C'est un rapport de 160 pages, composé de quatre parties, de préconisations et d'annexes, dont l'objectif, exposé dans la quatrième partie «Vers un traité Mémoires et Vérités», est l'établissement d'un Traité de réconciliation et d'amitié entre la France et l'Algérie à la veille du 60e anniversaire de la fin de la guerre de Libération nationale. Ce rapport est adressé au chef de l'Etat français, Emmanuel Macron. Notons d'abord que c'est la première fois depuis 1962 que la France officielle est invitée à se livrer à une sorte d'examen de conscience concernant une page sombre de son histoire, la colonisation et la Guerre d'Algérie. Pour ce faire, le rapport de Benjamin Stora pointe un certain nombre de faits et constats occultés par une France qui, en pariant sur le temps et l'oubli, pensait pouvoir tourner cette page sombre de son histoire. Et formule des préconisations susceptibles, d'après lui, de contribuer à une réconciliation des mémoires ! Il me semble que sur le fond, ce rapport aurait gagné à qualifier d'emblée la colonisation en tant que système de crime contre l'humanité, d'apartheid qui ne dit pas son nom, et à recommander comme seconde préconisation d'introduire la notion de « crimes de guerre » concernant les graves exactions et représailles massives dont l'armée française s'est rendue coupable entre 1954 et 1961 et même avant ! Cela aurait permis de déblayer le terrain, de gagner du temps, et d'éviter que le débat ne s'enlise dans des polémiques sur des sujets qui ne devraient pas poser problème. Et ce, même si en page 23 de son rapport, il relève bien que «comprendre l'engrenage sanglant de la Guerre d'Algérie exige de revenir à l'origine de cette séquence particulière : la colonisation» et qu'«un rapprochement entre la France et l'Algérie passe donc par une connaissance plus grande de ce que fut l'entreprise coloniale» ! Quand sous la plume de Stora on lit : «c'est un exercice difficile que d'écrire sur la colonisation et la Guerre d'Algérie», on le comprend parfaitement tant la question coloniale fait débat en France. Reste que ce constat ne parle pas aux Algériens. Ces derniers, 60 ans après la fin de la guerre, demandent que l'on crève une fois pour toutes l'abcès et que l'on cesse, 60 ans après, de tourner autour du pot si l'on veut avancer. Les excuses ? Le rapport Stora en parle, page 81, citant un extrait de son entretien accordé au Soir d'Algérie où il se demandait : «Je ne sais pas si un nouveau discours d'excuses officielles suffira à apaiser les mémoires blessées, de combler le fossé mémoriel qui existe entre les deux pays. A mes yeux, il importe surtout de poursuivre la connaissance de ce que fut le système colonial, sa réalité quotidienne et ses visées idéologiques, les résistances algériennes et françaises à ce système de domination.» Sur cette question, le regretté Rédha Malek avait bien résumé le sentiment de nombreux Algériens quand il soulignait que «l'Algérie n'a pas besoin d'excuses de la part de la France, la plus grande excuse qu'elle puisse exprimer, c'est la reconnaissance de notre indépendance, car les crimes étaient commis depuis 1830 » (Horizons du 31.10.2015). Même tonalité pour Abdelaziz Rahabi pour qui «le rapport Stora ne prend pas en compte la principale demande historique des Algériens, la reconnaissance par la France des crimes commis par la colonisation», ajoutant : «Il ne s'agit ni de repentance, notion étrangère aux relations entre Etats, ni de fonder une mémoire commune, les deux pays étant héritiers de deux mémoires antagoniques sur cette question. Pour le reste, chacun doit assumer son passé et les deux Etats sont tenus de mettre en place les conditions d'une relation apaisée et tournée vers l'avenir .» Pour sa part, Fadela Boumendjel-Chitour, nièce du martyr Ali Boumendjel assassiné en 1957 par le sinistre général Aussaresses, tranche : « La France ne s'excusera pas. Il faut tourner la page. Il fallait demander des comptes en 1962, on a perdu du temps .» Rappelons que le même Aussaresses avait également assumé l'assassinat de Larbi Ben M'hidi. On ne peut donc que faire siennes les interrogations de Mme Boumendjel-Chitour quant à la recommandation du rapport concernant la reconnaissance par la France de l'assassinat du seul Ali Boumendjel : «Mais pourquoi le singulariser ? Il faut la vérité pour tous. Célèbres ou anonymes», indiquait-elle dans El Watan du 23 janvier. En effet... H. Z.