d'El Abiod, que le réconciliation eut lieu entre les Chaâmbas Bourouba et les Bou Saïd. L'apaisement est entré en vigueur sous l'autorité d'Allahoum, un personnage sage et ferme. Il ramène la paix à Ouargla. Ainsi, les nomades des nouvelles tribus, les Saïd Otba et les Mkhadma, fractions de la tribu des Saïd qui habitaient El Adjira, se composent de quatre fractions : d'un côté, les Ouled Moulet et les Saïd Orba, de l'autre, les Saïd Oulad Amar et les Saïd proprement dit, appelés plus tard les Mékhadma. Rôle d'équilibre des Béni Brahim à Ouargla À partir de là, les Ouled Moulet se fixèrent à Touggourt, les Saïd Ouled Amar à Témacine et à El Adjira tandis que les Saïd Otba et les Mékhadma vinrent s'établir les premiers à Ngoussa, les autres à Ouargla et Rouissat. Les Béni Brahim qui formaient la plus puissante des fractions sédentaires prenaient tantôt le parti de l'une ou de l'autre selon l'équilibre des forces. Il faut dire que la tribu des Saïd Otba était divisée à cette époque en trois grandes fractions, à savoir les Fetnassa, les Rahbat et les Ouled Youcef. Ces derniers sont composés des Béni Mansour, Sabrat et El Amara. Aujourd'hui, les routes goudronneuses sont moins pénibles. La route par l'Est semble plus agréable, surtout le sable fin qui scintille à l'horizon par un soleil ardent où les dunes, semblables à des montagnes du Grand Erg, pointent déjà la ville de Touggourt et devant nous apparaît Ouargla. Ouargla al madanya, cette belle cité aux six oasis Un grand mur de palmiers borne cette belle cité avec ses six oasis telles Sidi Khouiled au nord, le Chott El Adjadja à l'est, Rouisset au sud ensuite majestueusement s'élève la sultane des oasis, Ouargla. Les habitants s'appelaient simplement Madaniya, c'est-à-dire les gens de la ville. On retrouve les Béni Brahim qui sont des Berbères zénatas, les Béni Ouaggin et les Béni Sissin. À Ngoussa et à Sidi Khouiled jusqu'à l'oued Mya, Ouargla a été une cité d'accueil surtout après la chute de Tihert, de nombreux Berbères venus du Nord se sont installés à la faveur des Fatihin. Des caravanes s'organisaient venant du Soudan et affluèrent dans l'oued Mya et Ouargla succéda à Sedrata comme métropole du commerce de couleur. Chacune des tribus et des résidents venus de toutes les contrées ont gardé dans leurs fêtes des traces de civilisations lointaines. D'après le recensement de 1882, les palmiers de Ouargla se répartissent comme suit : Béni Brahim (76 000), Béni Ouagguin (62 500), Béni Sissin (54 052), N'goussa (42 000), Chott (19 200), Adjadja (17 400), Sidi Khouiled (4800), Rouisset (18 000), Béni Thour (18 000), Chaâmbas (29 700), Mekhadma (36 500), Saïd Otba (58 100), soit un total de 436 252 palmiers, c'est-à-dire 293 952 aux sédentaires et 142 300 aux nomades. (Cette description a été donnée par Cap de l'Epervier parue sous le titre «Un mois dans le Sahara : Ouargla» dans le Bulletin Soc. Géo, Alger 2e année 1897- pages 225/261). Il faut dire que l'oasis de Ouargla est l'une des plus grandes du Sahara algérien. «Elle occupe une soixantaine de kilomètres de lit quaternaire de l'oued Mya et s'étend sur 6 000 ha dans la palmeraie, irriguée par des puits artésiens, au milieu de laquelle s'érigent les vieux ksour de Ouargla. Chott et Adjadja, tandis que s'étale en lisière la ville nouvelle.» (Voir Med Chaba - Revue Méditerranée n°3/4 année 2002-EPAU Alger). Ouargla construite sur des lagunes au Paléolithique Ouargla est un centre de peuplement très ancien. L'époque paléolithique laisse entrevoir des lagunes. Bien qu'il n'existe aucune mention quant à la présence de Romains ou de Grecs, l'on a retrouvé des monnaies dues aux échanges entre la Numidie et les contrées africaines. Ouargla qui est construite un peu au N-E des ruines, on voit le hameau de Sidi El Ouargli qui s'identifie à Taizir. La qoubba de Sidi Hafiane borde ce site berbère où d'authentiques tombes ont été découvertes. Ouarglan, peuple zénatien des Louatas Ibn Qoutayba écrivait à la fin du IXe siècle «Les Louata, les Ouarglan», peuple zénatien descendant de Férini, fils de Djana... Des relations étroites existaient entre le royaume rostomide de Tihert et la région de Ouargla d'où le nom de Sedrata, en berbère Isidraten, sur un plateau où se trouve la tombe de Sidi Ouargli. A la fin du XIVe siècle, Ibn Khaldoun décrivait la ville de Ouargla comme étant «la porte du désert par laquelle les voyageurs qui viennent du M'zab doivent passer quand ils veulent se rendre au Soudan avec leur marchandise». La réalisation de la percée coloniale s'est effectuée sur les maisons des Béni Sissine qui bordent La Casbah, en guise de châtiment vis-à-vis de la tribu qui avait soutenu la révolte de Bouchoucha en 1872. Une cité est née, destinée à accueillir, après 1940, les civils français, construite selon la charte d'Athènes, à savoir soleil- verdure-loisir. Plus au sud, c'est l'habitat des nomades (les Béni Thour), suivirent les Mekhadma, les Saïd-Othba pour les sédentariser. Ce ne fut toutefois qu'en 1848 que les Français commencèrent diriger leurs regards vers Ouargla. Ils y construisent, sous le commandement du général Lacroix en 1872, l'église, l'école, l'hôtel mais aussi les mosquées de Lalla Malkia et Lalla Azza. Les Bendjellab ou l'héritage sultanesque de Touggourt Les Bendjellab, cheikhs héréditaires de Touggourt, avaient échangé avec les Benbabia, cheikh de Ngoussa, de riches présents. En 1848, Abderahmane Bendjellab s'est appuyé sur les Selmia, les Ouled Moulet, les Ouled Saïha et les Béni Ouagguine pour reprendre Ouargla. Mais c'est Hadj Ahmed ben Hadj Mohamed ben Babia qui fut nommé khalifa de Ngoussa puis de Ouargla entraînant la révolte des Larbaâ et les Harazlia en 1850. Mohamed Benabdellah, en revenant de La Mecque en 1840, avec le Turc Izzet Pacha, se sont rendus au djebel Lagdar et se sont entendus avec Si Senoussi et, de Tripoli, Mohamed Benabdellah avait gagné Ghadamès au mois de juin 1851. Il prenait le titre de chérif et prêcha la guerre sainte contre les Français. Il est arrivé à mobiliser toutes les tribus de Ouargla, Chaâmbas, Mekhadma, Béni Thour et Saïd Otba, qui se soulevèrent le 21 août à quatre heures du matin au nombre de cent cavaliers et 300 fantassins. Dans la petite oasis d'El Alia, il arrive à entraîner les Ouled Slimane et la moitié de la grande tribu des Mérabtine des Ouled Saïha et revient à Ouargla. Le chérif, en rentrant à Ouargla, se fait construire une casbah et recruta du monde tout en envoyant des émissaires porteurs de lettres à Si Hamza ben Sidi Cheikh. Mohamed Benabdellah et Benacer Benchohra Mohamed Benabdellah, dès le 4 décembre 1852, parvint à se réfugier chez les Chaâmbas où il sera rejoint par Bennacer Benchohra avec 200 cavaliers et 300 fantassins composés de Larbaâ, des Harazlia et Chaâmbas à Hassi Aïn Naga le 13 janvier 1853, en passant par Dzioua, Daia Tarfaih près de Termina pour arriver à l'oued Fqahama, près d'El Badj et enfin de Ouargla après avoir combattu le général Yusuf et le général Pélissier. Mohamed Benabdellah est obligé de se replier vers Rouissat où après quelques pointes vers El Okaz, Oued Besbas et El Hadjira, il décide de passer l'été. En septembre, il se remettra à nouveau en route accompagné de deux membres de la famille des Ouled Cheikh, Si Naïmi et Si Zoubir, qui sont les frères de Si Hamza, venus le rejoindre avec leurs contingents. Pendant huit années, de 1853 à 1861, l'aghalick de Ouargla parut jouir d'une paix profonde. À partir de 1960, le développement de Ouargla s'est accéléré grâce aux exploitations pétrolières de Hassi Messaoud où routes, aérodrome et bâtiments rendaient la ville attrayante. Il faut attendre l'indépendance et le programme spécial des oasis qui a assuré les premières mutations socio-économiques. Ouargla est devenu non seulement la sultane des oasis mais la capitale régionale incontestée du Sud. Les tribus arabes qui se sont installées à Ouargla Ils sont tous descendants des Béni Hilal et Béni Souleim, ils parcouraient le désert et se reliaient à la région de Wadi Miyah, puis se sont installés par étapes dans le bassin de Ouargla. La tribu de Chaânba Bourouba : Cette tribu est arrivée dans la région de Wadi Maya pour la première fois au XIIe siècle après J.C., et c'est l'une des plus grandes tribus bédouines dont un certain nombre appartiennent aux enfants d'Ismaïl, ouled Abu Bakr, Dari, ouled Faraj, ouled Saïd ouled Zayed. Quant à leurs cousins, ils se sont installés à El Meniaa et Metlily. Cette tribu se déplace dans un vaste espace qui s'étend de Tamasin au nord à Aïn Saleh au sud et atteint les contreforts des montagnes qusour à l'ouest. Dans cette vaste zone vitale, les tribus Al-Chaânba avaient l'habitude de passer une période de trois mois, après quoi elles retournaient à Ouargla avec l'avènement de la saison d'automne à la récolte des dattes. La tribu des Mekhadma : Elle est également subdivisée en plusieurs entités, notamment : Banou Hassan, ouled Nasser, Banou Khalifa, el Arimet et ouled Ahmed. La tribu des Béni Thour : Ils sont venus, très probablement, de la région de Jerid (dans le sud de la Tunisie), qui est l'un des endroits des Béni Hilal et Béni Salim. Il se peut que leurs racines soient liées à la tribu yéménite de Medhar, puisque ils entretiennent des relations étroites avec Zoghwa, comme Hamian et ouled el Mahdi, ils descendent de différentes régions, rassemblés autour d'un noyau représenté à Ouargla par les ouled Belkacem. Les Béni Thour partagent avec les Makhdama le cadre du nomadisme et les itinéraires de déplacement à travers le désert, car ils sont comme les Makhdama, qui voyagent en direction estivale sud-est de Ouargla vers Qasi el-Tawil et continuent leur voyage jusqu'à Ghadames. Quant au voyage d'hiver, ils se dirigent vers oued Zarqoun et ouedi Sghour au nord-ouest de la ville de Ghardaïa. Une partie des Béni Thour s'est installée depuis le XVIIe siècle après J.C. et a habité les palais de Aïn Ouqar et Ruissat, renonçant à la vie de nomadisme. La tribu Saïd Ataba : C'est une branche de la tribu mère (Saïd el-Qabla). Elle comprend les entités suivantes : Fatnasa, Al-Rahbat et les ouled Youssef. On retrouve leurs cousins à Tamasin et Al-Hjira (Saïd ouled Omar), ouled Mouloud à Touggourt et d'autres, dont les ouled Fadoul à Ghardaïa et Beriane, Hassi Al Rmel. Comme d'autres tribus bédouines, ils étaient connus à oued Miya, le voyage d'hiver et d'été. Leur voyage annuel commence à Ouargla après la saison de récolte des dattes (octobre-janvier), après quoi, ils se déplacent à Naqousa dans le même but et de là ils se dirigent vers la vallée du M'zab (Ghardaïa et on dit qu'ils sont les premiers à vivre dans la vallée avant l'arrivée des Ibadite) où ils restent en hiver jusqu'au mois d'avril, puis se déplacent ensuite vers oued Zarqoun (les zones de Hassi El Raml et Brizina à el Bayed) et à Laghouat et Aïn chalala. Outre ces quatre tribus, la région de Ouargla entretenait des relations avec les tribus de ouled Sidi Cheikh, Rabia et ouled Naïel. Bien que leurs lieux d'origine se situent loin de oued Miya, ils étaient liés à la région de Ouargla par une relation économique. Ils la visitaient l'hiver à la recherche de pâturages et de commercialisation de leurs produits ovins. Les références historiques indiquent que la stabilité de ces tribus et leur abandon de la vie nomadiste ne se sont pas déroulés facilement, mais plutôt avec beaucoup de difficultés et par étapes distantes. Lorsqu'elles se sont installées, elles n'ont pas pu s'adapter au tissu humain et urbain de la ville, car leurs parcelles étaient situées à l'extérieur des murs des anciens palais près des palmeraies. Malgré cela, ils ont établi des relations avec les peuples autochtones sur la base d'intérêts mutuels. Ainsi, la tribu Saïd Atbah a été liée au arch de Béni Ouqin et s'est développée dans son voisinage. De même, la tribu Makhadama était alliée au arch des Banou Sisin, et c'était les bédouins de Bourouba (une branche de la chaânba), de Banou Ibrahim. Mais ces alliances étaient fragiles, basées uniquement sur l'intérêt immédiat, auxquelles le dicton «pas d'ennemi permanent, pas d'ami permanent, mais des intérêts permanents» s'applique complètement. Quelle que soit la nature des relations entre les tribus bédouines et les habitants des palais de la ville, elles ont joué un rôle majeur dans divers aspects de la vie économique et sociale. La première à s'installer parmi les tribus bédouines était une classe de la tribu Banou Thor qui s'est installée près de Aïn Ouqar et à Ruissat, formant le noyau d'une société civilisée, et ce, au milieu du XVIIe siècle, puis les Makhdama à Mendil (au XIXe siècle) et Al-chaânba dans la moitié du XXe siècle, et la dernière des tribus (Saïd Atbah) s'est installée définitivement dans les années soixante du siècle dernier pour vivre dans de nombreux quartiers de la ville de Ouargla, et leurs parcelles se situaient entre Nkousa et Bamendil. B. H. (*) Chercheur universitaire, ancien ministre. Notes : 1- Lethielleux J. : Ouargla, cité saharienne, des origines au début du XXe siècle, Paris 1983 p.298. 2- Chaba Med : Une vieille cité devenue métropole-Ouargla, Méditerranée N°3/4 EPAU Alger 2002. 3- Commandant V. Colomieu : Voyage dans le Sahara algérien-De Géryville à Ouargla, Paris 1862. 4- P. Blanchet : L'Oasis et le pays de Ouargla article Annales de géographie N°44 Paris 1900. 5- Rouvillois Brigol M. : Le pas de Ouargla Sahara algérien, Département de géographie-Paris Sorbonne-1975.Page 189. 6- Revue africaine n°316/317- Notes pour servir à l'historique de Ouargla -Paris 1923 rédigées par le service des affaires arabes GGA de 1885. 7- https://www.mculture-ouargla.com/