Le dinosaure (politique) fut sidéré et le diplodocus (politique aussi) atterré. - «Ça veut dire quoi, ce qu'il a dit ?» C'est en pénétrant dans son usine que l'univers bascula. Houari, cet ami qui vous veut du bien, cria de toutes ses forces : «je suis pour la privatisation du secteur public !» Avant ce jour fatidique, Houari se définissait comme un «communiste marxiste-léniniste-maoïste» convaincu. «Je suis plus socialiste que Jean Ferrat. Je ne suis pas ce qu'on murmure aux enfants de la bourgeoisie. Je suis rouge écarlate, ni bleu, ni blanc, ni cramoisi», criait-il sur tous les toits. Houari a lu toutes les œuvres de Marx, Engels, Lénine, Le petit livre rouge de Mao et même Le livre vert de Kadhafi. Houari, le gaucho, dans ses lectures à droite et à gauche, a aussi lu Adam Smith, les romans d'Horatio Alger (à l'origine de l'American Way of Life) et même ceux de Benjamin Franklin avec lequel il est souvent d'accord concernant le Bonhomme Richard. Houari n'aime pas le capitalisme, certes, mais le connaît mieux que beaucoup de capitalistes. Houari, ce matin-là, trouva son usine encore une fois en grève et se demanda : «Une grève va-t-elle rétablir la situation financière de l'entreprise ?» Il se demanda encore : «pourquoi, en Algérie, il n'y a pratiquement pas de grève dans le secteur privé, pourtant grand exploiteur des ouvriers et des paysans ?» Alors et après avoir bien réfléchi, il cria de toutes ses forces vives : «je suis pour la privatisation du secteur public !» Tous, ouvriers, cadres, responsables et syndicalistes viennent en courant vers Houari. «Ça veut dire quoi, ce que tu as dit ?» lui demandent-ils. - «Je suis pour la privatisation de notre usine et du secteur industriel public en Algérie, car je suis arrivé à la conclusion qu'il restera éternellement empêtré dans ses problèmes et qu'il ne sera jamais compétitif, rentable, viable et fiable. Il sera toujours dépendant des subventions. Il restera le refuge des incompétents, des fainéants et des parasites, dont la devise est ‘‘ne travaillez pas, ne prenez pas de la peine, ce sont les fonds qui manquent le moins''. Ces fonds sont, bien sûr, ceux de la rente des hydrocarbures. Un socialiste doit aussi être réaliste... La seule solution est donc la privatisation. Vous avez vu ce film américain où le nouveau patron d'une usine dit aux travailleurs que ce n'est pas lui qui avait causé sa faillite mais eux-mêmes, et leur a fait remarquer qu'ils doivent savoir ce que signifie le mot obsolescence ? - Mais... - Y a pas de mai 68, c'est une révolution bourgeoise ! Michel Sardou, je ne parle pas de sa chanson Qu'est-ce qu'il a dit ?, a dit au sujet des Français qui demandaient la démission de François Hollande : ‘'Ils n'avaient qu'à pas voter comme ça. Ils ont ce qu'ils ont. Ils l'ont voulu, ils l'ont eu. C'est bizarre mais c'est comme ça. Qu'ils se le gardent maintenant, il y en a encore pour trois ans.'' C'est valable pour ceux, chez nous, qui sont pour le capitalisme et veulent continuer de profiter des restes du socialisme. La privatisation, c'est aussi la laïcité économique, une séparation de l'Etat et de l'usine qui, ainsi, ne sera plus un champ de bataille politique, mais un espace de travail.» Des syndicalistes pensent faire une grève générale et illimitée de l'usine en faillite, pour protester contre une éventuelle privatisation ! K. B . [email protected]