Le système démocratique américain entretient du suspense, des tensions et de vives polémiques quant aux résultats du scrutin, dignes de petites républiques autoritaires... Qui du Président sortant, Donald Trump, ou de l'ancien vice-président démocrate, Joe Biden, sera le Président de la première puissance mondiale, les Etats-Unis d'Amérique ? 200 millions d'Américains ont été appelés le mardi 3 novembre à trancher dans le choix de l'un ou de l'autre. La démocratie au cachet tout américain est soumise à rude épreuve, à l'occasion de ce scrutin, compte tenu de la grande tension apparue à la faveur du lancement de la campagne électorale. Républicains et démocrates ne jurent que par la victoire, à l'heure où les premiers résultats des décomptes donnent 238 grands électeurs au candidat démocrate et 223 à son rival qui choisit, d'ores et déjà, la stratégie de l'offensive, allant jusqu'à menacer ses adversaires, si par malheur ils s'aviseraient à lui «voler» la victoire dans le style qui lui est propre. Pire, il n'hésite pas, en cas d'échec, à saisir la Cour suprême des Etats-Unis pour «fraude». Les démocrates rebondissent à ses propos qu'ils qualifient de «scandaleux», et assurent qu'ils avancent doucement et sûrement sur la route menant à la Maison-Blanche. C'est pourquoi, l'on s'inquiète devant les déclarations chocs du sulfureux homme d'affaires qui brigue un deuxième mandat. Nombre d'observateurs avertis notent qu'aujourd'hui, la polémique qui entoure l'élection présidentielle américaine tend à devenir une tradition où la violence des mots, le radicalisme des deux camps en particulier républicain, peut déraper et semer la division dans une société frappée de plein fouet par la crise malgré le score de 3,5% du taux de chômage affiché par le mandat de Donald Trump. Il faut rappeler que la controverse qui surgit à l'occasion de ce type de scrutin avait des proportions insoupçonnées dans le duel d'Hillary Clinton, première femme candidate au pays de l'Oncle Sam (227 grands électeurs). Malgré les sondages qui la donnaient depuis plusieurs mois favorite, elle échouera avec une faible marge et justement face à son concurrent, grand inconnu du sérail politique américain: le milliardaire Donald Trump avec 304 grands électeurs, fervent conservateur et insensible aux inégalités criantes dans la société américaines. De New York à Hollywood, les têtes biens pensantes n'en reviennent pas. Trump leur gardera rancune d'ailleurs et ne ratera aucune occasion pour leur rappeler sa défiance. Au coude à coude quand bien même Joe Biden bénéficie de sondages favorables, le même scénario peut-il se reproduire ? Les résultats définitifs nous le diront. Par ailleurs, ce n'est pas seulement aux Etats-Unis que cette élection fait grand bruit, en Europe particulièrement. Si en Allemagne d'Angela Merkel, l'on craint une «situation explosive» post-électorale, selon les termes de son ministre de la Défense, en France de la droite à l'extrême droite, la préférence à Donald Trump est clairement affichée pour le candidat républicain, Marine Le Pen s'en fait ouvertement le porte-voix. Certains analystes, à l'image de Charles Gave, le président de l'Institut des libertés, un think-tank libéral US indépendant, les démocrates «n'ont pas grand-chose à dire». Pour lui, «la plus mauvaise nouvelle pour l'Europe et de très loin serait que Biden soit élu». À Alger, l'on suit attentivement ce scrutin compte tenu du faisceau de liens qui nous lient aux Etats-Unis, la tradition diplomatique est «no comment», car il s'agit d'avoir affaire à un Etat plus que tout le reste. En tout cas, les relations américano-algériennes s'inscrivent dans la tradition des bons procédés. Elles restent inscrites dans le sillage de la position de J. F. Kennedy en faveur de l'indépendance de l'Algérie. En 1979, en pleine crise diplomatique irano-américaine, le rôle de l'Algérie dans la libération des otages est encore dans les esprits. Il se trouve, néanmoins, que cela était avec les administrations démocrates successives. C'est assurément dans les pays du Moyen-Orient que les retombées d'un éventuel changement d'équipe peuvent se faire sentir. En effet, les monarchies du Golfe surtout «roulent», les yeux fermés, pour Donald Trump qui en profite pour signer de juteux accords notamment en armement. L'Arabie Saoudite en particulier dont l'héritier s'est livré les poings liés depuis l'affaire de l'assassinat du journaliste saoudien dans l'ambassade d'Istanbul, Djamel Khadjakdji. En agitant l'épouvantail de la république d'Iran islamique chiite, Donald Trump manœuvre aisément à amener ces pays dans son giron et obtenir d'eux ses quatre volontés. Il en est ainsi de la reconnaissance de l'Etat d'Israël. Quel serait alors l'agenda de son protagoniste, Joe Biden, notamment sur la question palestinienne menacée d'extinction ? Si l'on s'attend à un certain apaisement dans la conduite de la politique étrangère, peut-on s'attendre à un rééquilibrage et à plus de justice, s'agissant justement de la question palestinienne, l'Iran, la nouvelle politique américaine de lutte anti-terroriste inaugurée par George W. Bush après les attentats du 11 Septembre 2001 ? Et si l'on considère que la catastrophe induite par le Covid-19 n'est qu'un triste intermède, les chantiers qui attendent Joe Biden sont gigantesques, à la mesure d'immenses pans des populations américaines à la recherche du lustre d'antan. Brahim Taouchichet