Une vidéo coup-de-poing a été diffusée vendredi sur les réseaux sociaux. Intitulée « Les actrices algériennes unies contre les violences faites aux femmes», elle réunit une vingtaine de comédiennes de différentes générations. Coécrit par Adila Bendimerad et Leïla Touchi, ce clip fait suite à une série de photographies réalisées au lendemain de l'assassinat de la jeune Chaïma en septembre dernier. On y voyait un groupe d'actrices toutes de noir vêtues, rassemblées dans un même cliché, les mains jointes pour dénoncer les féminicides et les violences à l'encontre des femmes. L'idée du clip a donc germé à partir de là ; un texte poignant et audacieux verra ensuite le jour où l'on dissèque l'implacable cheminement psychologique et éducatif qui engloutit les femmes dans un engrenage de violence banalisée, voire culturellement acceptée. Réalisé par Adila Bendimerad et Ahmed Zitouni, le clip regroupe une vingtaine d'actrices dont Souhila Maâlem, Mounia Benfeghoul, Nardjess Asli, Bahia Rachedi, Mina Lachter, Salima Abada, Imen Noël, Tounes Aït Ali, Adila Bendimerad, Leïla Touchi, Shirine Boutella, Souha Oulha, etc. L'espace artistique « Les ateliers sauvages » où le clip a été tourné s'avère être un atout vu son atmosphère austère et mélancolique. Les décors ont été réduits au strict minimum et les éclairages ont judicieusement fait office de scénographie. La vidéo s'ouvre sur une série de visages graves, face-caméra, et quelques notes de piano introduisant un texte polyphonique qui ira crescendo : « Ils l'ont tuée ! Ils l'ont brûlée ! Nous l'avons retrouvée jetée par terre ! » Puis, une sorte de flash-back littéraire nous ramène à l'enfance, l'adolescence et la jeunesse d'une femme. Ce sont alors les comédiennes de l'ancienne génération qui endossent le personnage d'une mère ou d'un autre membre de la famille : « Doucement, ne cours pas ma fille ! Voilà ma fille, il faut être une fille calme, sage et douce ! Lâche le vélo de ton frère et rentre à la maison ! Ne saute pas ! Baisse ta voix ! C'est quoi ce rire ? Tiens-toi à carreau ! L'homme n'a pas de tares !»... Une façon subtile de remonter les origines de la soumission, comme un condensé de ce qui pourrait être qualifié d'endoctrinement et de préparation méthodique d'une femme à tout accepter. Et si jamais la jeune fille hausse le ton ou fait remarquer l'injustice du traitement qui lui est réservé : « Maintenant, elle tape du poing sur la table et demande ses droits ! Quelle hystérique ! Tes yeux se sont ouverts maintenant ? Tu commences à trop réfléchir à mon goût ! Baisse les yeux !» Comment alors est-elle censée réagir quand elle se confronte à l'extérieur ? A cette rue, où les garçons la harcèlent avec des onomatopées généralement adressées aux animaux ? Et comment pourra-t-elle se protéger et préserver sa dignité, puis sa santé, puis sa vie, quand elle deviendra l'épouse, la mère, la servante, le factotum et l'épouse d'un homme violent ? Pendant que la caméra avance vers un espace vide, on entend les cris d'une femme battue et le bruit insoutenable des coups. Les personnages commentent « l'incident » en supposant que la femme a dû mériter son châtiment. Dans le cas d'un viol, les commentaires vont également verser dans le « victime-blaming » en invoquant notamment la tenue vestimentaire ; et qu'en est-il d'un meurtre ? On a droit aux mêmes réflexes de chercher, dans la vie ou le comportement de la victime, quelque chose qui l'accable et dédouane l'assassin... Le clip se clôture sur un verset coranique dont on ne comprend pas tout à fait le lien avec le propos puisqu'il évoque la tradition arabe préislamique consistant à enterrer vivantes les nouveau-nées. Beaucoup se sont par ailleurs étonnées de la présence de Bahia Rachedi qui, rappelons-le, a suscité l'indignation il y a quelques mois, à travers une émission qu'elle anime sur la chaîne Ennahar où elle aurait tenu des propos jugés sexistes, misogynes et incitant les femmes à «supporter» leur condition. On pourrait néanmoins supposer que d'avoir participé à ce projet l'aurait aidée à reconsidérer ses opinions sur le sujet ! S. H.