L'Algérie s'engage dans une vaste opération de développement de l'agriculture saharienne en dépit de plusieurs contraintes liées à la crise que traverse actuellement le pays. Un tel objectif nécessite effectivement des financements conséquents et des ressources énergétiques et hydriques considérables. Ce sont autant de conditions indispensables pour la réalisation de projets dans le domaine de l'agro-industrie au sud du pays. L'option choisie par l'Exécutif s'avère dispendieuse compte tenu de la situation financière difficile que vit le pays. Ces gros investissements nécessitent, en effet, un accompagnement financier et technique adéquat. Le ministre délégué chargé de l'Agriculture saharienne, Foued Chehat, a annoncé, dans ce cadre, l'indentification de périmètres irrigués dans sept wilayas du pays d'une superficie de 260 000 hectares (ha) dans le court et le moyen termes et d'un million d'hectares dans le long terme en intensifiant l'exploitation des eaux souterraines du Sahara. Les cultures envisagées sur ces nouvelles terres sont les cultures stratégiques (céréales, fourrages, betterave à sucre, soja, colza, arachides, élevage laitier). "Nous attirons, toutefois, l'attention sur les effets pervers d'un modèle agro-business qui a les préférences des décideurs. Les bilans établis par les recherches académiques ou les études (en particulier celles de l'Observatoire du Sahara et du Sahel-organisme intergouvernemental auquel l'Algérie appartient) appellent à la prudence", avertissait l'économiste et spécialiste des questions agricoles, Omar Bessaoud, contacté par Liberté. Pour lui, "l'eldorado aux ressources naturelles illimitées que l'on évoque pour justifier le pari fait sur l'agriculture saharienne est un mythe". La réalité est que ce choix fait par les décideurs se situe dans une logique extractiviste et signe un mode d'exploitation minière de ressources en eau. Il est coûteux sur le plan économique et hasardeux sur le plan écologique et social. Omar Bessaoud souligne que toutes les études académiques ou techniques disponibles ont mis l'accent sur les limites de tels projets, notamment lorsqu'ils sont consacrés aux grandes cultures. Il évoque les externalités négatives avec surexploitation des eaux, coûts exorbitants, pollution chimique, tarissement de sources, réduction de l'artésianisme, salinisation... "Ces études ont révélé les fragilités des périmètres de Biskra et d'El-Oued qui comptent parmi les régions où la nappe est la plus vulnérable. Les spécialistes recommandent vivement d'opter pour des exploitations de taille réduite, afin d'occuper le maximum de gens à la campagne", affirme-t-il. Il recommande, en revanche, de reproduire, en le rénovant, le modèle oasien qui est le modèle de croissance dans ces régions le plus robuste, car ayant fait la preuve de son efficience économique, sociale et environnementale.