Joseph Staline, ancien dirigeant de l�ex-URSS, mort en 1953, effectue un retour pour le moins inattendu en Ukraine, et divise l�opinion de ce pays. L�affaire remonte au mois de mars dernier. A Zaporoji�, ville de l�est de l�Ukraine, d�anciens soldats de l�arm�e Rouge, soutenus par la section locale du Parti communiste ukrainien, d�cident d��difier � l�occasion du 65e anniversaire de la victoire sur l�Allemagne nazie en 1945 un monument, en granit rouge, � la gloire de Staline. Cette d�cision divise la population et les �lus de la ville. Les nationalistes ukrainiens, au pass� douteux, se r�clamant d�un mouvement qui avait collabor� avec l�Allemagne nazie, sont furieux, et tentent vainement d�emp�cher la r�alisation du monument. Il n�emp�che, l�inauguration de la statue du �Petit p�re des peuples�, autre nom attribu� � Staline, a bien eu lieu en mai dernier. La pol�mique ne s�est pas pour autant arr�t�e. La municipalit� de la ville, dirig�e par le parti Notre Ukraine de l�ancien pr�sident Viktor Youchtchenko, veut la d�truire, au motif que �Staline est un tyran, au m�me titre qu�Hitler�. En revanche, pour cette autre partie de la population dont les parents ont combattu dans les rangs de l�arm�e Rouge, Staline est celui qui a men� les Sovi�tiques � la victoire contre l�Allemagne nazie. �Quant on montait au front, on le faisait pour la patrie et Staline. Ce sont ces deux mots-l� que nous criions en partant � l�attaque�, explique un ancien de l�arm�e Rouge, cit� par le quotidien Lib�ration. �Pour les anciens, Staline est rest� un h�ros�, �crit le journal, citant une habitante de la ville. Avant d�ajouter que ce monument ne semble pas �scandaliser les habitants de la ville qui abrite d�j� une immense statue de L�nine� et d�autres cadres dirigeants de la R�volution d�octobre 1917 ! Mieux, � en croire Lib�ration mais aussi des m�dias ukrainiens, Zaporoji� risque de faire tache d�huile. Des statues � la gloire de Staline sont projet�es � Kiev, la capitale de l�Ukraine, mais aussi � Odessa sur la mer Noire. Joseph Staline a dirig� d�une main de fer l�ex-URSS durant pr�s de 30 ans. Une p�riode au cours de laquelle des cadres dirigeants et militants communistes, comme Boukharine, auront �t� les principales victimes. En 1956, trois ans apr�s la mort de Staline, tirant les le�ons de cette p�riode, le 20e congr�s du Parti communiste de l�Union sovi�tique, sous la direction de Nikita Kroutchev, avait d�cid� de tirer un trait sur cette p�riode sombre de l�URSS. Il avait r�habilit� les victimes du �stalinisme�. Les statues de Staline avaient �t� d�boulonn�es, son cercueil retir� du Mausol�e de la place Rouge � Moscou, ses portraits enlev�s, les livres et ses recueils de discours retir�s des rayons des biblioth�ques et des librairies d�Etat, son nom m�me �tait � peine cit� dans les livres d�histoire ou les discours consacr�s aux comm�morations de la bataille de Stalingrad ou � la chute de Berlin en 1945, tomb� aux mains de l�arm�e Rouge. M�me les films de fiction et les documentaires historiques consacr�s � la Seconde Guerre mondiale r�alis�s dans les ann�es 60 et 80, ne mentionnaient plus le nom de Staline. Seuls les anciens s�en souvenaient. Nostalgie oblige, depuis la disparition de l�URSS, la figure de Staline revient sur la sc�ne politique russe et depuis quelque temps en Ukraine. Dans les rues de Moscou, ce retour au premier plan du �Petit p�re des peuples� n�est pas seulement le fait des communistes et des anciens de l�arm�e Rouge. C�est aussi le cas des communistes-nationalistes (�a existe) et des nationalistes russes qui se sont empar�s de la figure de l�ancien dirigeant, la brandissant comme symbole d�une renaissance de la puissance � venir (selon eux) de la �Grande Russie�. Aussi ce retour aux ic�nes du pass�, au parfum nationaliste, a-t-il quelque chose de douteux et d��tranger aux id�aux et valeurs de la R�volution d�Octobre qu�un Joseph Staline n�a d�ailleurs jamais respect�s.