Dénonçant l'absence d'une réelle stratégie de gestion et de protection contre les risques majeurs en Algérie, le Pr Abdelkrim Chelghoum plaide pour la mise en place d'un Observatoire national sous la supervision de la présidence de la République. L'expert en gestion des risques majeurs et catastrophes de grande ampleur estime toutefois que la gestion de la pandémie de Covid-19 ne relève pas seulement du secteur de la santé. Rym Nasri - Alger (Le Soir) - La gestion des risques majeurs en Algérie est aujourd'hui difficile. La concomitance de ces risques notamment les feux de forêt, les inondations et la pandémie de Covid-19 n'a fait que compliquer la situation actuelle. C'est ce qu'affirme le professeur Abdelkrim Chelghoum, expert en gestion des risques majeurs et catastrophes de grande ampleur, qui qualifie cette situation d'«incontrôlable». «Il faut absolument que la stratégie de prévention soit dirigée par ces prérequis afin de protéger les personnes et les biens», a-t-il dit, hier, sur les ondes de la Chaîne 3. Rappelant que notre pays est confronté à quatre types de risques majeurs : risques naturels (séismes, inondations et feux de forêt), risques industriels et pétrochimiques, risques épidémiques et pandémiques, et risques environnementaux (marées noires), l'expert déplore que la stratégie de prévention bute sur de nombreux problèmes, et ce, depuis la promulgation de la loi 04-20 du 25 décembre 2004. «Cette loi est restée figée. Elle prévoyait la mise en place d'un observatoire national avec des prérogatives et des missions très claires. Malheureusement, cet organe n'a pas été mis en place jusqu'en 2012 avant qu'il ne soit modifié et remplacé par une simple direction qui relève du ministère de l'Intérieur», explique-t-il. Une modification qu'il a toujours désapprouvée. «Nous l'avons rejetée et nous avons fait des propositions beaucoup plus concrètes et fiables», poursuit-il. Pour lui, la mise de cet organe sous la tutelle du ministère de l'Intérieur est une «aberration». «Cet observatoire doit échapper à un ministère. Il doit dépendre directement du président de la République qui est le président du Haut-Conseil de sécurité, puisque les risques majeurs relèvent de la gestion de la sécurité nationale», précise-t-il. Avec 120 catastrophes enregistrées en Algérie depuis 2001, l'invité de l'émission est plus que convaincu qu'une stratégie de gestion et de protection contre les risques majeurs fait défaut dans notre pays. «Doté de prérogatives assez puissantes, cet observatoire aura ainsi la main au-dessus de tout le monde pour mettre en œuvre des mesures préventives et des mesures de protection», explique-t-il encore. Mais que doit-on faire pour mieux gérer tous ces risques majeurs ? Le Pr Chelghoum souligne que leur gestion nécessite l'élaboration d'une cartographie spécifique, région par région, en superposant tous les risques dans chaque commune. «La cartographie sera le tableau de bord pour les décideurs. Elle comportera les failles sismiques, les zones inondables, les feux de forêt... Il faut l'élaborer dans l'immédiat en se basant sur la cartographie satellitaire mais il faut un travail in situ par des experts.» Il insiste également sur la simulation. «Il faut simuler et resimuler les scénarios catastrophe des séismes, des inondations, des feux de forêt... Nous avons des institutions plus ou moins conçues pour ces opérations telle que la Direction générale de la Protection civile qui compte énormément de cadres compétents dans la prévention, les interventions puisque leur mission principale est le plan Orsec», suggère-t-il. Ry. N.