Avec 831 nouvelles contaminations et 13 décès enregistrés hier, du fait du Covid-19, le constat est partagé tant par les pouvoirs publics que les professionnels de la santé : la situation sanitaire prend des proportions inquiétantes. Là où ils ne sont plus d'accord, c'est sur la riposte qu'il faut adopter. Si pour le ministre de la Santé, le retour à un confinement strict n'est pas envisageable, son avis est loin de faire l'unanimité. Le confinement mais également un véritable respect des gestes barrières sont la seule arme efficace, assurent le Pr Rachid Belhadj et le Dr Mohamed Yousfi. Nawal Imès - Alger (Le Soir) - Les bilans quotidiens des cas de contamination confirmés par tests ne sont que la face cachée de l'iceberg. C'est au niveau des structures de santé que l'impact de l'épidémie peut être mesuré. Et depuis quelques jours, « c'est la catastrophe », assure le Pr Rachid Belhadj, directeur des activités médicales et paramédicales au niveau du CHU Mustapha. « Dramatique » pour le Dr Mohamed Yousfi, chef de service des maladies infectieuses à l'Etablissement public hospitalier de Boufarik. Les propos du ministre de la Santé sont plus nuancés, évoquant, avec inquiétude, la situation épidémiologique. Comment y faire face ? Jeudi, le Pr Abderrahmane Benbouzid a écarté la possibilité d'un retour strict au confinement, lui préférant plutôt une intensification de la campagne de vaccination et un respect des gestes barrières. Deux hommes de terrain ne partagent pas son avis. Catégorique, le Pr Rachid Belhadj assure que « si, d'ici mardi, les chiffres continuent de grimper, on recourra au confinement ». De son côté, le Dr Yousfi en appelle à une intervention urgente des pouvoirs publics pour faire respecter les gestes barrières, en particulier le port du masque. La situation est en train de devenir ingérable dans de nombreuses structures de santé. C'est le cas à Alger puisque au CHU Mustapha, assure le directeur des activités médicales et paramédicales, « on risque d'arriver à la saturation des 300 lits récemment dégagés d'ici lundi ou mardi. Aujourd'hui, on aura atteint les 200. Les choses évoluent rapidement : même les jeunes ne sont pas épargnés, heureusement qu'il ne s'agit, pour beaucoup d'entre eux, que de formes modérées ». La situation n'est pas meilleure à Boufarik où, explique le Dr Yousfi, « on est en train d'être noyés et dépassés : on ouvre tous les jours des lits qui se remplissent aussitôt. On vient d'en ouvrir au niveau de la polyclinique et, là aussi, ça se remplit. Les décès, c'est tous les jours qu'on en enregistre. C'est une situation que nous n'avons pas vécue depuis six mois. On ne peut hospitaliser actuellement que les malades qui saturent et qui ont besoin d'oxygène, les formes modérées, on ne peut plus les prendre en charge à l'hôpital, ils sont soignés à domicile ». Que faire face à cette situation ? Pas de doute pour le Pr Belhadj : « Si on continue comme cela, on va recourir au confinement : c'est le seul moyen .» Pourquoi ? « Le confinement permet non seulement la réduction du flux des malades, notamment « les faux malades » ou les formes les plus modérées et, d'un autre côté, il permet de réduire les contaminations. Pour nous, la seule façon d'y faire face, c'est le confinement. C'est impossible de continuer à gérer dans un contexte de burn-out professionnel et de flux massif des patients ». Il ajoute qu'« on a maintenant l'expérience : lorsqu'on a appliqué le confinement, on avait pu travailler plus sereinement parce qu'il réduit la contamination et laisse les intervenants mieux gérer l'arrivée des malades ». Sans ce confinement, estime-t-il, la situation risque de se compliquer plus, notamment avec l'épuisement du personnel de santé qui est également contaminé, ce qui, affirme-t-il, induit des arrêts de travail. « Deux infirmiers seuls ne peuvent pas gérer dix malades en réanimation, malheureusement, cela augmente le nombre de décès », affirme le Pr Belhadj qui conclut qu'« on ne peut pas rester dans l'expectative et cumuler tous les risques. Il faut sortir du cercle vicieux sanitaire et organisationnel. On sait à quel point le confinement peut être difficile avec les répercussions sociales, économiques et psychologiques mais il faut regarder ce qui se passe dans les pays voisins même si notre système de santé est plus généreux, il faut éviter son effondrement». Le Dr Yousfi, également président de la Société algérienne d'infectiologie, ne cache pas sa colère affirmant que « c'est dramatique puisque, d'un autre côté, rien n'est fait et on est réduit à faire face avec des équipes laminées et épuisées. Tout l'hôpital est Covid en dehors de la maternité : tout cela dans un contexte d'insouciance de la population, et pire encore, d'absence de réaction des pouvoirs publics ». Que faut-il faire ? « Avant d'évoquer le confinement, une question se pose : où en est-on dans le respect des mesures barrières, en particulier le port du masque ? Il y a une absence totale des pouvoirs publics : pas de protocole sanitaire dans les transports, ni dans les commerces et même sur certains lieux de travail, alors qu'en termes de vaccination, on est très loin des 10% annoncés jeudi par l'INSP ». Il déplore qu'on « n'attende pas que les bilans exposent pour faire appliquer ces mesures. Où est l'Etat pour protéger d'un côté la population mais également les professionnels de la santé ? » Autant d'interrogations auxquelles les pouvoirs publics n'auront pas d'autres choix que de répondre au regard de la situation sanitaire. N. I.