Avant même qu'une date ne soit fixée pour le lancement de la vaccination contre le Covid-19, le ministère de la Santé compte lancer une campagne de sensibilisation. Il s'agit de convaincre les personnes réticentes des bienfaits de la vaccination, mais surtout de contrecarrer le courant antivaccination. Quels arguments ? Quel langage tenir ? Eléments de réponses avec le Dr Mohamed Yousfi, chef de service des maladies infectieuses à l'EPH de Boufarik. Nawal Imès - Alger (Le Soir) - Rarement un sujet n'avait autant divisé que la vaccination contre le Covid-19. Des thèses et des antithèses s'entrechoquent depuis plusieurs mois, créant davantage de confusion chez les personnes les plus hésitantes. Deux courants s'affrontent : ceux qui vantent les mérites de la vaccination et ceux qui y voient un danger absolu. Entre les deux, de larges pans d'hésitants, ne sachant plus à quel saint se vouer. C'est dans ce contexte que le ministère de la Santé compte lancer une campagne d'information, avant d'entamer la phase de la vaccination. Quel langage tenir ? Le Dr Mohamed Yousfi estime primordial de rappeler que « ce sont les vaccins qui ont permis d'éradiquer ou de contrôler la majorité des maladies infectieuses. Beaucoup de fléaux ont disparu grâce à cela. La plus grande découverte de l'humanité, c'est la vaccination. Il faudrait que ce principe soit ancré dans l'esprit des citoyens pour dire que c'est le vaccin qui nous a permis d'être ce qu'on est. L'espérance de vie est à 78 ans, et c'est aussi grâce à l'amélioration sanitaire et la vaccination ». Le chef de service des maladies infectieuses de l'EPH de Boufarik ajoute que « le seul moyen de sortir de cette pandémie, c'est le vaccin. C'est la seule solution radicale, sans aucun doute. Cela pour ôter tout fonds de commerce au lobby antivaccination qui existe même parmi le personnel médical, à travers le monde ». Il s'agira, à travers cette campagne, de tenter de regagner une confiance quelque peu perdue en le système de vaccination national après l'épisode de 2017. La vaccination contre la rougeole qui avait été à l'origine du décès de nourrissons avait constitué un tournant décisif. Ce qui était inimaginable il y a quelques années devenait une réalité : de nombreux Algériens ont perdu confiance et se posaient désormais la question sur l'opportunité de vacciner ou pas leurs enfants. Il y a quelques années, la question ne se posait même pas : les parents vaccinaient leurs enfants de manière automatique et sans se poser de question. Le courant opposé à la vaccination s'est emparé de cet incident pour semer le doute dans les esprits. À ce sujet, le Dr Yousfi rappelle que « la rupture de la confiance a commencé avant l'épisode malheureux de 2017, avec la floraison des réseaux sociaux. Le lobby international, relayé par des médecins, a commencé à semer le doute. Malheureusement en 2017, le ministère de la Santé ne s'était pas adapté à cette donne et il a lancé la campagne de rattrapage du ROR avec les conceptions classiques. C'est vrai qu'avant, quand on lançait une campagne de vaccination, il y avait une grande adhésion, mais avec le lobby antivaccin, on s'est retrouvé avec une catastrophe : la moitié des parents n'avaient pas vacciné leurs enfants et on l'a payé cash : au lieu des 200 cas annuels, on s'était retrouvé avec des milliers de cas et des décès ». Le Dr Yousfi insiste sur l'importance de la sensibilisation qui doit se faire par des spécialistes et relayée par les médias, pour justement dire qu'« il ne faut pas écouter les chants des sirènes. Tous les vaccins sont efficaces, les publications sont en train de sortir. D'autres vaccins arriveront. Les effets secondaires sont gérables. Pas d'effets graves. Donc, le bout du tunnel est là, mais pour y arriver, les citoyens doivent adhérer à cette vaccination et ne pas céder aux polémiques françaises. Nous n'avons pas à suivre l'opinion publique française ». À ceux qui s'étonnent que des laboratoires aient pu rapidement trouver un vaccin ou qui dénigrent certains vaccins, le chef de service des maladies infectieuses répond que « les gens ont tendance à minimiser tout ce qui vient de l'Inde. On oublie que tous les laboratoires s'approvisionnent en Inde et en Chine, en ce qui concerne la matière première ». Avant d'ajouter que « si on a pu avoir un vaccin au bout d'une année, c'est parce qu'il y a eu beaucoup d'échanges mais aussi beaucoup d'argent qui a été avancé. Avant, lorsqu'un laboratoire travaillait sur un vaccin, il le faisait souvent en solo avec ses propres fonds. C'est pour cela que cela nécessitait de nombreuses années avant sa fabrication. Là, il y a eu 180 équipes qui s'y sont intéressées et beaucoup d'argent a été avancé aux laboratoires ». N. I.