Lorsqu'en novembre 2002, la JS Kabylie disposait du Tonnerre de Yaoundé, en finale de la Coupe de la CAF, quelques éléments de l'effectif actuel du club kabyle avaient à peine quelques mois d'âge. Ce 24 novembre 2002 au stade Ahmadou-Ahidjo, les Kabyles de Jean-Yves Chay ont perdu la manche retour (1-0) mais pas le trophée, le troisième consécutif en Coupe de la Confédération, eux qui avaient fait le plus dur en écrasant les Camerounais 4-0 au stade du 5-Juillet deux semaines plus tôt. Hadid, Hamdad, Becker, Haddouche, Boualia, Kerroum, Aït Abdeslam, Tizi-Bouali, Nechat, Mebarki, El-Orfi, Daibeche et Nezla sont en plein rêve. La vingtaine à peine franchie, ils n'ont aucun souvenir de cet exploit de la JSK au tout début des années 2000 avec une génération de footballeurs qui martyrisait le continent africain trois saisons durant. Berguiga, Gaouaoui, Bendahmane, Drioueche, Raho, Zafour, Boubrit, Djouder et autre Amaouche étaient les artisans d'un authentique exploit jamais réalisé par une équipe algérienne. Avec trois trophées consécutifs, le club dirigé par feu Moh-Chérif Hannachi, qui peinait à s'imposer localement, ne faisait qu'une bouchée de ses adversaires africains. Depuis, la JSK a sombré dans les crises et a quelque peu perdu de sa superbe en n'engrangeant que peu de titres nationaux et en passant à côté lorsqu'elle avait rendez-vous avec les épreuves de la CAF. C'est d'ailleurs ce pressentiment qui prédominait lorsque l'équipe terminait le championnat de la saison dernière en quatrième posture qui lui donnait l'opportunité de disputer cette 18e édition de la C2. A savoir un espoir mitigé de passer jusqu'au tour des poules, comme objectif maximal de tous ceux qui tiennent la manette du club du Djurdjura. En Algérie, tout le monde voyait l'ES Sétif, second représentant algérien dans cette compétition, parvenir à des tours plus avancés, et ce, au vu des rapports de force. Les Sétifiens ont rendu ces deux dernières saisons des copies bien meilleures que les Canaris qui ont brillé sous Franck Dumas avant de replonger dans la crise des résultats avec Zelfani et tous ceux qui lui ont succédé. L'étincelle Lavagne ! En championnat, au début de cet exercice, l'équipe kabyle tournait au ralenti et se faisait même humilier à Tizi-Ouzou. Le CABBA est passé prendre le point du nul au stade du 1er-Novembre avant que le Chabab de Belouizdad n'inflige une de ses corrections à un ensemble de la JSK pathétique. Qui se réveille en remportant deux rencontres (à domicile contre l'ASAM et à Chlef) mais qui rechute à domicile (contre l'USMA et CSC). Zelfani, sans licence d'entraîneur, est débarqué et Bouzidi prend le relais pour un tour. L'équipe qui réussit des résultats positifs n'est pourtant pas au mieux. Finalement, contre toute attente, la direction critiquée de toute part reprend ses esprits et se décide. Un coup de poker que l'acte de recruter un Denis Lavagne que le CS Constantine a chassé quelques mois plus tôt pour cause de «mauvais résultats». La JSK «ne pouvait sortir de l'auberge», prédisaient les ennemis de Chérif Mellal. Puis, vlan ! Un parcours africain bonifié par une solidité extra-muros et une nette amélioration des résultats et du contenu du jeu des camarades de Bencherifa. Un petit miracle dans un environnement des plus hostiles. Des zones de turbulences qui ne pouvaient sécréter que des passages à vide, une crise de confiance et de résultats. Les jeunes joueurs qui forment l'équipe première seront sourds à tout ce tintamarre et, malgré quelques salaires et primes impayés, garderont le sourire et maintiendront la cadence. La belle série permet aux Canaris de reprendre leur envol en Ligue 1 et surtout, de conserver leur invincibilité sur la scène continentale. Les Napsa Stars, Coton Sport, le RS Berkane, le CS Sfaxien puis à nouveau Coton Sport ne seront pas ces obstacles insurmontables pour Boulahia et consorts, décidés à apporter la cinglante réponse à tous ceux qui pensaient qu'ils n'étaient pas dignes de porter le maillot de la JSK. Le groupe comme vedette Désormais proches d'une consécration africaine, en attendant un trophée domestique quand l'équipe retrouvera le NC Magra en finale de la Coupe de la LFP, les Kabyles surfent sur une dynamique qu'ils espèrent le plus longtemps positive. En comptant principalement sur un groupe pratiquement sans vedettes, celles qui pensaient l'être ayant compris que le collectif prime. L'attaquant Rezki Hamroune, à titre d'exemple, à qui les différents coachs avaient confié les grandes manœuvres, s'est vite rendu compte que même sans lui l'équipe gagne. Exclu lors de la rencontre de pure formalité contre les Napsa Stars pour un geste d'humeur, Hamroune n'est plus ce titulaire indiscutable de cette JSK concoctée par Lavagne. Et ce n'est nullement pas son niveau qui est la cause de cette nouvelle situation ! Le natif de Kouba a perdu son rang en raison de l'émergence des Boualia, Nechat, Nezla et autre Chikhi qui ont bien compris ce que leur demande Lavagne. Un entraîneur qui «agite» ses stratégies de jeu, selon la forme du jour de ses éléments, l'adversaire et l'objectif recherché. Et qui devra désormais adapter son schéma suivant le calendrier démentiel qui attend ses troupes à partir de ce jeudi. La notoriété d'un géant d'Afrique est aussi à ce prix. M. B. Déclarations-express Denis Lavagne, entraîneur de la JSK : «ce n'est pas le moment de tout gâcher» «On a vu une première mi-temps relevée et agréable parce que le Coton Sport voulait remonter son retard rapidement. C'est pourquoi ils ont mis du rythme. C'était une première mi-temps où il y a avait beaucoup d'attaques, de part et d'autre. On a rapidement ouvert la marque en profitant des espaces laissés par l'adversaire qui montait souvent et qui n'a pas fermé le jeu. La seconde période a été plus difficile car mes joueurs se sont dit qu'ils étaient qualifiés. Cette déconcentration a failli nous coûter cher même si nous avions accompli l'essentiel. Maintenant, il reste le dernier match durant lequel tout va se jouer. On va bien le préparer, le jouer et essayer de la remporter parce que ce serait dommage d'avoir fait tout ce parcours pour perdre au dernier moment. Je sais que ce ne sera pas facile. Le Raja sera la meilleure équipe que l'on rencontrera dans cette compétition, donc ce sera un vrai test pour nous. C'est une équipe du niveau Champions League, et je pense qu'il y a une différence entre les épreuves de la CAF. On va se frotter à un gros morceau, mais sur un match tout est possible. On est capables de réaliser l'exploit.» Karim Kaced, entraîneur adjoint de la JSK : «il fallait bien prendre les choses au sérieux» «On avait fait le plus gros au match aller, mais il restait quand même cette deuxième manche, qu'on devait également bien négocier, pour sceller définitivement notre qualification. Dieu merci, tout s'est finalement bien passé pour nous. Je pense qu'on a bien fait de prendre les choses au sérieux et de préparer convenablement cette rencontre. C'est d'ailleurs ce qui nous a permis de marquer trois buts en première mi-temps, avant de gérer tranquillement la suite des débats. A présent, nous sommes en finale, et ce sera une tout autre paire de manches, mais comme nous l'avons si bien fait jusqu'ici, nous allons continuer à travailler, avec l'espoir qu'il y aura un résultat probant à la clé.» Aziz Benabdi, milieu de terrain de la JSK : «une œuvre d'ensemble» «La JSK, ce n'est pas uniquement un groupe de joueurs et un entraîneur. C'est aussi des dirigeants, des médecins, des soigneurs, des supporters et bien d'autres personnes encore, qui ont tous apporté une pierre à l'édifice. Cette qualification est donc leur œuvre et ils méritent donc qu'on leur rende hommage. Pour revenir au match, je dirai qu'on a pris les choses au sérieux et qu'on a convenablement préparé cette rencontre. C'est d'ailleurs ce qui nous a permis de marquer trois buts en première mi-temps, avant de gérer tranquillement la suite des débats. A présent, il nous reste la finale que nous allons essayer de gagner.» Chérif Mellal, président de la JSK : «merci à tous» «Beaucoup s'étaient attendu à un match facile après notre victoire en déplacement, lors du match aller, mais ce ne fut finalement pas le cas. L'adversaire s'était présenté à Alger avec la ferme intention de renverser la situation et nous avons donc bien fait de ne pas le prendre à la légère et de préparer ce match avec sérieux. Je tiens à remercier particulièrement les joueurs pour leur bon rendement, particulièrement en première mi-temps, pendant laquelle ils avaient réussi à marquer trois buts, et c'est cela qui a tempéré l'ardeur du Coton Sport. A présent, nous allons savourer cette belle qualification, en pensant à la finale, que nous espérons remporter.» Nuit de fête à Bouira Encore une fois, la JSK a été à l'origine d'une nuit inoubliable, en mettant du baume au cœur de milliers d'Algériens, après son éclatante victoire et sa brillante qualification à la finale de la Coupe de la Confédération africaine de football. En effet, avant-hier et comme partout ailleurs à travers la Kabylie mais également dans plusieurs wilayas du pays, et juste après le coup de sifflet final de l'arbitre tunisien aux environs de 22 heures, des milliers de fans du club phare du Djurdjura, mais également des familles entières, ont envahi les rues et boulevards de la ville de Bouira, avec des youyous et des klaxons, en chantant et en scandant des slogans à la gloire de la Kabylie et de l'Algérie. Au niveau du chef-lieu de la wilaya, le gros du défilé a convergé vers le carrefour de la Cité Ouest où, pendant plus de deux heures, les jeunes ont longuement chanté et dansé, en scandant parfois un slogan tiré du Hirak mais transformé pour la circonstance : « Ecchaâb yourid al ka's » (Le peuple veut la Coupe). Le tout sur fond de chansons diffusées à grands décibels depuis des voitures ; et un ciel illuminé par des fumigènes. Presque dans toutes les communes de la wilaya, les mêmes scènes d'allégresse ont été vécues pendant cette nuit, alors que dans la ville de Haïzer, les jeunes ont même organisé un gala avec des chanteurs du cru, en bravant l'interdit induit par la situation sanitaire due à l'épidémie de Covid-19 qui continue à se propager malgré les appels incessants des professionnels de la santé à la vigilance. D'ailleurs, les autorités de la wilaya, qui ont été sollicitées depuis plusieurs jours pour des projections à travers des écrans géants dans les places publiques comme en 2019 à l'occasion de la Coupe d'Afrique des Nations, ont répondu par un non catégorique en se basant justement sur la situation sanitaire qui reste toujours fragile. Or, malgré toutes ces restrictions et malgré les interdits, des jeunes ont pu installer, avec les moyens du bord, des télévisons grand écran dans les places publiques, comme à Haïzer où un gala non-stop a même été organisé avec des chanteurs du cru jusqu'à une heure tardive de la nuit. Tout le monde se donne rendez-vous pour la finale du 10 juillet prochain à Cotonou, au Bénin. Tout le monde se prépare pour la grande fête ! Les camarades de Bencherifa sont désormais assurés du soutien de tout un peuple, de tout un pays ! Bonne chance, les gars. Allez pour une huitième étoile ! Y. Y.