On pourrait toujours penser qu'il suffirait d'ignorer un problème pour qu'il disparaisse. Ou encore de le minorer. C'est ce que l'on fait habituellement lorsqu'on cache ou casse un thermomètre pour ignorer la fièvre. Avec le MAK, le Mouvement autonomiste de la Kabylie, c'est ce que beaucoup ont fait jusqu'ici en Algérie. C'est évident, ignorer le problème n'est pas une solution car le MAK est désormais un tracas réel. On pourrait toujours brandir l'argument de sa réelle représentativité que d'ailleurs personne n'est en mesure d'évaluer sérieusement. Et se persuader par conséquent de son peu de nocivité. Une telle attitude n'est plus tenable et vaut dorénavant fuite en avant et irresponsabilité. Oui, le MAK de Ferhat Mhenni mobilise en Kabylie et dans la diaspora algérienne, peu, moyennement ou beaucoup, qu'importe. Ce qui est important à retenir c'est qu'il tienne un discours négatif et dangereux qui mobilise. Dangereux car il prône la séparation de la Kabylie du corps national. Dangereux car il trouve des relais médiatiques et des soutiens politiques et financiers à l'étranger, notamment au Maroc, en Israël et en France. Dangereux parce qu'il menace l'unité nationale et l'intégrité territoriale de notre pays. Heureusement, cette menace semble avoir être prise au sérieux, du moins par nos militaires qui payent encore le prix fort pour que justement l'Algérie reste une et indivisible. Dangereux au point d'émouvoir l'éditorialiste de la revue de l'ANP El Djeïch qui donne en tout cas l'impression d'avoir saisi le péril. Dieu que c'est salutaire de voir un compatriote en uniforme dire à l'adresse des séparatistes qu'il y a «des lignes rouges comme le sang des chouhada, qu'il est interdit de franchir». En effet, quels que soient les problèmes politiques, économiques, culturels et identitaires, on ne joue pas avec l'unité du pays et on ne badine pas avec le sang des martyrs. Ce sang sacré a irrigué tout le pays, région par région, arpent par arpent. Ce sang n'est pas kabyle, chaoui, mozabite, naïli, oranais ou chaambi, entre autres. Il a une couleur unique, il est Algérien tout simplement. L'éditorialiste d'El Djeich a donc mille fois raison de souligner que l'Algérie est «une» d'Oum Ettboul à Zoudj Bghel et d'Alger à In Guezzem. Les Algériens, toutes régions, toute extraction, toute condition sociale et tout particularisme linguistique confondus, vivent dans un pays qui a versé le lourd tribut du sang pour qu'il soit dans la configuration géographique que nous lui connaissons de nos jours. Son humus est ainsi fait de globules blancs et de globules rouges de tant et tant de martyrs. Il a d'autant plus raison l'éditorialiste de l'ANP que Ferhat Mhenni et son principal soutien idéologique en France, Bernard Henri Levy, assimilent depuis un certain temps le MAK, au PKK, la Kabylie au Kurdistan et nos compatriotes kabyles aux Kurdes ! Et on a même vu Ferhat Mhenni dire, par écrit, qu'une Kabylie indépendante, c'est demain, «un nouveau Kurdistan qui serait le meilleur allié des Etats-Unis et de l'Otan contre la menace terroriste de Daech». Propos outranciers pourrait-on souligner. Et l'on pourrait même dire, sur la base de ces mêmes mots, «laissons pisser le mérinos» Ferhat car tout ce qui est excessif est insignifiant. Bien évidemment. Mais ne perdons quand même pas de vue que le discours du MAK a évolué pour passer de la régionalisation à l'autonomie avant d'évoquer une séparation de la Kabylie du corps national. A l'instar de l'éditorialiste patriotique d'El Djeich, il faudrait d'autant mieux prendre au sérieux ce discours antinational que le Ferhat investi dans la lutte citoyenne pour la culture et la démocratie est «mort». Le Mhenni indépendantiste irréductible n'a plus rien à voir avec le patriote unioniste de naguère. Un ex-nationaliste, fils de moudjahid qui a tant œuvré pour les droits de l'Homme, la culture amazighe et la démocratie. Trois corpuscules nécessairement insécables dans notre chère patrie. On connait désormais le séparatiste devenu ami de l'Etat sioniste d'Israël et du Makhzen marocain. Et on n'ignore presque rien du nostalgique assumé de la colonisation française de l'Algérie. Comment enfin ne pas s'alarmer lorsque Ferhat Mhenni tient un discours séparatiste qui fait des ravages au sein d'une frange de la jeunesse en Kabylie et au sein de l'immigration en Europe. Discours dans lequel nos compatriotes de cette terre de lumières culturelles et de miracles révolutionnaires y seraient à présent les «nouveaux Juifs», à savoir les victimes présumées d'un nouvel Exodus à l'algérienne ! A ce niveau, ce n'est plus du délirium tremens linguistique, mais un poison politique patiemment distillé ! Et encore une fois, l'éditorialiste d'El Djeich a eu le mérite d'en avoir pris conscience pour mieux éveiller les consciences assoupies. N. K.