Depuis le début de la pandémie, les bilans quotidiens fournis par le ministère de la Santé ne reflètent pas l'ampleur réelle de la situation épidémiologique. Ces statistiques ne prennent en effet compte que du nombre de contaminations confirmées par PCR et exclut tous les cas confirmés par tests antigéniques ou ceux présentant des symptômes sans jamais se faire tester. Le président du Syndicat national des laboratoires d'analyses privés affirme qu'au quotidien, un laboratoire de taille moyenne effectue pas moins de 50 tests antigéniques en ce moment. Sur ce total, au moins 35 sont positifs. Cela donne une idée sur le décalage entre les chiffres réels et ceux annoncés. Nawal Imès - Alger (Le Soir) - Au tout début de la pandémie, le ministère de la Santé, voulant mettre un terme à la bataille des chiffres, annonçait qu'il avait choisi de ne comptabiliser dans ses bilans que les cas de contamination confirmés par PCR. D'ailleurs, dans ces communiqués, c'est cette appellation qui est retenue, à savoir « bilan des contaminations confirmées par PCR » et non pas bilan des contaminations tout court. Pourquoi ce choix ? Au tout début de l'épidémie, l'OMS avait en effet opté pour ce mode de comptage, estimant que les tests PCR étaient les plus fiables. Résultats ? Ce mode de calcul exclut toutes les personnes dont la contamination est confirmée par test antigénique, les personnes présentant des symptômes sans avoir subi de tests mais également toutes les morts dites «suspectes» et que les médecins mettent sur le compte d'une contamination au Covid-19. Cela explique le grand écart entre les chiffres réels et ceux donnés par les personnes sur le terrain. Pas plus tard que dimanche, le Pr Belhadj, directeur des activités médicales et paramédicales du CHU Mustapha, affirmait qu'au niveau de ce CHU seulement, 18 personnes avaient trouvé la mort en une seule nuit et que les décès au plan national atteignaient facilement les 100 victimes. Interrogé au sujet du mode de comptabilisation des cas, le Dr Mizi Oualaoua Yacine, président du Syndicat national des laboratoires d'analyses privés, explique qu'«il n'y a que les tests PCR qui sont comptabilisés mais il faut savoir qu'en ce moment, nous faisons très peu de tests PCR pour énormément de tests antigéniques. Ces derniers ne sont pas comptabilisés. Il n'y a aucun mécanisme de déclaration pour ces tests-là alors que pour les PCR lors de la validation par l'Institut Pasteur, il y a une inscription sur la plateforme mise en place. Tous les tests PCR y sont consignés» et d'ajouter que «les autorités publiques n'ont pas instauré de système ou un outil pour pouvoir déclarer les tests antigéniques similaire au système de déclaration de la PCR. Ces derniers sont enregistrés au fur et à mesure sur la plateforme partagée». Ce qui, dit-il, explique le décalage entre les chiffres officiels et la réalité puisque «un laboratoire lambda fait au minimum 50 tests antigéniques par jour et sur ce total, au moins 35 sont positifs. Si on extrapolait, il y a à peu près 1 000 laboratoires, cela donne une idée du nombre de contaminations. Les laboratoires sont submergés : cela fait quinze jours que c'est du non-stop avec une foule angoissée et un personnel contaminé». Le professeur Belhadj, médecin légiste et directeur des activités médicales et paramédicales au niveau du CHU Mustapha, s'est déjà exprimé au sujet de ce décalage expliquant que « le ministère de la Santé ne prend en considération que les décès avec PCR positive. Il y a des gens qui arrivent décédés, les médecins, suite à un interrogatoire, dressent un tableau de détresse respiratoire et concluent à une suspicion de Covid-19. L'APC les comptabilise Covid-19 mais pas le ministère de la Santé» ajoutant que «lorsqu'ils sont transmis au ministère de la Santé, ils vérifient si la personne a bénéficié d'une PCR de l'Institut Pasteur. Si un certificat de décès n'est pas accompagné d'une PCR, il n'est pas pris en compte dans le bilan, ce qui explique cette différence importante et significative». Cette situation explique le grand écart entre ce qui se passe au niveau des structures de santé et les chiffres avancés par le Comité scientifique. Ce qui fera dire à Rachid Belhadj que «les vraies statistiques ne se trouvent pas dans les hôpitaux mais au service de l'état civil, qui délivre le permis d'inhumer». N. I.