Nous avons d�j� eu l�occasion, � maintes reprises, de dire notre approbation des programmes de relance I (2001-2003) II (2004-2009) et III (2010- 2014). Nous avons soulign� leur bien-fond�, leur n�cessit� et leur grand apport � la redynamisation de la croissance de l��conomie nationale, � l��quipement du pays et � la construction de l�attractivit� du site Alg�rie. Il reste bien �videmment � faire le bilan de cet effort impressionnant, � tirer les le�ons �du terrain� et � corriger les nombreuses imperfections constat�es dans les �tudes de faisabilit� des projets, leurs conditions de r�alisation, la ma�trise des co�ts. Mais nous avons aussi soulign� qu�il fallait maintenant assurer le relais par une politique de l�offre qui fait de l�entreprise une priorit�. Ce n�est malheureusement pas le chemin que semble prendre le gouvernement. Nous ne comprenons pas en tout cas, et nous ne sommes pas les seuls, ces nouvelles options dans le fonctionnement de l��conomie qui sont mises en �uvre ces derni�res ann�es. Comment expliquer en effet ce �retour dans les tranch�es�, cette fermeture �conomique et cette r�surgence de l�Etat d�miurge (l�Etat qui peut tout, qui fait tout), l�Etat bonapartiste auxquelles nous assistons et qu�on croyait � jamais r�volues et compl�tement d�class�es par un contexte �conomique mondial ouvert, concurrentiel et marqu� par la comp�tition ? Pouvons-nous, sur le long terme, vivre � part, produire nous-m�mes tout ce dont on a besoin, refuser les investissements directs �trangers, et l�internationalisation de notre �conomie et disposer de mani�re permanente des ressources n�cessaires au fonctionnement normal de notre soci�t� ? Le fait m�me de poser ces questions aujourd�hui nous semble en total d�calage avec les r�flexions qui sont men�es au plan mondial. En tout cas, de telles options nous d�classent aux yeux du monde et nous rendent atypiques pour ne pas dire incompr�hensibles. Il faut bien souligner en effet, que l�Alg�rie d�aujourd�hui est en train de ressembler chaque jour davantage � celle des ann�es 70 (l�industrialisation en moins !) � celle qui a fonctionn� dans le contexte mondial marqu� par les blocs et la guerre froide. Une Alg�rie � laquelle nous avons fortement cru, que nous regrettons mais qui malheureusement ne peut plus exister aujourd�hui, ni ici, ni ailleurs. La bataille a chang� de nature et nous ne devons pas craindre de l�engager sur ses nouveaux terrains; attention, notre p�trole et notre gaz ne doivent pas faire illusion : les enjeux sont d�j� ailleurs. De quoi parlons-nous ? Les lois de finances 2009 et 2010 et les lois compl�mentaires qui les ont accompagn�es, confirment de mani�re nette, le tournant pris ces trois derni�res ann�es dans les orientations �conomiques des ann�es 90, dont on pensait pourtant, tous, qu�elles allaient dans le bon sens. En effet, le gouvernement semble ne plus vouloir entendre parler d��conomie de march� et encore moins d��conomie de march� �libre, ouverte et concurrentielle� ch�re � nos �conomistes officiels de la premi�re mandature Bouteflika. Ce rejet du lib�ralisme n�est pas pour nous d�plaire mais il ne doit pas nous reconduire � une situation qui a montr� ses limites : celle de la r�gulation directe de l��conomie, sa gestion par circulaires et injonctions administratives, par obligation de faire et de ne pas faire, par mise en relation directe des fournisseurs et des clients, par le retour des minist�res de tutelle �conomique. D�autre part, le concept d�entreprise, dont on pensait qu�il regroupait aujourd�hui en Alg�rie dans une m�me case les entreprises publiques et priv�es soumises aux m�mes droits et aux m�mes obligations, aux m�mes contraintes d�efficacit�, n�a plus cours et le gouvernement insiste bien, dans sa d�marche, sur la distinction qu�il entretient entre l�entreprise publique et l�entreprise priv�e, accordant sa pr�f�rence et ses ressources � la premi�re et mettant sous contr�le la seconde. Est-ce le retour � la distinction qui a eu ses heures de gloire entre entreprise priv�e exploiteuse et non exploiteuse ? Le commerce ext�rieur est strictement encadr�, les importations y compris celles utiles et n�cessaires sont soumises � des conditions draconiennes, les investissements directs �trangers sont ignor�s, les exportations hors hydrocarbures sont... d�courag�es (!) (Cf. les exportations de la branche agroalimentaire), les entreprises publiques �conomiques sont soumises au contr�le administratif pyramidal... Bref, c�est bien le syst�me �conomique alg�rien des ann�es 70 qui r�appara�t sous le couvert d�un concept aujourd�hui partout galvaud� de �patriotisme �conomique�. Mais quelle est la gen�se de ce concept ? Le plus frappant ici est que ce concept de patriotisme �conomique n�a pas r�apparu, comme on pourrait �tre amen� � le penser, dans quelques pays du Tiers-Monde encore marqu�s par la lutte anti-imp�rialiste, le rejet de l��change in�gal ou autre nouvel ordre �conomique mondial. Non, c�est dans les pays capitalistes du Nord et plus pr�cis�ment en France secou�s par la crise �conomique mondiale, la concurrence f�roce entre firmes, les d�localisations, que cette �fibre patriotique� s�est remise � vibrer. Mais attention : il ne s�agit nullement d�une remise en cause du capitalisme ni m�me de l��conomie de march� ouverte et concurrentielle. Il s�agit juste d�une �mise sous abri� en attendant que l�orage passe, une mise sous abri par ailleurs fortement contest�e par les lib�raux. Mais, assure-t-on, c�est seulement le retour des r�gulationnistes : l��conomie de march� ouverte et concurrentielle qui n�est nullement remise en cause peut �tre r�gul�e (doit �tre r�gul�e). Il ne faut donc surtout pas conclure au triomphe des protectionnistes, surtout pas ! Comment expliquer ce retour � l��tatisme en Alg�rie ? L��quipe aux affaires dans notre pays semble tourner le dos � l�esprit d�entreprendre, � la prise d�initiative, � la mobilisation des forces vives de l��conomie et � leur t�te les entrepreneurs, � la fluidit� des march�s au moment m�me o� on pouvait s�attendre � des mesures de r�forme du syst�me �conomique qui le d�bureaucratisent, le responsabilisent ; bref, en un mot, le redynamisent. On croyait ce d�bat �conomique r�gl� depuis les r�formateurs du FLN, un large accord national ayant �t� atteint sur la n�cessit� d�abandonner l��tatisme et ses contreperformances, de construire une �conomie de march� r�gul�e au sein de laquelle l�entrepreneur, et non pas l�Etat, joue le r�le primordial. Une �conomie o� c�est le syst�me des prix et la concurrence, et non pas les injonctions administratives, qui organisent l�allocation des ressources. Une �conomie o� les sanctions positives et n�gatives des op�rateurs sont le fait du march� organis� et non de l�Etat ou des administrations. Une �conomie o� activent des managers et non des fonctionnaires. Une telle �conomie de march� n�est bien �videmment pas antinomique ni d�une politique sociale, ni d�un Etat r�gulateur, ni m�me d�un Etat investisseur. Pourtant, le pr�sident Bouteflika d�clarait d�j� lors de sa premi�re mandature : �Je suis un lib�ral.� On assiste aujourd�hui au rejet du b�b� avec l�eau du bain, c�est parce que certains op�rateurs �conomiques priv�s ne jouent pas le jeu, que les organes de contr�le sont d�pass�s par les �v�nements, que le syst�me en place pr�sente des failles, que des investisseurs �trangers trichent, qu�on d�cide de remettre en cause sinon de jeter par dessus bord toute la d�marche de transition � l��conomie de march�, toute la politique de construction de la nouvelle �conomie faite d�esprit d�entreprise, de prise d�initiative, d�innovation, de prise de risque calcul�. Il faut pourtant bien voir que le probl�me de notre �conomie n�est pas l��conomie de march� mais bien celui de sa non-mise en �uvre dans �les r�gles de l�art�. Il y a, chez nous, une crise de la r�gulation c�est-�-dire une incapacit� de l�Etat � organiser les r�gles du jeu de l��conomie de march� et surtout � les faire respecter. Il est vrai que la t�che est complexe et qu�il est plus simple de �baisser le rideau� et de revenir � l�Etat qui fait tout. Mais attention � ne pas confondre d�ficit institutionnel, non-respect des r�gles et r�glementations, fraude et tricherie avec impertinence du choix du syst�me �conomique, inefficacit� de ce dernier, pertinence de l��conomie administr�e. Le professeur Mebroukine, sp�cialiste de droit des affaires, a montr�, dans un r�cent article de presse (voir l�Expression du 7 juillet 2007) que l�Etat alg�rien a mis en place douze autorit�s de r�gulation dont les moindres ne sont pas le conseil de la concurrence et le conseil de la monnaie et du cr�dit cens�es encadrer la construction de l��conomie de march� mais qui, dans les faits, ne servent pas � grand-chose faute de leur animation par les pouvoirs publics. Evidemment, si le march� (et quel march� en Alg�rie !) est laiss� � lui-m�me, il produit forc�ment des d�rapages, des inefficacit�s et m�me des d�viances. Le pas est vite franchi alors de montrer du doigt l��conomie de march� en tant que syst�me �conomique qu�on accuse de non-performance et on oublie qu�en fait, c�est son inapplication dans les �r�gles de l�art� qui est en cause. On revient alors tr�s vite � la case d�part, � l��conomie administr�e, les soci�t� s nationales, le contr�le tatillon qui ont produit, on le sait, les contreperformances, les gaspillages, les productions de mauvaise qualit�, l�absence de comp�titivit�... toutes ces difficult�s que nous connaissons bien en Alg�rie. Alors ne nous trompons pas de cible, ne nous �garons pas et travaillons � d�brider les initiatives et � mobiliser toutes les �normes potentialit�s de ce pays. Un dernier mot Nous ne voulons pas croire que l�Alg�rie est condamn�e � n��tre qu�un Etat rentier, sans �conomie de production de biens et services efficace et comp�titive. Sans appeler l�Etat � se dessaisir de ses pr�rogatives, ni encore mois de son pouvoir, il faut que nous comprenions que lib�rer les initiatives, encourager l�esprit d�entreprendre et de commercer, respecter le droit de propri�t�, soutenir l�innovation et la recherche est le seul programme qui nous aidera � quitter la monorente et son caract�re vuln�rable. L�Etat doit rester agent �conomique actif mais sans exercer de monopole, sans g�n�rer d�effet d��viction, sans brider les autres entrepreneurs nationaux ou �trangers dont l��conomie a tant besoin. Passer de l�Etat d�miurge � l�Etat r�gulateur, voil� le d�fi � relever et � gagner. La r�gulation indirecte, celle du march� encadr�, est certes plus complexe que la r�gulation administrative directe, mais elle est plus performante, plus dynamisante, plus lib�ratrice des initiatives. Elle se construit. Il faut donc abandonner d�finitivement le syst�me �conomique �tatiste et centralement administr�, remettre la construction de l��conomie sociale de march� sur le m�tier et r�amorcer la pompe de la croissance hors hydrocarbures. Nous nous obstinons � croire, en tout cas, que les mesures des lois de finances 2009 et 2010 ne sont que des politiques conjoncturelles de gestion d�une phase bien pr�cise et que le gouvernement reviendra vite aux r�formes qu�attend notre �conomie.