Louisa Hanoune estime que le mouvement populaire du 22 février 2019 n'a pas réalisé ses objectifs, dont le plus important est le changement du système. Selon elle, le maintien de ce système a engendré une détérioration du climat des libertés et des droits dans le pays, en plus d'une remise en cause des acquis sociaux. Elle avertit que le mouvement risque de perdre son caractère pacifique, si la crise sociale venait à s'aggraver. Karim Aimeur - Alger (Le Soir) - La secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT), Louisa Hanoune, a évoqué longuement, hier mercredi, lors d'une conférence de presse au siège de son parti à Alger, ce mouvement inédit qui traverse l'Algérie depuis le 22 février 2019, le qualifiant de vraie « révolution », en récusant le qualificatif réducteur de « Hirak ». Ainsi, après deux ans de son déclenchement et son retour en force depuis ce 22 février 2021, Mme Hanoune soutient que le temps est venu d'organiser cette révolution et de faire la jonction entre les revendications politiques et socioéconomiques. Selon sa conception, ce mouvement n'a pas à être dirigé par des individus ou des personnalités mais sa représentation « doit être dirigée par des forces capables d'encadrer la majorité et de lui ouvrir des perspectives ». Elle pense notamment aux organisations syndicales représentatives des travailleurs et aux étudiants. « Le salut de la révolution consiste à empêcher sa déviation, et en la jonction des revendications politiques et celles socioéconomiques », a-t-elle expliqué, affirmant que « l'absence du rôle des syndicats et des partis politiques ouvre la voie à l'anarchie et à sauver le régime », en citant pour preuve ce qui s'est passé dans certains pays touchés par « le printemps arabe ». La patronne du PT a soutenu, en outre, que le débat idéologique ne peut être ajourné éternellement, relevant que l'évacuation de ce débat profite aux obscurantistes et au régime. Pour elle, évacuer le débat sur l'idéologie est « un piège mortel ». Et de considérer que le débat sur les questions sociales et économiques est également « décisif » pour la révolution car, a-t-elle expliqué, « le processus révolutionnaire est à la croisée des chemins ». Aux yeux de la conférencière, définir les objectifs du mouvement est une priorité, surtout que le mouvement n'a pas encore réalisé ses objectifs, dont le plus important est le départ du système. Cela étant, la patronne du PT a mis en garde contre des forces obscurantistes dont certains leaders sont installés à l'étranger, et qui veulent s'accaparer la révolution avec des slogans peu suivis par les manifestants, selon elle. « Ce courant s'est déployé depuis le début du processus révolutionnaire, mais il s'est renforcé ces derniers temps. Ils ont des moyens et ils veulent dévier le processus », a relevé Hanoune qui ne s'inquiète pas outre mesure de ce courant qui n'a pas d'influence sur les Algériens. « Les Algériens ne sont pas sortis pour un Etat religieux ni pour un Etat militaire. Ils réclament un Etat civil et démocratique », a-t-elle dit, jugeant, « impossible de transférer le centre de la révolution de l'Algérie vers l'étranger », étant donné que les acteurs directs de ce mouvement sont à l'intérieur du pays et y affrontent de multiples défis. Cela ne signifie pas que le soutien de la communauté algérienne à l'étranger n'est pas utile, bien au contraire. En tout cas, l'oratrice a affirmé qu'« aucune révolution n'a réalisé ses objectifs du jour au lendemain », précisant que « tout changement de régime ou de système passe par un processus transitoire ». Evoquant la décision du chef de l'Etat de dissoudre l'APN, Louisa Hanoune s'est interrogée pourquoi la deuxième Chambre du Parlement n'est pas concernée par cette décision, en se demandant également « si les lois scélérates adoptées par l'Assemblée dissoute seront annulées ». Concernant les élections législatives prévues dans les prochains mois, l'oratrice a indiqué que la question sera examinée lors d'une réunion du comité central du parti qui aura lieu au cours de ce mois de mars. K. A.