Je n'en démords pas, le MAK est un courant minoritaire en Kabylie, opposé au Hirak que Ferhat Mehenni qualifie de «mouvement sans queue ni tête». Qu'en on juge ! Dans une tribune publiée le 27 mars 2019 par le Huffpost Québec, Ferhat Mehenni écrivait : «Les centaines de milliers de personnes qui descendent dans la rue, grisées par l'euphorie collective et la certitude de faire chuter un système déjà largement craquelé, savent-elles ce qui les attend demain ? Assurément non. Elles sont, au mieux, en train de faire le lit d'une nouvelle dictature, plus féroce que la précédente. En effet, il y a lieu de s'attendre soit à l'émergence d'un nouveau Pinochet parmi les militaires assumant un bain de sang à grande échelle, soit au retour des islamistes qui tenteront d'imposer leur ordre en exterminant tous ces mécréants rationnels et autres rêveurs de démocratie.» Et dans un entretien à L'Observateur du Maroc et de l'Afrique du 13 avril 2021, le même Mehenni assurait que «soutenir [Le Hirak] revenait à réinsérer la Kabylie dans l'Algérie, or notre objectif est de l'en sortir. Ne pas l'aider revenait à être soupçonné sinon de soutien direct, du moins de soutien indirect au régime algérien. Nous avons décidé de renvoyer dos à dos et le pouvoir et le Hirak tout en dénonçant la répression contre ce dernier» ! «Le Hirak, poursuivait-il, est un mouvement initié et contrôlé par des clans militaires dont celui du général Nezzar et du général Toufik» ! Et comme dans tout mouvement sans queue ni tête, «tous les pêcheurs en eaux troubles s'y sont rués pour tendre leurs perches dans l'espoir de pêcher quelques bribes de légitimité...». En tout cas, dans l'esprit de F. Mehenni, les choses sont claires : le Hirak, il n'en veut pas, ce qui rend caduque la thèse d'un MAK ayant infiltré et manipulé le mouvement populaire né le 22 février 2019 jusqu'à lui imposer ses thèses séparatistes. Plus encore, sur les incendies ayant ravagé une partie de la Kabylie, on ne trouve nulle trace d'un communiqué du MAK saluant l'exceptionnel élan de solidarité nationale et citoyenne qui s'est manifesté à travers le pays en faveur de cette région martyre. Ni un hommage aux 33 militaires morts en tentant de sauver des civils dans la région d'Ichaladhen ! Cela étant, l'une des leçons à retenir de cet été meurtrier est que la société civile existe bel et bien et qu'elle a été active, en dépit des restrictions des libertés. Et que l'unité nationale est une réalité incarnée par cette même société civile, d'abord dans le cadre du Hirak, puis sur le terrain. Au plus fort de la pandémie, outre le personnel soignant qui a payé le prix fort, des citoyens mobilisés en réseaux ont contribué à réduire la pénurie d'oxygène et de concentrateurs et à venir en aide aux malades. Face aux incendies de forêt, on a vu affluer vers la Kabylie des secours humains et matériels en provenance de toutes les régions du pays. Un élan de mobilisation citoyenne que le lynchage odieux de Djamel Bensmail n'a pu freiner. Ce qui relativise, soit dit en passant, toutes ces théories complotistes, dont la fonction est de faire écran à la réalité. Maroc. Ce jeudi, quelque 18 millions d'électeurs sont appelés aux urnes pour élire la nouvelle assemblée. Le taux de participation et l'avenir du parti islamiste au pouvoir, le PJD (Parti de la justice et du développement, islamiste) issu de la mouvance des Frères musulmans, sont les principaux enjeux d'un scrutin dont les électeurs marocains n'attendent pas grand-chose. Les sujets qui fâchent comme la sacralité du roi, la normalisation avec Israël où le tournant sécuritaire du régime – condamnations à des peines de 10 à 20 ans de prison pour les hirakistes du Rif et de un à six ans pour des journalistes — ne figurent pas au menu d'une campagne électorale qui s'est déroulée dans une indifférence quasi-générale. Et la marge de manœuvre des partis est bien étroite : ceux qui remporteront les élections doivent bénéficier de la confiance du roi Mohamed VI qui concentre les principaux pouvoirs – Intérieur, Affaires étrangères, Défense — et sont appelés à activer dans le cadre du «nouveau modèle de développement» élaboré par une commission nommée par le monarque. Les médias occidentaux qui couvrent cette campagne électorale et dont les propriétaires et actionnaires possèdent un pied à terre dans les Riadh de Marrakech, nul doute qu'ils ne manqueront pas de citer en exemple ce modèle de démocratie à la marocaine. H. Z. NB : À Djoudi Attoumi, ex-officier de la Wilaya III, qui vient de nous quitter.