La grande tension sur l'oxygène médical ne faiblit pas. Les initiatives prises jusque-là n'ont pas encore eu d'impact sur les structures de santé qui continuent de souffrir du manque d'oxygène médical et d'enregistrer de nombreux décès. La solution serait, selon le ministre de la Santé, d'installer des générateurs au niveau des établissements hospitaliers pour les rendre autonomes. Sur le terrain, le personnel de la santé peine à faire face à des situations dramatiques. Hier, le Pr Benbouzid affirmait détenir quelques indicateurs pouvant prédire un recul du nombre de contaminations. Nawal Imès - Alger (Le Soir) - Après la gestion centralisée de la crise de l'oxygène, les pouvoirs publics expérimentent la délocalisation en déléguant plus de prérogatives aux walis. Objectif : trouver au plus vite des solutions à la grande tension sur l'oxygène médical qui est à l'origine de l'augmentation du nombre de décès. À cela s'ajoutent les nombreuses initiatives de la société civile qui s'organise pour tenter de mettre fin à la grande tension sur l'oxygène. Sur le terrain, l'amélioration espérée n'est pas encore ressentie. C'est le cas au niveau de l'établissement hospitalier de Boufarik mais également au niveau du CHU Mustapha. Le Dr Mohamed Yousfi, chef de service des maladies infectieuses à l'EPH de Boufarik, décrit une situation « catastrophique » expliquant que « dimanche, on a reçu les bouteilles d'oxygène au dernier moment. La cuve était à ce moment-là à zéro». Le service, ajoute-t-il, affiche complet expliquant qu'«on a même dû hospitaliser au niveau des urgences où d'habitude on ne le fait pas. Les places se libèrent difficilement, très souvent suite à des décès ou rarement lorsque des malades évoluent bien, ce qui est rare parce qu'en ce moment, les malades qui sont hospitalisés présentent des formes graves, sont dépendants de l'oxygène, demandent de fortes doses et mettent plus de temps à se remettre, souvent plus de quinze jours». Le Dr Yousfi balaye du revers de la main les reproches faits en matière d'usage de l'oxygène affirmant qu'«en tant que spécialiste, les recommandations internationales sont claires, idem pour la conduite à tenir : les malades présentent des formes virulentes, très souvent, ils arrivent au niveau des hôpitaux dans la phase inflammatoire, ce n'est pas le cas des premières et deuxième vagues. Ils ont besoin d'oxygène et en grande quantité». Interrogé au sujet du recours aux concentrateurs, il répond que «les concentrateurs ne sont pas une solution : cela se donne en ambulatoire lorsque le malade est stabilisé et peut sortir à la maison et a besoin de petites quantités d'oxygène. Au niveau de l'hôpital, on a besoin de grandes quantités et d'avoir nos cuves pleines pour pouvoir faire notre travail. Nous n'avons pas à rester là à avoir peur que la cuve se vide sans compter que lorsque la pression diminue, le malade est en danger». Au CHU Mustapha, le Pr Rachid Belhadj décrit des situations « inhumaines» avec une augmentation inquiétante du nombre de décès. Avec 318 malades hospitalisés et tous dépendant de l'oxygène, le directeur des activités médicales et paramédicales affirme que le problème de l'approvisionnement reste intact. « Les citernes fonctionnent bien mais sont souvent vides ou atteignent des seuils intolérables. Nous sommes toujours approvisionnés à la dernière minute, ce n'est pas humain. Nous sommes dépendants du camion d'oxygène.» Au sujet des solutions qui sont apportées, le Pr Belhadj affirme que « les extracteurs à 10 litres n'ont pas beaucoup d'intérêt. Il ne suffit pas juste de déposer une valise à l'hôpital, ce sont des choses qui auraient dû être prévues bien avant mais, malheureusement, il y avait un discours rassurant, on avait pourtant dit on est à la troisième vague». L'optimisme de Benbouzid Une réalité du terrain à laquelle le ministre de la Santé oppose un certain optimisme. Hier, il affirmait que les indicateurs dont il disposait, notamment ceux émanant de l'Institut Pasteur, plaidaient pour une diminution du nombre de cas. Le Pr Abderrahmane Benbouzid, reconnaissant que le variant Delta avait « surpris » les pouvoirs publics même si, dit-il, la troisième vague était attendue. Abordant la crise de l'oxygène, le ministre de la Santé fait état d'une «petite amélioration», affirmant que «le problème, ce n'est pas l'oxygène mais la grande demande : même des personnes dont l'état est trop grave et dont le corps a été ravagé par la maladie réclament de l'oxygène », avant d'ajouter que « l'oxygène n'est pas la seule solution ». Quelle alternative au manque d'oxygène au niveau des structures de santé ? Réponse du ministre de la Santé : « La solution, c'est des générateurs pour que les structures soient autonomes. On doit rendre autonomes les hôpitaux dans les plus brefs délais. On est en train d'acquérir des dizaines de générateurs qui seront installés en fonction des besoins des structures .» Les premiers malades admis dans les hôtels médicalisés Les structures hospitalières dégagées pour recevoir les malades contaminés au Covid-19 ont commencé à recevoir les premiers malades. Au niveau de l'hôtel Mazafran, une trentaine de patients ont déjà été admis. L'hôtel reçoit les malades orientés depuis les CHU de Zeralda, Azur-Plage ou Beni Messous. Le coordinateur placé à la tête de l'équipe médicale dégagée au niveau de l'hôtel assure que les premiers patients sont arrivés lundi soir, précisant qu'aucune admission ne se faisait directement au niveau de la structure hôtelière. C'est au niveau des CHU que le tri s'effectue puisqu'il n'est pas question de recevoir des malades qui déssaturent mais des malades pouvant être traités avec l'aide de concentrateurs d'oxygène. Ils ont placés par deux dans des chambres avec un personnel médical hébergé sur place également. N. I.