Disons-le une fois pour toutes : le p�trole n�est pas, pour l�Alg�rie, une mal�diction. En tout cas, nous le pensons profond�ment. De m�me, cette maladie propre aux pays qui ont une rente qui les emp�che d��tre investisseurs, producteurs et qui font de leurs �conomies des �conomies structurellement importatrices et qu'on appelle le syndrome hollandais, n�est pas une fatalit�. Ainsi, ceux qui ne cessent de nous rappeler que �vous �tes condamn�s � ne pas travailler suffisamment parce que vous avez du p�trole� ou bien �vous n�investissez pas dans la production car vous avez le p�trole qui vous permet de tout importer�, ces analystes sont imm�diatement contredits par cette m�me exp�rience alg�rienne des ann�es 70. Rappelons-nous : durant ces ann�es, l�Alg�rie �semait son p�trole� et l�essentiel des ressources tir�es des hydrocarbures allait � cet effort gigantesque de l�Etat ax� sur la construction d�une base industrielle solide, la pr�paration des conditions de mise en �uvre d�une politique d�intensification agricole, la promotion de la production nationale, la g�n�ralisation de l��ducation. Le p�trole n�a pas conduit l�Etat � tourner le dos � l�investissement, � la production ni � la construction d�une �conomie productrice de biens et de services. Bien au contraire. Il suffit de rappeler tout simplement que le secteur des hydrocarbures recevait la plus faible part de ses propres ressources et que le taux d�investissement �tait parmi les plus �lev�s du monde. De m�me, c�est au moment du premier �choc p�trolier�, comme disent les pays consommateurs, c�est-�-dire, pour nous, la premi�re hausse significative des prix du p�trole, que l�Etat alg�rien institue le monopole de l�Etat sur le commerce ext�rieur (1974), c�est-�-dire, en fait, le contr�le tr�s strict des importations pour favoriser la production des industries �naissantes�. On voit bien donc que le p�trole ne cr�e pas, par lui-m�me, quasi automatiquement le renoncement � l�effort productif, ce sont les politiques �conomiques qui sont mises en �uvre dans son sillage qui sont en cause. �L�Alg�rie sera ce que nous voudrons qu�elle soit. Le mal est en nous, le bien est en nous�, disait dans son style particulier Mohamed Boudiaf, un peu plus tard et � tr�s juste titre. Pourquoi l��lan d�veloppementiste des ann�es 70 a-t-il �t� interrompu ? A-t-il �t� cass�, devrions-nous dire ? Comment est-on tomb� dans le �pi�ge de la dette ext�rieure � d�s la fin des ann�es 70, p�riode pendant laquelle on s�endettait pour rembourser la dette, d�connectant ainsi la mobilisation des cr�dits ext�rieurs du programme d�investissements n�cessaires au pays. Pourquoi a-ton stopp� un peu plus tard les r�formes syst�miques qui �taient engag�es pour redynamiser l��conomie ? On ne peut raisonnablement pas expliquer toutes ces erreurs par le p�trole, par le syndrome hollandais ou par on ne sait quelle autre cause �naturelle�. L�Alg�rie reste, ici, toujours en attente d�un inventaire de l�exp�rience �conomique des ann�es 70 et 80. Notons pour l�instant qu�aujourd�hui, nous sommes financi�rement �� l�aise� mais que, dans le m�me temps, nous sommes dans un processus n�gatif, � la fois, de d�sindustrialisation, de hausse abyssale de la facture alimentaire, de d�pendance accrue en mati�re de m�dicaments et d��quipements m�dicaux, d�explosion de l��conomie informelle faite de bric et de broc. Face � cela, nous continuons � d�velopper des politiques conjoncturelles court-termistes alors que les contraintes que vit notre �conomie sont structurelles, syst�miques et exigent des mesures plus profondes. En agissant de la sorte, on conforte effectivement l�id�e selon laquelle le p�trole est un soporifique qui annihile toute volont� d�action. Eh bien, non ! Notre p�trole n�est pas en cause. Il est au contraire une b�n�diction, une chance extraordinaire qui nous est offerte pour b�tir une �conomie de production solide, moderne, performante. Mais il faut savoir y faire. Il faut vouloir y faire. Il faut d�cider une fois pour toutes que le p�trole est � l�Alg�rie et non pas l�Alg�rie au p�trole. Il faut sortir de la logique de l�ancien ministre de l�Energie et des Mines qui d�clarait : �Je suis l� pour maximiser les recettes de l�Etat�, entendez pour vendre le maximum de p�trole et de gaz, sans nous dire � quelles fins, pour quel projet �conomique national, ni ce qu�il va nous en co�ter de vendre nos hydrocarbures jusqu�� �puisement pour les remplacer par des r�serves de changes de plus en plus difficiles � g�rer dans un contexte risqu� de financiarisation outranci�re du capitalisme mondial. Le pr�sident Bouteflika avait d�clar� en �cho � ces affirmations du ministre que �notre g�n�ration a montr� son incapacit� � utiliser productivement les hydrocarbures. Alors laissons-en en sol pour les g�n�rations futures�. L�utilisation d�une partie des recettes � d�velopper nos infrastructures de base, � faire parvenir l��lectricit� et le gaz dans les coins les plus recul�s du pays, � revitaliser nos territoires ruraux d�truits par deux d�cennies de terrorisme est assur�ment un bon choix. Mais il est insuffisant. Tous ces investissements ne produisent pas de richesses m�me s�ils y pr�parent ces richesses qui doivent remplacer demain le p�trole. Oui, il faut le r�p�ter sans nous lasser : nous avons besoin de renoncer avec notre ambition industrielle en l�inscrivant, bien s�r, dans les nouvelles donn�es mondiales. Nous avons besoin aussi de construire une �conomie de services (11,5 milliards de dollars d�importation de services en 2009 !) Enfin, nous avons besoin d�engager le chantier de l��conomie fond�e sur la connaissance. Pourquoi donc tous ces d�fis connus bien �videmment par nos d�cideurs, restent- ils sans r�ponse ? Nous savons pourtant que ces d�fis ne font pas peur � la jeune �lite alg�rienne qui existe aujourd�hui en nombre et en qualit� et qui piaffe d�impatience d�engager la bataille. �La politique, c�est g�rer au pr�sent, sans g�rer pour le pr�sent.�