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A FONDS PERDUS
La secte wahhabite
Publié dans Le Soir d'Algérie le 24 - 08 - 2010


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Dans son rapport final du 23 juillet 2004, la Commission d�investigation nationale bipartisane, dite �Commission du 9/11�, charg�e de faire la lumi�re sur les �v�nements du 11 septembre 2001, �tablit express�ment une filiation entre �le terrorisme islamique � et �une longue tradition d�intol�rance� qui provient �des fondateurs du wahhabisme, des Fr�res musulmans et de penseurs salafistes �minents�.
Voil� donc Ben Laden �h�ritier naturel d�Ibn Abd al-Wahhab�, le p�re fondateur de l�id�ologie toujours dominante dans le royaume d�Arabie saoudite. Le wahhabisme est au terrorisme ce que le sein maternel est au nouveau-n� : une source irrempla�able de vie. Le m�me rapport cit� plus haut �tablit qu�Al Qa�da a lev� en Arabie saoudite des fonds pour le djihad � grande �chelle avant le 11 septembre � des fonds par ailleurs �valu�s entre 300 et 500 millions de dollars. Que les Saoudiens le reconnaissent ne d�gage pas leur responsabilit� dans les crimes commis au nom de l�islam contre l�humanit�, sous tous les cieux, en premier lieu en terres d�islam. On ne peut �galement pas ne pas partager l�avis de l�universitaire tunisien, Hamadi Redissi, lorsqu�il �crit : �On ne peut comprendre l�entente entre le wahhabisme et l�islamisme sans expliquer que les liaisons dangereuses, loin d��tre accidentelles ou fortuites, se ressourcent dans une matrice commune. D�un mot, les th�ses de l�islam mill�nariste, misanthrope, indompt�, belliqueux, antichr�tien, antis�mite et misogyne se trouvent � l��tat brut dans le wahhabisme.� L�intellectuel tunisien revient sur le cheminement qui a fait du wahhabisme, �radical fanatique, sectaire, aust�re, puritain, intr�pide et cruel� l�islam majoritaire dans de nombreux pays musulmans. Il le fait dans un livre que son �diteur parisien qualifie � juste titre d��essentiel pour le devenir de l�islam au XXIe si�cle�(*). L�entreprise est laborieuse car s�apparente � une immersion dans un monde visqueux et obscur. Ainsi acc�de-t-on difficilement aux sources arabes critiques sur le wahhabisme, ��parpill�es ou non disponibles, comme si une main invisible travaillait � les retirer du domaine public�. Cette �main invisible� est initialement le fruit de la rencontre, vers 1744-1745, de �deux hommes insignifiants� : un �pr�dicateur r�solu� (Muhammad Ibn Abd al-Wahhab � 1703/1792) et un �seigneur de la guerre� (Muhammad Ibn Saoud). Ce croisement est plus couramment appel� le Pacte de Nadjd, du nom de la r�gion � la partie centrale de l�Arabie saoudite � qui l�a vu na�tre. L�extraordinaire long�vit� de ce pacte verbal est cependant attach�e � un second �v�nement majeur : le �mariage de convenance � scell� par le Pacte de Quincy (du nom du navire o� se sont rencontr�s le roi Abdelaziz et le pr�sident am�ricain Roosevelt), lui aussi verbal, conclu le 14 f�vrier 1945. Ibn Abd al-Wahhab est initialement �un redresseur de torts qui poursuit, dans la voie trac�e par l�orthodoxie, celle des �gens de la tradition et de la communaut� �. Sa doctrine est �nonc�e dans un ouvrage de jeunesse qui date de 1741 : Le Livre de l�unicit� (contraction d�un titre fleuve : Le Livre de l�unicit� divine qui est le droit de Dieu sur ses serviteurs). L�unitarisme (tawhid), qui s�oppose � l�associationnisme (shirk) comme la trilogie chr�tienne, renvoie � un triptyque : l�unicit� seigneuriale (tawhid alrububiyya) qui commande de conna�tre Dieu, l�unicit� de d�votion, d�ob�issance ou d�adoration (tawhid al-uluwiyya) qui commande d�ob�ir � Dieu et l�unicit� des noms et des attributs de Dieu (tawhid al asma wa al-sifat). Ce faisant, les wahhabite accordent, aux yeux des traditionnalistes sunnites, un statut minimaliste au Proph�te : �Le plus noble des hommes� est r�duit � un simple intercesseur, allant jusqu�� qualifier d�associationnisme la c�l�bration de sa naissance� ! Ibn Abd al-Wahhab s�inscrit dans la lign�e intellectuelle d�Ibn Taymiyya (mort en 1328) : �Il aurait �t� le lecteur assidu de pratiquement un seul auteur - ndlr : Ibn Taymiyya � (�) dont il a recopi� des cahiers entiers�. H. Redissi r�sume ainsi la d�marche : �La m�thode est �l�mentaire : l�auteur choisit un th�me par chapitre, cite des versets du Coran, puis des hadiths du Proph�te, et ajoute enfin, en quelques mots, �d�autres points�� en guise d�indications. C�est cela le salafisme : ne tenir compte que des sources primaires, m�me si la collecte des hadiths est tardive. Le succ�s aidant, le cheikh va couler cette ex�g�se minimaliste, lexicale, dans une mani�re de syllabus, destin� plut�t � rappeler qu�� expliquer.� Son niveau d��rudition n�inqui�te pas les autorit�s religieuses qui lui opposent un m�pris certain. Au regard de la tradition sunnite, qui milite pour une �religiosit� temp�r�e et r�fl�chie�, il n�est pas un savant mujtahid car il ne ma�trise pas la douzaine des sciences religieuses. Elle le r�duit � un �innovateur, �gar�, hypocrite, ath�e, rus�, manipulateur, faux proph�te� et assimile son fief, le Nadjd, � �une corne du diable� ; le lieu du �tremblement de terre, de la discorde et de l�av�nement de l�Ant�christ�. Ibn Abd al-Wahhab prend acte d�s 1740 que ses adversaires ont �commis des �crits qui l�accusent d�innovation, d��garement, de modification des pr�ceptes de la religion, d�ignorance et de tromperie�. Il vise principalement Suleyman ibn Suhayn, magistrat et mufti de Riyad qui adresse, entre 1740 et 1745, �aux ul�mas de l�islam et aux serviteurs de la Charia de notre ma�tre Muhammad�, une lettre dans laquelle il porte � leur connaissance �qu�un innovateur est apparu dans notre pays, un ignorant, un �gar� qui �gare, sans science et sans pi�t� (�) Il a d�truit les tombes et br�l� des livres de pri�res populaires ; il pr�tend que, s�il le pouvait, il d�truirait la Pierre noire de la Ka�ba ; il consid�re que les gens depuis six cents ans sont dans l�ignorance�. Une opposition, tout aussi f�roce, au cheikh �mane du Hedjaz o� ses ma�tres durant sa scolarit� � La Mecque le �soup�onnent d�ath�isme�. L�un d�entre eux, M. Ibn Suleyman al- Kurdi, l�accuse de s��tre �exclu lui-m�me de la grande masse des musulmans�. Son propre fr�re, Suleyman ibn Abd al-Wahhab (mort en 1793) � c�est � lui qu�on doit le n�ologisme wahhabiyya � les reniera, lui et sa secte (firqa) en r�digeant vers 1753 un violent r�quisitoire intitul� : Les foudres divines r�futant le wahhabisme. La construction de l�entit� th�ocratique saoudienne depuis le Pacte de Nadjd a connu trois grandes �tapes. Le premier royaume tient de 1745 au 9 septembre 1818, date de reddition du roi Abdallah. Remis par les �gyptiens aux autorit�s de la Sublime Porte, il est ex�cut� et sa d�pouille livr�e aux chiens apr�s avoir �t�, trois jours durant, promen�e dans les rues d�Istanbul. L�histoire retiendra � son sinistre actif le saccage et le massacre de Karbala (1801), de La Mecque et de M�dine (1803- 1806). Le massacre des chiites de Kerbala m�rite d��tre rappel� pour sa sauvagerie : �En cinq heures de temps, pr�s de 14 000 hommes, dont 6 000 cavaliers � dos de chameaux, envahissent une ville qui comptait entre 6 000 et 8 000 habitants. Ils tuent, selon les estimations variables, entre 2 000 (Ibn Bishr), 3 000, (Lam�, Corancez) et 5 000 personnes (Burckhardt). Les hommes et les enfants sont massacr�s, les femmes enceintes �ventr�es.� Quant aux Mecquois, conquis en 1806, ils doivent, leurs muftis compris, reprendre leur cursus religieux � z�ro. Le premier royaume est d�truit par les �gyptiens en 1818 ; il sera reconstruit peu apr�s pour durer de 1824 � 1891. Par l��p�e et la plume.
A. B.
(*) Hamadi Redissi, Le Acte de Nadjd, Le Seuil, Paris, septembre 2007, 343 pages. Faute d�espace, nous reviendrons une seconde fois sur cet ouvrage dans notre prochaine chronique.


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