Quand il est question de la Kabylie, notamment lorsqu'il se passe quelque chose de pas ordinaire, d'aucuns ont tendance à regarder le mouvement à travers un prisme. Non pas pour réfracter la lumière et la réfléchir comme il se doit, mais plutôt pour la diffracter, en séparer les polarisations ou encore pour créer des interférences, pour mieux brouiller la vue, les pistes et les messages réels : spectre déformant. Il y a aussi un tropisme kabyle, dans le sens où il y a le mouvement d'un organisme qui s'oriente mécaniquement par rapport à un agent extérieur. Et il y a aussi les clichés qui ont la vie dure, autant que les présupposés et les paradigmes présumés immuables. Le polyèdre déformant consiste surtout à observer la Kabylie à travers les minorités les plus visibles et les plus bruyantes, notamment les minorités politiques et les minorités médiatiques qui font beaucoup de bruit et produisent beaucoup d'écume sur les réseaux sociaux. Celles qui créent l'effet d'optique et l'effet de loupe. Celles qui croient, dur comme fer, que l'indice de bruit médiatique (IBM), le taux de récurrence d'un bobard, d'une demi-vérité, d'une vraie-fausse information, d'un fake-news ou d'une opinion itérative, et enfin le buzz consécutif, finissent par produire une apparence de vérité et l'impact escompté. Et il y a également la culture de manipulation de laboratoires interlopes, dirigés à un moment donné et dans une conjoncture particulière, par des Docteurs Folamour qui ne sont en fait que des branquignoles et des pieds nickelés même pas sympathiques. Ces zigomars sont en réalité une triste version algérienne du Sapeur Camember, dont les sombres facéties furent à l'origine d'une entreprise de révisionnisme historique et d'une guerre antipatriotique contre la Kabylie et nos compatriotes qui en sont originaires. Cette action d'agit-prop, aussi médiocre que dangereuse, portait le nom indu et incongru de « novembariya-badissiya ». Dans le sens où les apprentis sorciers qui en sont les inventeurs, prétendaient incarner une génération numérique de pseudo-révolutionnaires se réclamant à la fois des sources du 1er Novembre et du courant réformiste des Oulémas. Sous-entendu pernicieux : la Kabylie serait antirévolutionnaire et terre d'impies et d'apostats ! Pis encore, la « novembariya-badissiya » a eu un prolongement réactionnaire sous forme de présentation de la Kabylie comme ayant été la terre d'élection et de prédilection du recrutement des Zouaves, ces ancêtres des harkis de la guerre d'indépendance ! Là encore, une attaque violente contre l'honneur patriotique de nos compatriotes de Kabylie, doublée d'une manipulation grossière de l'Histoire du corps colonial des Zouaves et de ses origines territoriales et sociologiques. L'Histoire est pourtant parfois plus sévère à l'endroit d'autres régions du pays où il y avait plus de vocations à devenir zouave un jour ! Aujourd'hui, et fort heureusement, les promoteurs de cette pâle photocopie de la sinistre Bleuite du capitaine Léger ont été neutralisés. Parmi eux des militaires de haut rang qui sont en prison pour un bon bout de temps. Effet boomerang de la « novembariya-badissiya » ! Si ces hurluberlus galonnés sont désormais hors d'état de nuire, leur forfait anti-algérien a produit cependant ses méfaits. Sur les réseaux sociaux, on enregistre en effet des expressions multiples et récurrentes d'une haine anti-kabyle et d'une haine de Kabyles à l'égard des non-Kabyles. Et on a même vu un hyper-activiste numérique, basé à Londres, proposer la « solution finale » pour la Kabylie, sous forme de gazage de la région, pourquoi pas pendant qu'on y est, à coups de napalm et autres bombes incendiaires ?! Brrr, rien que ça ! Ces comportements schismatiques, criminels par définition, favorisent le racisme de part et d'autre, sèment davantage les graines de la discorde et préparent le lit d'affrontements violents dans le futur, à Dieu ne plaise ! De ce point de vue, la sonnette d'alarme est tirée, et on ne le répétera jamais assez. Pourtant, la Kabylie est, depuis les temps immémoriaux et globalement, une terre de sagesse, de discernement et de lucidité. Il y a eu bien sûr, à travers le temps, des traîtres, des lâches et des pyromanes dans la région, à l'instar du reste du pays. C'est la loi de la nature humaine, et il faut bien, de part et d'autre, se garder de verser dans l'essentialisme porteur de tous les dangers de division du pays ! Et on a remarqué qu'il existe de tout temps en Kabylie une forte majorité qui renouvelle son choix d'une Algérie une, unie et solidaire, malgré l'émergence ces vingt dernières années d'un mouvement séparatiste persistant. A maintes occasions, la région envoie un message clair : la Kabylie et l'Algérie sont insécables, en dépit des forces tectoniques du séparatisme. Fait heureux, la grande majorité de nos compatriotes kabyles montre que la région est toujours ce bastion traditionnel du patriotisme et des luttes inlassables et cumulatives pour l'idéal démocratique. En fin de compte, la Kabylie n'est rien d'autre qu'un condensé politique, économique, social, culturel et insécuritaire de la crise algérienne qui est fort complexe. Elle démontre sans cesse, sauf pour ceux qui ne veulent pas bien regarder, qu'elle a toujours un sens élevé de la politique. Une politique citoyenne dans une région avant-gardiste en matière de combats démocratiques. C'est cette Kabylie-là, majoritaire et souvent silencieuse, qui rappelle aux autres parties de l'Algérie qu'elle demeure un creuset du patriotisme et la pierre angulaire de l'unité nationale. Et cette Kabylie-là nous rappelle aussi ce que l'Algérie tout entière doit à ses innombrables sacrifices et à son formidable martyrologe, qui sont fièrement les nôtres. Nous sommes tous, aux quatre points cardinaux de notre patrie commune et dans la diaspora, assez redevables à ses luttes accumulées en faveur de l'indépendance nationale, de l'identité algérienne, des droits de l'Homme, de l'idéal démocratique, de la lutte syndicale, de la pérennité de l'islam fédérateur et de l'émancipation culturelle du pays. De tout temps, et notamment de 1830 à nos jours. N. K.