L'ancien président de la République Abdelaziz Bouteflika, poussé sous la pression du mouvement populaire du 22 février 2019, à remettre le tablier à quelques jours seulement de boucler sa vingtième année de règne à la tête du pays, est décédé, avant-hier vendredi en soirée, à l'âge de 84 ans. M. Kebci - Alger (Le Soir) - Celui qui est né le 2 mars 1937 à Oujda, au Maroc, avait rejoint très jeune, en 1956, les rangs de l'ALN (Armée de libération nationale), sous la protection de feu Houari Boumediène auquel il devra par la suite sa fulgurante carrière politique postindépendance, et ce, après l'achèvement de ses études secondaires. Une année après, en 1957, il sera nommé contrôleur général de la Wilaya V, et ce, jusqu'en 1958. Deux ans plus tard, en 1960, officier qu'il était devenu, il sera affecté aux frontières sud du pays pour commander le «front du Mali» dont la création entrait dans le cadre des mesures visant à faire échec à l'entreprise de division du pays de la part de l'administration coloniale et à organiser l'acheminement des armes pour le compte des maquis de l'ALN à partir du sud. Un statut qui lui vaudra, d'ailleurs, le nom de guerre de «Abdelkader El Mali». Une fois l'indépendance nationale recouverte, en 1962, il sera élu député de Tlemcen à l'Assemblée constituante avant d'être nommé ministre de la Jeunesse, des Sports et du Tourisme du premier gouvernement de l'Algérie indépendante sous le règne éphémère de Ahmed Ben Bella avant d'être nommé, en 1963,ministre des Affaires étrangères, un poste qu'il occupera jusqu'au décès en décembre 1978, de l'ancien Président Houari Boumediène. Un long passage à la tête de notre diplomatie durant lequel Bouteflika donnera une impulsion à la politique étrangère qui vaudra au pays une notoriété internationale. On retiendra de son action diplomatique, deux faits majeurs, la mise au ban, par la communauté internationale, du régime sud-africain pour sa politique de l'apartheid et l'admission dans l'imposant immeuble onusien à New-York, et en dépit de moult oppositions, du défunt leader de l'Organisation de libération de la Palestine, Yasser Arafat. Son parcours politique connaîtra un arrêt forcé, deux ans après la mort du Président Boumediène, Chadli Bendjedid l'ayant nommé, juste après, ministre conseiller, avec un exil forcé avant de se distinguer par sa signature de la «motion des 18» consécutive aux événements d'octobre 1988. Ceci dit, Bouteflika relancera de fort belle manière sa carrière en se présentant, fin 1998, à l'élection présidentielle anticipée d'avril 1999 suite à la démission de Liamine Zeroual. Un scrutin à l'issue duquel l'homme sera élu avec 73,8 % des suffrages exprimés, après le retrait de tous les autres candidats, Hocine Aït-Ahmed, Mouloud Hamrouche, Ahmed Taleb Ibrahimi, Abdallah Djaballah, Youcef Khatib, et Mokdad Sifi. Dès sa prise de fonction, Bouteflika engage le processus de concorde civile, adopté, le 16 septembre 1999, par un référendum qui recueillera plus de 98% de suffrages favorables. Ceci avant de faire muer cette option en une politique dite de «réconciliation nationale» qui a conduit, en septembre 2005, et conformément à sa promesse électorale, à l'adoption par un référendum populaire, une charte de réconciliation nationale, plébiscitée par 80% des Algériens. Aussi, son début de règne sera marqué, en avril 2001, par les sanglants événements du Printemps noir de Kabylie avec 126 jeunes assassinés et des milliers d'autres traînant encore de nos jours, des blessures et séquelles. Suite à quoi, il sera contraint de constitutionnaliser, une année après, le caractère national de la langue amazighe et de rendre celle-ci officielle en 2016, lui qui, pourtant, dans un meeting électoral à Tizi-Ouzou, avait juré que tamazight ne serait jamais officielle. Réélu au premier tour de l'élection présidentielle d'avril 2004 avec 85% des voix, de celle d'avril 2009 avec 90,2% des suffrages exprimés et enfin, celle d'avril 2014 avec 81,5% des voix exprimées, il sera de ce fait, le chef de l'Etat algérien étant resté le plus longtemps en fonction. Un poste de chef de l'Etat qu'il cumulera avec celui de ministre de la Défense nationale depuis 2002 et celui de président d'honneur du parti du Front de libération nationale de 2005 à nos jours. Victime en 2013 d'un grave accident vasculaire cérébral, son état de santé ne cessera de se dégrader avec réduction de sa mobilité, le contraignant à ne faire que de rares apparitions publiques. D'où la remise en cause de sa capacité de gouvernance, certains partis allant jusqu'à parler de forces extraconstitutionnelles qui ont pris le relais au moment où des scandales de corruption commençaient à être éventés. Alors qu'il était question d'un cinquième mandat pour lui, Bouteflika sera, cependant, contraint à remettre sa démission, le 2 avril 2019, quelques jours seulement de la célébration de ses vingt ans de règne à la tête du pays, la tentative de reporter l'élection présidentielle d'avril 2019 et lui concéder une rallonge d'une année ayant échoué sous la pression du mouvement populaire du 22 février 2019 dont le rejet de cette option de 5e mandat fut le déclencheur. Effacé, depuis, de la scène nationale, il a vu nombre de ceux qu'il avait propulsés aux plus hautes fonctions de l'Etat de ceux, parmi les hommes d'affaires qui se sont illicitement enrichis sous son règne, traînés devant les tribunaux pour des affaires de corruption et de détournements des deniers publics. Et ce, jusqu'à son décès survenu, donc, avant-hier vendredi en soirée à l'âge de 84 ans. Il devra être inhumé, aujourd'hui dimanche, à la mi-journée, au carré des martyrs au cimetière el Alia, à Alger. À l'occasion, le président de la République a décidé de la mise en berne du drapeau national, trois jours durant et à l'échelle nationale, à partir d'hier samedi. M. K.