« J'ai l'impression de revenir plus de soixante ans en arrière, lorsque des avions de l'OTAN nous bombardaient au napalm. J'ai mal au cœur, je ne pense pas que je survivrai à ce que je vois depuis quatre jours maintenant .... » Le propos est d'un vieux de la vieille, plus de quatre-vingts ans, consterné par l'horrible spectacle dont il a été témoin à un jet de pierre de Béni-Douala, jeudi. La douleur ne s'était pas estompée, au moins atténuée, que de nombreuses populations de villages parmi ceux ayant enduré les affres de la première série d'incendies depuis lundi ont malheureusement été contraintes de renouer, durant la journée et une bonne partie de la soirée de jeudi, avec les images atroces des flammes dévorant tout sur leur passage pour ajouter encore plus à la désolation pourtant déjà à son summum dès la première journée de ces incendies qui resteront dans la mémoire collective. Ainsi, notre retraité de l'ex-Casoral, âgé de quatre-vingts ans passés, qui n'a pu se résoudre à demeurer sage à Tizi-Ouzou où il a trouvé refuge chez l'un de ses fils, a tenu à reprendre la route de sa natale Béni-Douala où, dans les villages aux alentours du centre de la localité, il n'a vu que de l'affliction, raconte-t-il péniblement. Des feux de partout, plus particulièrement du côté de Taguemount-Oukerrouch et Tagumount-Ledjdid, au sud du chef-lieu de daïra. Des feux qui ont repris de plus belle, comme c'était le cas en fin de journée de jeudi à Aït-Mesbah, un autre gros bourg de Béni-Douala, corroborant ainsi l'épouvantable bilan établi, jeudi en fin d'après-midi, lorsqu'à partir du quartier général de la Protection civile, il était fait état de plus d'une centaine d'incendies à travers une quinzaine de wilayas, avec 38 rien qu'à Tizi-Ouzou. Tizi-Ouzou qui n'a pas connu de répit, donc, après les catastrophes des jours précédents. Les flammes poursuivaient leur œuvre dévastatrice partie des Ouacifs, Ath-Yenni puis Larbaâ-Nath-Irathen pour se sédentariser sur le territoire des Ath-Douala et des Ouadhias, dans la commune d'Ath-Abdelmoumen notamment, dans la journée et une partie de la soirée de jeudi. Des traînées de flammes tellement impressionnantes que les brouillards de fumée et de cendres parvenaient sans peine à Tizi-Ouzou ville où, malgré tout, on trouvait le moyen de poursuivre sur la lancée du premier jour pour l'organisation des déplacements sur les lieux des sinistres afin de distribuer les aides monumentales reçues de partout à travers le pays sans jamais discontinuer, de jour comme de nuit. Des scènes de solidarité marquantes qui ont mobilisé des centaines de bénévoles répartis à travers plusieurs points de la ville, ne s'autorisant pas un temps de répit, pour accueillir les cargaisons entières venues des quatre coins du pays. Un extraordinaire élan de solidarité qui a fait une bonne partie des discussions malgré les efforts de quelques brebis galeuses et d'écervelés appelant carrément à la haine, notamment après l'innommable acte commis à Larbaâ-Nath-Irathen. Ce n'est que dans la journée de vendredi, alors que les actions de solidarité étaient encore ininterrompues, notamment dans les plaques tournantes de l'organisation que sont le boulevard Krim-Belkacem à la nouvelle-ville et le Bâtiment-Bleu au centre de Tizi, que parvenaient des nouvelles plus ou moins rassurantes de la multitude des hauts lieux où ont été enregistrés les incendies, sans doute les plus marquants de l'histoire du pays. Des nouvelles peut-être moins stressantes que lors des trois précédents jours quant à la maîtrise des feux, mais sur un autre plan, celui des aides, les incessants va-et-vient des transporteurs bénévoles vers les points de ravitaillement improvisés, mais superbement organisés, renseignaient amplement sur la persistance de l'urgence, comme l'illustraient d'ailleurs des appels sur les réseaux sociaux pour alerter sur l'aide d'extrême urgence pour des populations de localités très difficilement accessibles car carrément enfouies dans les tréfonds de la Kabylie profonde. Azedine Maktour