Depuis plusieurs années maintenant, plus le temps passe, plus la marge de manœuvre des pouvoirs publics se rétrécit. Cette année qui commence s'annonce beaucoup plus problématique encore du fait de la pandémie et de son impact destructeur, d'une part, et de la déstructuration de l'économie du pays qui n'a pas encore fini d'essuyer les résidus de la crise de 2014 et de la non-gestion des gouvernements de l'ère Bouteflika, d'autre part. Jusqu'à octobre dernier, les analystes des plus grandes institutions internationales, FMI et Banque mondiale particulièrement, rivalisaient en prédictions sur le rebond de l'économie mondiale, prenant en compte, d'un œil un peu plus optimiste qu'il le fallait, les suites de la pandémie pour présager des évolutions considérables du produit intérieur brut (PIB), mais la dernière quinzaine de décembre qui vient de s'écouler a remis en cause beaucoup de certitudes, la fin de la deuxième vague et le début de la troisième sont en train de produire des effets plus dévastateurs qu'attendu. En Algérie, la loi de finances 2021, comme on peut l'imaginer, n'a pas été le plus simple des exercices pour un gouvernement sous une énorme pression, tant les réformes structurelles de l'économie nationale exigeaient et exigent toujours d'être mises en branle. Une loi de finances qui, soit dit en passant, reflète la situation exceptionnelle que traverse le pays qui, si l'on se réfère aux prévisions du FMI, quant au déficit budgétaire, en prenant en compte tous les paramètres et agrégats, il est le plus important de la région Mena, la situation précaire de l'économie nationale jusqu'à 2019 n'y étant pas pour rien, sans les conséquences de la pandémie. Pour résumer la situation, le gouvernement est parti du constat selon lequel le choc pétrolier de 2014 a été suivi d'une forte baisse de la croissance économique, de 3,8% en 2014 à 0,8% en 2019. Le PIB hors hydrocarbures a connu de forts taux de croissance supérieurs à 5% jusqu'en 2015, mais ont diminué à environ 2,5% depuis lors. Au cours de la dernière décennie, l'inflation a connu un pic en 2012 à presque 10%, et un plancher en 2019 avec 2,4%. Selon les données de l'ONS, la croissance de la demande intérieure a faibli significativement et de manière tendancielle entre 2012 et 2019. Le taux de croissance de la consommation finale des ménages a significativement baissé, notamment à partir de 2016 sous l'effet des mesures relatives à la limitation des importations, le gel des recrutements et du niveau des salaires dans la Fonction publique. La baisse de la commande publique durant cette période a également impacté significativement l'investissement des entreprises. Un demi-million d'emplois perdus, 3,9% d'inflation La conjoncture étant ce qu'elle est, le plan devenait indispensable pour remettre de l'ordre et insuffler un tout nouveau mode de gestion au fur et à mesure. C'est ce à quoi se sont attelés les nouveaux gouvernants de l'Algérie, à travers un plan dit de relance qui s'étale de l'année qui vient de s'achever jusqu'à 2004, et dont nous détenons une copie. « La situation économique, déjà délicate en 2018, s'est accentuée au cours de l'année du Hirak en 2019, réduisant ainsi les marges de manœuvre pour faire face à la crise de Covid-19. Par conséquent, des recommandations fondamentales, sous la forme d'un plan de relance économique, ont été prises lors de la Conférence nationale des 18 et 19 août 2020 », est-il expliqué dans le plan de relance économique 2020-2024 établi par les services du ministre délégué auprès du Premier ministère, chargé de la Prospective. Il est établi que le PIB devrait connaître, en 2020, un fort recul qui sera de l'ordre de 4,6%, selon le projet de loi de finances 2021, voire supérieur selon les institutions internationales. La loi de finances 2021 estime que le niveau d'inflation de clôture de 2020 atteindrait 3,19%. La balance commerciale s'est fortement dégradée pour atteindre 55,86% au cours des 10 premiers mois de 2020, et ce, malgré une importante baisse des importations (-20,56%). En effet, les exportations, dominées à 92% par les hydrocarbures, ont baissé de 34.15% sur la même période. Ayant déjà réduit les importations d'environ 7,3 milliards de dollars, l'objectif affiché par le gouvernement de réduire de 10 milliards de dollars les importations en 2020 semble en bonne voie de réalisation, notamment si l'on intègre les services. Sur le plan social, la crise de Covid-19 a eu de fortes répercussions sur l'emploi dont il est difficile d'avoir, à ce stade, un bilan définitif pour 2020. Le taux de chômage devrait augmenter à 15,1% en 2020, soit une perte nette de plus 500 000 emplois. L'entreprenariat, les IDE et le développement industriel : les leviers de croissance Le plan de relance 2020-2024 devenait dès lors indispensable. Après le diagnostic, les discussions et les orientations, trois nouveaux leviers de croissance ont été identifiés pour la relance économique. D'abord, la mise de l'entreprenariat au cœur de la démarche de création de valeurs, puis les investissements directs étrangers (IDE) afin de tirer profit de la relocalisation dans le cadre de la régionalisation des chaînes de valeurs, et le développement industriel comme facteur structurant des chaînes de valeurs. Le plan a identifié six secteurs «privilégiés». À savoir, l'agriculture (dont saharienne) et l'agro-alimentaire, l'énergie (dont renouvelable) et la transition énergétique, les mines et leurs chaînes de valeurs en aval, le numérique, l'industrie pharmaceutique et le BTPH. Pour les initiateurs du plan qui devrait revitaliser l'économie algérienne, « l'agriculture fait face à de nombreux défis, notamment en termes de sécurité alimentaire dans un contexte de réchauffement climatique. À cet égard, le développement de l'agriculture saharienne peut constituer le complément nécessaire pour accroître la production. Le potentiel d'exportation du secteur agricole pourra se concrétiser à travers le renforcement de l'industrie agro-alimentaire. L'industrie pharmaceutique reste une industrie stratégique pour le pays, de par l'importance du volume des importations pour satisfaire la demande locale, de la valeur ajoutée qu'elle peut générer et du potentiel d'exportation qui reste à exploiter. Les nouveaux leviers de croissance que nous avons identifiés précédemment constitueront la base d'une stratégie de relance économique. Les conditions de la réussite du plan Les nouveaux leviers de croissance, donc identifiés, constitueront « la base d'une stratégie de relance économique ». Mais pour que cela réussisse, le gouvernement se dit conscient que certains facteurs doivent être réunis. Ainsi, il est mis en exergue la recherche et le développement, qui a requis la création d'un ministère de l'Economie de la connaissance et des Start-up, l'amélioration du climat des investissements. Ainsi, afin d'encourager l'acte d'investir et d'attirer davantage d'IDE, la réforme profonde du système bancaire et financier, avec notamment la prochaine ouverture de deux banques publiques au capital privé, constitue également un des chantiers les plus importants des réformes. Et puis, il y a la «débureaucratisation» et la simplification des procédures, avec la mise en place d'un guichet unique, qui devrait jouer un rôle considérable dans la simplification de l'acte d'investissement. Last but not least, dans leur plan, les initiateurs ont également appelé à miser sur le partenariat public-privé, et au « renforcement de la politique commerciale pour une meilleure intégration dans le commerce international », la part de l'Algérie dans le commerce mondial demeurant très faible, entre 0,2% et 0,4%. Un plan ambitieux, c'est certain, mais son financement interroge, eu égard aux difficultés supplémentaires, dont l'Algérie n'avait vraiment pas besoin, induites par la crise sanitaire. En tous les cas, si l'on doit croire les autorités du pays, « dans un premier temps, l'Etat aura un rôle prépondérant à jouer en la matière, mais dans un second temps, le financement privé devrait prendre le relais grâce à une meilleure organisation des marchés financiers. L'option du partenariat public-privé devrait être une approche à privilégier dans le financement des infrastructures et services publics ». Azedine Maktour