C'était le titre de mon ultime album dessiné et maquetté par Dilem. Sur la jaquette, je mettais en image et en scène un certain nombre de voyous qui ont pillé mon pays, notre pays. Après ma mort, il semblerait que beaucoup d'évènements sont advenus sur ma terre-2001. On a assassiné à la suite de Massinissa, un enfant de ma commune, Ath Douala, plus d'une centaine de jeunes Kabyles. De résistants. J'ai senti le coup sous la terre qui me recouvre... Je ne vous ai pas quittés, j'ai continué à vous écouter du haut de la colline où vous m'avez enterré. Ce domicile devenu un lieu de pèlerinage, Taourirt-Moussa, mon village, là où je suis né. Là où je suis revenu après des centaines de voyages, des milliers de rencontres. On m'a assassiné le 25 juin 1998 à 13h45 sur la route de mon village, à Thala-Bouinane. Sans témoins, semble-t-il. Je ne sais pas qui l'a fait. Ma voiture et moi, ma femme, mes belles-sœurs, avons reçu 78 balles. Je me suis défendu. C'était vain. Je suis tombé dans un guet-apens sérieux. J'ai été liquidé par des barbares - ces hordes nouvelles qui se ressemblent et qui ont les mêmes méthodes. Qui ont les mêmes objectifs : éliminer tous les gens qui pensent ... La semaine passée, cela faisait 23 ans qu'on m'a occis. Qu'on a essayé d'effacer mon corps et mon nom. Il semblerait que cette entreprise n'a pas abouti puisque tous les Kabyles, tous les Algériens, même ceux nés après ma mort se souviennent de mon nom. Je n'ai jamais prétendu être un patriote. J'ai toujours voulu être un ami. Un frère. C'est pour cela que j'ai passé une bonne partie de ma vie à Barbès. Rue Doudauville chez Fahem, au «Paris refuge» et chez Ali, rue Léon. Il a fallu qu'une bande d'amis dont faisait partie Arezki Metref vienne me chercher et me convaincre de changer de mode de vie. C'est à cette époque que j'ai rencontré les bons. Les meilleurs : Dilem, Meziane Kadache, Mustapha Hammouche. C'était le vingtième, le quartier de Piaf. Un ami journaliste m'y a amené. Nous ne nous sommes jamais quittés. Trois jours avant ma mort, j'ai demandé à Dilem et à Kadache (Bezbez) si j'avais le droit de descendre à Alger, chercher ma femme, Nadia. Ils étaient d'accord sous la seule condition que je la leur présente. J'ai répondu aux prédateurs ! Je la présenterai à toute l'humanité, sauf à vous. Un de mes meilleurs amis, c'était Rachid Metref, rien à voir, au niveau familial, avec Arezki, le célèbre journaliste. La Mercedes qui m'a servi de cercueil était, rue des Maronites à Ménilmontant, mon studio. C'est là où mes amis, les plus proches, ont écouté ma version de Kassaman. J'ai dédicacé, un jour, une photo à Bezbez, comédien, aujourd'hui éducateur spécialisé en France. J'ai écrit : «Ines imlayoun Taous... À l'éternel amoureux, Meziane, tu es né foutu.» Je n'ai jamais eu la langue dans ma poche ! Il m'a répondu, quelques jours avant ma disparition : «Emouthegh fellas, ay cheth fellas.» M. O.