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Le SARS-CoV-2, la pandémie et nous (3e partie)
LES DESSOUS D'UN VIRUS
Publié dans Le Soir d'Algérie le 30 - 12 - 2020


Par Hocine Bouraoui(*)
À la mémoire du Docteur Li Wenliang, lanceur d'alerte, décédé le 7 février 2020 à Wuhan (Chine) de la Covid-19, et en hommage aux praticiens de santé de toutes nationalités victimes de cette troisième guerre mondiale.
«Ne tuez point la vie qu'Allah a rendue sacrée.»
(Le Saint Coran : S17V33)
«https://saintebible.com/deuteronomy/5-17.htmTu ne tueras point»
(Sainte Bible : Deutéronome 5 :17)
«En ce temps-là la vieillesse était une dignité ; aujourd'hui, elle est une charge.»
(Châteaubriand : Mémoires d'outre-tombe).
«Nous sommes fatigués de l'homme.»
(Nietzsche : Généalogie de la morale)
Les coronavirus (Coronaviridae)
Les coronavirus (CoV) sont des virus qui appartiennent à la famille des Coronaviridae, virus à ARN simple monocaténaire (c'est-à-dire à un seul brin), de poids moléculaire élevé (26 à 32 kilobases), ce qui en fait les plus grands génomes parmi les virus à ARN. Les particules virales sont quasi sphériques munies d'une capside (enveloppe virale) caractérisée par des protéines (péplomères appelées Spicules ouprotéines S ou protéine Spike en anglais) en forme de massue qui donne une image de «couronne solaire» en microscopie électronique. Cette caractéristique est à l'origine du nom de «coronavirus» attribué à cette famille de virus.
Les coronavirus possèdent un tropisme normalement spécifique à un taxon animal (mammifères ou oiseaux) mais ils peuvent parfois au décours d'une mutation traverser les barrières des espèces et contaminer l'être humain. Ils peuvent muter et se recombiner.
Les coronavirus sont des virus enveloppés avec un génome à ARN positif simple brin. Trois protéines virales sont ancrées dans l'enveloppe virale : la protéine Spike (S), la protéine de membrane (M) et la protéine d'enveloppe (E). Les protéines M et E sont impliquées dans l'assemblage viral et la sécrétion. La protéine S s'assemble en trimères à la surface des virions et joue un rôle-clé dans l'entrée du virus dans sa cellule-cible
Le cycle du coronavirus
Le cycle viral du coronavirus passe par 6 étapes, nous simplifierons pour des raisons didactiques le déroulement desdites étapes.
1. Grâce à la protéine S, les coronavirus se lient aux molécules cellulaires de surface de la cellule cible pour pénétrer son cytoplasme et y injecter le brin d'ARN (l'enveloppe virale est délaissée).
2. Le génome de l'ARN du coronavirus se fixe aux ribosomes de la cellule infectée pour la traduction. Les ribosomes décodent l'ARN viral pour la production des protéines virales qui y sont codées.
3. L'ARN du virus est transcrit en protéine pour former une ARN polymérase propre (un ARN polymérase ARN-dépendante). La réplicase est la première protéine fabriquée. Cette réplicase virale ne reconnaît et produit que l'ARN viral et permet au génome viral d'être transcrit en nouvelles copies d'ARN à l'aide de la machinerie de la cellule hôte.
4. Le brin génomique viral va servir de modèle de transcription de petits ARN sous-génomiques qui seront utilisés pour la fabrication de toutes les autres protéines. C'est ce qu'on appelle une transcription imbriquée. Ce processus est une forme d'économie génétique permettant au virus de coder le plus grand nombre de gènes dans un petit nombre de nucléotides. Le cytoplasme de la cellule hôte se remplit de protéines et d'ARN viraux.
5. La protéine N (protéine de la nucléocapside du coronavirus responsable du syndrome respiratoire aigu sévère SARS) aide à lier l'ARN génomique pour réaliser l'encapsidation du génome viral dans une nouvelle enveloppe.
6. Cette nouvelle génération virale sera ensuite encapsulée et transportée par des vésicules golgiennes vers la membrane cellulaire pour être enfin externalisée (par exocytose) hors de la cellule.
Principaux coronavirus
Sept principaux coronavirus sont généralement répertoriés pour une transmission interhumaine. La souche du premier coronavirus humain identifié par la Docteure June Almeida (B814) ne circule plus. Quatre coronavirus en circulation sont considérés comme sources d'infection bénignes (229E, NL63, OC43 et HKU1). Ils seraient responsables de 15 à 30% des rhumes courants. Depuis une vingtaine d'années, trois types de coronavirus furent la cause de pneumopathies graves pouvant entraîner le décès chez l'humain.
1. Le SARS-CoV, agent pathogène du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), survenu en novembre 2002, qui a déclenché une alerte mondiale. L'épidémie est partie de Chine (province de Guangdong) après consommation d'un animal sauvage, la civette palmiste masquée (Pagumalarvata), félin particulièrement fréquent en Asie (originaire de l'Himalaya). Le virus aurait infecté 8 096 personnes dans une trentaine de pays, causant 774 décès, essentiellement en Chine, Hong Kong, Taïwan, et en Asie du Sud-Est. La maladie est considérée comme éradiquée depuis 2004.
2. Le MERS-CoV, virus du syndrome respiratoire du Moyen-Orient ayant débuté en Arabie Saoudite en 2012. L'affection serait en rapport avec la proximité de chameaux infectés. Son taux de mortalité est faible, 449 décès enregistrés officiellement. La maladie court toujours tant les populations continuent à consommer du lait et même des urines de chameaux.
3. Le SARS-CoV-2, celui de la maladie à coronavirus 2019 (Covid-19), apparu en Chine en 2019, responsable d'une sévère pandémie en 2020. La question de l'affection due au coronavirus 2019 et toute la polémique qui l'aura entourée sera développée dans un chapitre à part.
LA MALADIE à CORONAVIRUS 2019
Retour sur une pandémie
Au mois de décembre 2019 surgit au centre de la Chine, au niveau de la province commerçante de Hubei (Wuhan), un syndrome infectieux grippal (fièvre, toux, fatigue, dyspnée) hautement contagieux entraînant la mort chez des personnes âgées ou présentant des affections chroniques, par détresse respiratoire aiguë. Les médecins réalisent qu'ils sont en présence d'un nouvel agent pathogène respiratoire. Le docteur Li Wenliang, ophtalmologue d'un hôpital de Wuhan, révéla sur le réseau social Weibo (l'équivalent chinois de Twitter) être l'un des huit médecins arrêtés le 1er janvier 2020 pour avoir «répandu des rumeurs sur le virus et perturbé gravement l'ordre public».
Le docteur Li Wenliang avait déclaré via WeChat à un groupe de médecins que sept cas d'une maladie ressemblant au SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère) étaient liés à un marché de fruits de mer de Wuhan, origine présumée du virus. Il avait alors posté une photo d'un test de l'échantillon d'un patient confirmant une infection à un coronavirus «ressemblant au SRAS», selon une image de conversations WeChat. La police de Wuhan fera signer au Docteur Li Wenliang une autocritique dans laquelle il promettait de ne plus commettre «d'actes contraires à la loi». (Na Zhu, Dingyu Zhang, Wenling Wang et Xingwang Li, «A Novel Coronavirus from Patients with Pneumonia in China, 2019», New England Journal of Medicine, février 2020).
Le Docteur Li Wenliang sera admis en janvier à l'hôpital qui l'employait où il déclare sur les réseaux sociaux avoir contracté le nouveau coronavirus par l'intermédiaire d'un patient, et révèle avoir été réprimandé par la police de Wuhan au début du mois de janvier. Cet ophtalmologue chinois de 34 ans, le premier lanceur d'alerte, s'est éteint le 7 février 2020 des suites de la maladie provoquée par le coronavirus. Ce sera le premier martyr de la profession.
Le patient zéro, un résident du Hubei, âgé de 55 ans, travaillant dans le marché couvert de Huanan, est arrivé à l'hôpital central de Wuhan le 16 décembre 2019. («China's first confirmed Covid-19 case traced back to November 17», South China Morning Post, 13 mars 2020). Le 20 décembre 60 cas sont enregistrés et le 31 décembre 2019 le nombre de cas grimpe de façon exponentielle, pour atteindre 266 cas. La Docteure Ai Fen, chef du service des urgences de l'hôpital de Wuhan, adresse un échantillon pris sur un patient à un laboratoire à Pékin. Elle reçoit l'affirmation le 30 décembre : «Infection due à un coronavirus affilié au SARS.» Alarmée, la Docteure Ai Fen postera une photo du rapport médical dans un groupe privé sur le réseau social WeChat, et qui fut partagée par plusieurs de ses collègues, dont l'ophtalmologue Li Wenliang.
La province de Wuhan s'apprêtait à tenir sa séance parlementaire annuelle (du 6 au 17 janvier) et à fêter le Nouvel An chinois (25 janvier 2020, année du rat) : nul incident ne devait venir perturber ces événements. Le 3 janvier, la commission de la santé de Wuhan adresse une directive interdisant au personnel médical de diffuser des informations sur le nouveau virus pour «éviter de provoquer une panique [...] Certains hôpitaux ont aussi discrètement modifié le diagnostic des premiers patients, le faisant passer d'une pneumonie virale à une simple infection». (https://actucameroun.comWUHAN : au commencement était la Chine... publié : 29 mai 2020). Le gouvernement chinois déploiera dans le plus grand secret son plan d'alerte pour le contrôle des maladies infectieuses : le marché de Wuhan fut fermé le 1er janvier et le génome du nouveau virus décodé le lendemain.
La Chine continuera jusqu'au 9 janvier à affirmer l'existence d'une «soixantaine de cas», et le 12 janvier 2020 elle annoncera à la face du monde l'émergence d'un nouveau virus.
Chronologie d'une maladie émergente
- Le 13 janvier 2020, un premier cas est découvert hors de la Chine continentale. Le navire de croisière Diamond Princess deviendra en moins de 15 jours le «Paquebot de l'angoisse». La directrice d'animation du navire, la Française Caroline, raconte dans le magazine Paris-Match du 5 mars 2020 : «Sur l'île d'Okinawa, les mesures de sécurité se sont intensifiées, les 2 666 passagers ont dû se plier aux règles de prise de température [...] À ce moment-là personne ne se doutait qu'un croisiériste de 80 ans, descendu à Hong Kong, avait été testé positif au Covid-19 [...] Le 15 février, on compte 285 cas positifs. Le navire devient le foyer le plus important de contamination après la Chine.»
- À partir de janvier 2020, le gouvernement chinois déploiera de gigantesques moyens sanitaires, mettra en œuvre les procédures de confinement et placera toute la région de Wuhan en quarantaine.
- Le nombre total de malades hors de la Chine dépasse les 1 500 à la mi-février. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) alerte dans un premier temps la République populaire de Chine et ses autres Etats membres, puis prononce l'état d'urgence de santé publique de portée internationale le 30 janvier. («Déclaration sur la réunion du Comité d'urgence du Règlement sanitaire international (RSI) concernant la flambée de nouveau coronavirus (2019-nCoV)» sur www.who.int)
- Le 25 février 2020, le nombre de nouveaux cas déclarés quotidiennement hors de Chine est plus élevé que dans ce pays. «Le bulletin de situation publié par l'OMS le même jour indiquait 439 nouveaux cas et 29 nouveaux décès notifiés par les autorités de Pékin.
Hors de Chine, un total de 746 cas et 13 décès supplémentaires ont été confirmés dans 46 pays. Le nombre de cas à l'échelle mondiale a maintenant dépassé les 83 000 et celui des décès excède les 2 800. Des chiffres qui confortent la tendance déclinante de l'épidémie en Chine et, à l'inverse, celle d'une propagation internationale.» (Paul Benkimoun, «Covid-19 : les foyers prolifèrent hors de Chine» Le Monde.fr, 28 février 2020).
- Le 11 mars 2020, l'épidémie de Covid-19 est déclarée pandémie par l'OMS. (Jamie Gumbrecht, «WHO declares novel coronavirus outbreak a pandemic» sur CNN)
LA COVID-19 DANS TOUS SES ETATS : SOIGNER OU PREVENIR ?
Il était un fois l'hydroxychloroquine
Le déplacement non officiel du président Macron à l'Institut hospitalier universitaire (IHU) à Marseille le 9 avril 2020 pour y rencontrer le Professeur Didier Raoult, s'il suscite moult interrogations, laisse deviner que le débat autour de l'efficacité du traitement à la chloroquine dans l'épidémie du Covid-19 divise la communauté scientifique médicale française.
Défendue ardemment par l'équipe de Marseille, et récusée par la plupart des membres du conseil scientifique (Paris), la molécule hydroxychloroquine a quitté les arcanes fermées de la recherche pour descendre dans l'arène publique pour être accaparée ensuite par la classe politique.
Qui est le Professeur Didier Raoult ?
Né à Dakar, au Sénégal, en 1952 (il y passera la moitié de son enfance), de père normand (médecin militaire) et de mère bretonne (infirmière), il est un éminent chercheur scientifique de renommée mondiale. Il reçoit le Grand prix de l'Inserm (la plus haute distinction scientifique française) pour la découverte et la description des «virus complexes». Dans le domaine de la bactériologie et des maladies transmissibles par les tiques, il a identifié avec son équipe de Marseille plusieurs bactéries pathogènes pour l'homme dont deux portent son nom : «RaoultellaPlanticola» et «Rickettsia Raoultii».
Le Professeur Raoult intervient régulièrement dans les médias (Le Figaro, Le Point) où il commente entre autres l'actualité politique. Son franc-parler, son assurance, ses positions iconoclastes et son look de prophète des temps nouveaux dérangent les «mandarins» et le microcosme médical parisien. Il ne sera jamais reçu par exemple par la ministre de la Santé de l'époque (Agnès Buzyn).
Par ailleurs, l'inauguration en 2018 du nouvel Institut hospitalier universitaire (IHU) de Marseille (le premier en Europe) s'est déroulée sans la présence de Madame la ministre de la Santé. Le secret de la relation conflictuelle avec l'élite parisienne a gagné les soignants marseillais et tout le département des Bouches-du-Rhône où le professeur Raoult jouit d'une immense estime et considération. C'est dans un contexte de différend ancestral «girondin» que débarquera vers la fin du mois de janvier le coronavirus en France porté par les premiers ressortissants français venus de la région de Wuhan.
Origine de l'hydroxychloroquine (HDC)
L'HDC ou plaquenil est une molécule synthétisée à partir de la chloroquine (nivaquine). Cette dernière a été découverte en 1934 par des chercheurs allemands, et introduite en France au début des années 40 pendant la lutte anti-paludéenne. Pour mémoire, c'est au Professeur Alphonse Laveran (1845-1922) que revient la découverte de l'agent responsable du paludisme. Ce médecin militaire français (prix Nobel de médecine) avait étudié le paludisme à Bône (Annaba) pendant l'année 1879. Il découvre à Constantine en 1880 la nature parasitaire (hématozoaire) de l'agent causal de cette maladie infectieuse.
Le plaquenil est prescrit en France, essentiellement pour les malades atteints d'affections inflammatoires chroniques (polyarthrites rhumatoïdes) et de maladies auto-immunes (lupus érythémateux disséminé). La palette des effets indésirables du médicament est abondement décrite dans la littérature médicale. Ce qui inquiète les prescripteurs sont les complications cardiaques, essentiellement : les troubles du rythme (arythmies) et les atteintes du muscle cardiaque (cardiomyopathies). Ces éventuels effets secondaires font de l'hydroxychloroquine un médicament à «marge thérapeutique étroite», c'est-à-dire que la dose efficace du traitement et celle de sa toxicité sont très proches.
L'hydroxychloroquine et la Covid-19
L'efficacité de l'hydroxychloroquine dans le traitement de la Covid-19 a été d'abord mentionnée au mois de février 2020 par les chercheurs chinois qui ont démontré que le médicament empêche la multiplication du coronavirus dans les cellules infectées.
L'expérience chinoise a été réalisée in vitro c'est-à-dire au laboratoire, dans des tubes. Les essais cliniques réalisés dans plusieurs villes chinoises dont l'épicentre de la maladie (Wuhan) n'ont pas été publiés, c'est-à-dire non soumis à des commissions de lectures scientifiques pour être reconnus et avalisés.
Le 11 mars 2020, le ministre de la Santé installe un conseil scientifique pour éclairer la décision publique sur la gestion de la crise sanitaire liée au Covid-19. Le professeur Raoult est mis en minorité. Soit dit en passant, c'est ce même conseil qui a avalisé l'organisation en pleine épidémie des élections municipales avec les conséquences que l'on sait (le Président Macron le publiera plus tard sur son compte Twitter).
Le Professeur Raoult, inspiré, il le reconnaît, par les résultats de l'étude chinoise, réalise un essai clinique le 20 mars 2020 sur une vingtaine de patients de son service. Il associe cependant à l'hydroxychloroquine un antibiotique de la famille des macrolides (azithromycine), habituellement prescrit dans les affections pulmonaires. Une semaine après l'administration du protocole thérapeutique, il conclut : «Notre enquête montre que le traitement par l'hydroxychloroquine est significativement associé à la réduction/disparition de la charge virale chez les porteurs de Covid-19.» Il réalisera un deuxième essai portant sur 80 patients, confirmant les résultats de la première enquête.
Le 26 mars, le Professeur Didier Raoult remercie sur son compteTwitter le ministre de la Santé, Olivier Véran, «pour son écoute», après la publication d'un décret encadrant la prescription d'hydroxychloroquine. Sur avis du Haut-Conseil de la santé publique (HSCP), le décret confirme qu'à titre dérogatoire «l'hydroxychloroquine et l'association lopinavir/ritonavir peuvent être prescrits, dispensés et administrés sous la responsabilité d'un médecin aux patients atteints par le Covid-19, dans les établissements de santé qui les prennent en charge, ainsi que pour la poursuite de leur traitement si leur état le permet et sur autorisation du prescripteur initial, à domicile.» (Article L. 5121-8 du code de la santé publique).
Le Professeur Raoult, «Gilet jaune» de la médecine ?
Les conclusions auxquelles ont abouti les enquêtes épidémiologiques de l'équipe marseillaise n'emportent pas les convictions du microcosme médical parisien (INSERM, Institut Pasteur, Haut-Conseil scientifique...). On reproche à la méthode l'absence de démarche scientifique, c'est-à-dire la randomisation de l'enquête. Le Professeur Arnaud Fontanet, épidémiologiste à l'Institut Pasteur, résume l'absence de consensus : «Malheureusement, en l'absence de bras comparatif c'est extrêmement difficile de savoir si le traitement est efficace.»
Richard Werly, journaliste suisse au quotidien Le Temps, décrypte les mobiles d'une querelle franco-française, réminiscence de la «Sans-culotterie», sous des dehors scientifiques. «Le caractère de Gaulois chevelu, têtu, fanfaron, mégalomane et opiniâtre du Professeur Didier Raoult dit quand même quelque chose de cette France ‘'en guerre''. D'un côté, un médecin-combattant très convaincu de sa valeur, isolé dans son laboratoire de Marseille et persuadé que la liberté de penser et de se battre doit primer sur la prudence d'Etat. De l'autre, un conseil scientifique composé d'experts très reconnus et très compétents, qui resserrent la vis – à juste titre – sur la population française sans exercer, par ailleurs, leur devoir de vérité. Raoult est un infectiologue « Sans culotte ». Eux sont des mandarins, souvent passés par les cabinets ministériels et les arcanes du pouvoir médical hexagonal.» (Richard Werly : «La faute antisystème du Professeur Raoult». Le Temps, 25 mars 2020). Le Professeur Raoult finira par claquer la porte du Conseil scientifique. Il court-circuitera les autorités médicales et communiquera désormais directement ses recommandations médicales sur son compte Twitter. Il confie au magazine Marianne le 19 mars 2020 : «Je discute avec des personnes au plus haut niveau de l'Etat. Je comprends ce qui fait partie de l'écosystème des décideurs, ce n'est pas une surprise d'avoir été mis de côté.»
LA PUISSANCE DE L'INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE
Essai «Discovery»
L'essai clinique européen «Discovery», énoncé de l'essai international «Solidarity» organisé par l'OMS, débute le 22 mars 2020 (en pleine pandémie). L'essai clinique est coordonné par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et soutenu par le gouvernement français (ministère des Solidarités et de la Santé et ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation). Il s'agit, selon l'INSERM, de l'opportunité unique dans l'histoire des épidémies/pandémies de tester des médicaments existants afin de qualifier leur efficacité éventuelle au moment même du fléau. (INSERM : «Lancement d'un essai clinique européen contre la Covid-19», 22 mars 2020). Les molécules testées sont :
1. Remdesivir, un antiviral injectable utilisé dans la recherche clinique contre Ebola, mais qui ne dispose d'aucune Autorisation de mise sur le marché (AMM).
2. Iopinavir et ritonavir, combinaison brevetée sous le nom de «kaletra» utilisée dans les infections du SIDA (VIH). Une étude coréenne a cependant montré des résultats décevants (Cao Bin, Wang Yeming et al. A Trial of Lopinavir–Ritonavir in Adults Hospitalized with Severe Covid-19, Massachusetts Medical Society, 18 mars 2020).
3. L'hydroxychloroquine (HDC). Selon certaines sources, cette dernière a été rajoutée en urgence, à la suite de l'emballement médiatique qui résulte de l'essai préliminaire de Didier Raoult. Comme nous l'avons écrit plus haut, l'enquête marseillaise a été fortement critiquée pour ses faiblesses méthodologiques engageant la fiabilité des résultats («Coronavirus et chloroquine», Sciences et Avenir , 28 mars 2020).
La Professeure Florence Ader, infectiologue à l'hôpital de la Croix-Rousse de Lyon, chargée de piloter l'essai clinique : «Ce sont des données in vitro recueillies en Chine qui nous ont amenés à ajouter dans le week-end du 12 mars un bras incluant l'hydroxychloroquine.» L'infectiologue ne dira pas que la prescription n'est pas celle de l'Autorisation de mise sur le marché (AMM) (Rouguyata Sall : «Hydroxychloroquine : dans le brouillard des essais cliniques», Mediapart, 24 avril 2020).
4. L'enquéte épidémiologique du Lancet
La prestigieuse revue scientifique médicale britannique, l'une des plus grandes revues médicales au monde, The Lancet, publie, le 22 mai 2020, une gigantesque enquête épidémiologique rétrospective randomisée regroupant 96 000 patients hospitalisés entre décembre 2019 et avril 2020 dans 671 hôpitaux. Cette étude conclut à la toxicité de l'hydroxychloroquine et la chloroquine sur des patients «suffisamment malades pour mériter une hospitalisation probablement 5 à 7 jours après l'infection». Selon l'étude, l'hydroxychloroquine n'a pas prouvé son efficacité sur les malades de la Covid-19. Pis encore, elle a indiqué un risque élevé de mortalité chez des malades hospitalisés.
H. B.
(À suivre)
(*) Professeur de médecine, spécialiste en neurologie et neuropsychologie. Diplômé des études supérieures de médecine de guerre. Licencié en sciences économiques (économie de la santé).


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