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Affaire Djamel Bensmaïl : le déni et les foules dites criminelles
Publié dans Le Soir d'Algérie le 22 - 08 - 2021


Par Yazid Ben Hounet
«Vous profiterez de la dissension qui surgit chez vos ennemis pour attirer les mécontents dans votre parti en ne leur ménageant ni les promesses, ni les dons, ni les récompenses.»
«Entretenez des liaisons secrètes avec ce qu'il y a de plus vicieux chez les ennemis ; servez-vous-en pour aller à vos fins, en leur joignant d'autres vicieux.»
Sun Tzu, L'Art de la guerre (rédigé vers le Ve siècle av. J.-C.)
Misère d'un certain journalisme et de certains analystes ! Ce texte s'adresse en particulier à celles et ceux qui blâment ou condamnent l'Etat algérien, mais n'évoquent pas le MAK, ou, pire encore, le protègent. Il faut définitivement sortir du déni !
Il y a un mois de cela, le fondateur et président autoproclamé de ce mouvement se voyait offrir une grande tribune dans le360.ma, média en ligne pro-Makhzen (piloté par ce dernier) ; l'un des médias de diffamation qui a contribué à mettre en prison des journalistes indépendants et des militants des droits de l'Homme marocains.
Il y avait quelque chose de savoureux à voir ce personnage parler de démocratie, de liberté et de droits humains dans un tel média. Plus grotesque encore était de l'entendre développer sa thèse hallucinante et paranoïaque sur l'ethnocide de la population kabyle tout en se prosternant devant «Sa Majesté, le Roi du Maroc». Le mot Amazigh ne signifie-il pas «Homme libre» ?
Mais plus intéressant, encore, était cette formule énoncée un peu maladroitement par ce séparatiste :
«Nous voudrions même qu'au lieu d'être un point d'achoppement entre les grandes puissances qui se disputent des hégémonies, des aires hégémoniques à travers le monde... nous soyons non pas un point d'achoppement mais un trait d'union entre tous» (Ferhat Mehenni, 20 juillet 2021, le360.ma).
Il s'agit là d'un remarquable aveu : le MAK n'est qu'un outil à l'usage des grandes puissances qui se disputent des hégémonies en Afrique du Nord !
Tant que le MAK demeurait un petit groupe autonomiste en Algérie, je ne m'en souciais guère. Mais dès lors qu'il est devenu une arme instrumentalisée par des gouvernements qui ne veulent pas du bien à l'Algérie, dès lors que ce groupe séparatiste a commencé à être appuyé par le Makhzen, Israël (le Likoud en particulier) et des lobbies en France, il est devenu pour moi un groupe terroriste. C'est aussi simple que cela.
On aura beau rappeler l'accord entre colons (Israël/Maroc), l'affaire Pegasus – impliquant directement le Maroc et Israël, et visant principalement l'Algérie –, le soutien officiel du Makhzen à un prétendu droit à l'autodétermination du peuple Kabyle, les collusions maroco-israéliennes s'agissant de l'Union africaine et leurs «inquiétudes» à l'égard de l'Algérie, les tribunes offertes au MAK dans ces deux pays, sans compter les parti-pris médiatiques flagrants en France contre l'Algérie, et indulgents vis-à-vis du Maroc et d'Israël — même si ces deux Etats martyrisent les peuples sahraoui et palestinien depuis des décennies – (cf. mes contributions au Soir d'Algérie)..., on aura beau rappeler tout cela (et d'autres choses encore), on aura beau leur montrer non pas les vidéos de la police, mais les nombreuses photos des internautes identifiant une partie des criminels avec des membres et/ou sympathisants du MAK... et il y aura encore et toujours des «journalistes», des «analystes» et des opposants stériles qui seront dans le déni ou qui préféreront ne pas faire publiquement le lien entre tous ces éléments, histoire de ne pas se mettre à dos des copains et/ou pour protéger des intérêts personnels dans ces «grandes puissances qui se disputent des hégémonies en Afrique du Nord».
Quand le gouvernement a évoqué des mains criminelles derrière les incendies qui ont meurtri la Kabylie et d'autres régions d'Algérie, des incendies qui ont fait plus de 75 morts, des victimes civiles et militaires, des Kabyles en majorité, mais aussi des non-Kabyles, je me suis dit que la chose était fort probable. En temps normal, les incendies d'origine criminelle représentent la moitié des cas. Compte tenu des nombreux départs de feu à des moments proches, des dissensions qui règnent dans le pays et de la situation géopolitique actuelle, je n'ai pas été surpris par le discours des autorités politiques.
Pour expliquer l'assassinat barbare de Djamel Bensmaïl, des mercenaires à la solde des puissances étrangères, et les «envoûtés» qui les suivent, ont crié à la machination du «DRS» et du «régime militaire». D'autres encore, à mettre à l'asile, comme le séparatiste de pacotille, ont parlé du «génocide du peuple kabyle» — rien de moins – en défendant mordicus l'idée que le «régime» serait en train de raser la Kabylie en la brûlant (même Hitler n'aurait pas fait mieux). Et en incendiant au passage les militaires et fonctionnaires de ce même «régime» ?
D'autres, en particulier des opposants stériles, ont pointé du doigt les défaillances de l'Etat, s'interrogeant, sans fin, sur les raisons pour lesquelles quatre policiers assaillis par une foule hystérique n'aient pas pu protéger le regretté Djamel, ou, pire encore, ont expliqué que celui-ci aurait été livré à la foule. On voudrait dédouaner la foule et les criminels de leurs responsabilités qu'on ne procéderait pas autrement.
D'autres, enfin, n'ayant aucun diplôme ou compétence notoire en psychologie sociale, ont sorti tout un discours sur cette monstruosité si «normale» qui serait en nous, ou sur la psychologie des foules, à renfort de l'ouvrage à la fois daté et fortement critiqué de Gustave Le Bon(1).
Ont-ils au moins lu ce livre ?
Gustave Le Bon y écrivait, dans son chapitre sur les foules dites criminelles, la chose suivante : «Les crimes des foules résultent généralement d'une suggestion puissante, et les individus qui y ont pris part sont persuadés ensuite avoir obéi à un devoir. Tel n'est pas du tout le cas du criminel ordinaire.»
Quelle est donc cette suggestion puissante ? Les propos des autorités politiques s'agissant « des mains criminelles derrière les incendies» ? Si tel était le cas, nous verrions des scènes de lynchage dans près de la moitié des incendies qui ont lieu à travers le globe. C'est donc bien autre chose qui pousse les foules vers la barbarie.
Les sciences sociales ont montré, à l'aide de maints exemples, que les crimes collectifs, y compris dans les génocides, en particulier les crimes entre voisins — comme au Rwanda —sont souvent justifiés par la rhétorique de la riposte à un danger grave et imminent contre soi et les siens, par une suggestion puissante comme celle de son ethnocide, de sa propre disparition en tant que peuple. C'est en ce sens qu'il faut comprendre les cris de la foule meurtrière.
Qui véhicule une telle idée ? Et quels intérêts géopolitiques servent cette tromperie et ce fiel distillés dans les esprits fragiles de certains Algériens ?
La réponse est évidente pour qui ne veut pas rester dans le déni.
Y. B. H.
1) https://www.nonfiction.fr/article-6981-gustave-le-bon-influence-de-lextreme-droite.htm


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