Le plan quinquennal 2020-2024 du gouvernement concernant le développement de l'agriculture pourrait être compromis par le problème sérieux du manque d'eau. C'est ce que soutient Brahim Mouhouche, professeur à l'Ecole supérieure d'agronomie d'Alger (ENSA). Karim Aimeur - Alger (Le Soir)- « Malheureusement, le problème de manque d'eau pourrait compromettre ce programme car toutes les cultures ont besoin d'eau et tous les spécialistes savent très bien que l'Algérie n'a pas de grands problèmes aussi sérieux que celui du manque d'eau », a-t-il déclaré, hier, sur les ondes de la Radio nationale Chaîne 3. Qualifiant ce plan quinquennal de « très important » et précisant qu'il est principalement orienté vers l'agriculture saharienne, l'orateur a affirmé que le manque d'eau dans le nord et la qualité de l'eau dans le sud du pays « qui est souterraine, non renouvelable et salée » peuvent entraver sa mise en application. « Au Nord, on ne peut pas ajouter des surfaces irriguées parce qu'il n'y a pas assez d'eau même pour boire et pour l'industrie. Comment voulez-vous investir pour un hectare qui consomme en moyenne 6 000 mètres cubes par an ? » a-t-il expliqué. La feuille de route du gouvernement porte sur le développement de la production agricole à travers l'extension des superficies irriguées, l'accroissement de la production et de la productivité, l'exploitation rationnelle du foncier agricole, le développement agricole et rural dans les zones de montagne, la préservation, le développement et la valorisation du patrimoine forestier, le développement agricole et rural dans les zones steppiques et agropastorales, le développement et la valorisation dans les territoires sahariens, l'intégration de la connaissance et la numérisation dans les programmes de développement. Elle est divisée en deux axes : un programme prioritaire à court terme et un deuxième à moyen terme. Le programme prioritaire qui s'étale jusqu'à la deuxième moitié de 2021 concerne essentiellement le développement de l'agriculture saharienne, l'extension des superficies à potentiel avéré, le développement des cultures industrielles dans le Sud (maïs, soja, betterave sucrière...) et la création et la mise en action effective de l'Office national de développement de l'agriculture industrielle en terres sahariennes (Odas). Un pari risqué aux yeux de l'invité de la Chaîne 3. Il explique qu'on ne peut pas mettre en place des cultures qui n'ont jamais été pratiquées en Algérie du jour au lendemain, appelant à laisser le temps aux agriculteurs pour s'adapter à ces nouvelles cultures. « On ne pourra jamais avoir des résultats six mois après la décision d'appliquer un projet de cette envergure. La betterave à sucre, le colza, même si l'agriculture les maîtrise, il n'y a pas de structures de transformation, ni de matériels pour récolter les larges surfaces. Comment extraire l'huile de colza ou de soja ? Il faut des infrastructures et ça ne se fait pas en une année ou en deux années. Il faut les préparer. Mais pour 2020 et 2021, on ne peut pas réduire les importations des ces produits. D'ici 2024, si on met le paquet, ça pourra se faire », a-t-il indiqué, estimant que la feuille de route a été préparée dans la précipitation. Pour surmonter le problème de l'eau, l'orateur plaide pour la construction des retenues, des réservoirs et des forages au Nord et pratiquer des cultures qui s'adaptent à la salinité des eaux souterraines et non renouvelables au Sud. Il a insisté également sur l'utilisation du système d'irrigation économiseur d'eau et la nécessité de traiter les eaux usées au lieu de les laisser se perdre dans la mer. Soulignant qu'on rejette à la mer environ 1,2 milliard de mètres cubes d'eaux usées, chaque année, l'orateur a ajouté qu'il était possible de réutiliser, après traitement, entre 600 et 700 millions de mètres cubes sur la même durée, au lieu des 10 à 15 millions de mètres cubes obtenus actuellement. K. A.