Dans un livre intitul� Avril 80 coordonn� par Arezki A�t Larbi, Tari Aziz qui donne son t�moignage des �v�nements �crit : �Le 19 avril au soir, le Comit� qui dirige le mouvement tient sa r�union quotidienne. Avec, � notre surprise, quelques absents de taille, notamment Hend Saadi, la voix du FFS qui n�a jamais rat� une r�union. Les �tudiants sont tous pr�sents, donnant ainsi plus de poids � la r�union. Idir Ahmed Za�d prend la parole pour nous transmettre le message du wali, qui, bien s�r, n�y est pour rien. L�ultimatum ne nous laisse aucun choix : signer imm�diatement une d�claration affirmant que nous arr�tons le mouvement, sinon l�intervention aura lieu dans quelques heures ! Nous nous regardons, G�rard, Djamel et moi en hochant la t�te pour signifier une fin de non-recevoir. Une autre surprise nous a coup� le souffle, nous laissant sans voix : le groupe du PRS annonce son retrait du mouvement et la fin de son engagement avec nous. Ce qui reste du FFS est partag� entre la poursuite et l�arr�t de la contestation, r�v�lant un manque de concertation sur la strat�gie � suivre, ou de profondes divergences [�]. Je souhaite une bonne nuit � tout le monde, et sans tarder, je me dirige vers la chambre pr�vue pour la nuit, sans dire un mot sur le lieu, ni le pavillon. Pour d��videntes raisons de s�curit�, je ne dors jamais dans la m�me chambre deux nuits d�affil�e. L�absence de Hend Saadi torture mon esprit. N�ayant pas de ses nouvelles, je le croyais arr�t�. Nous apprendrons bien plus tard que, le jour m�me de l�intervention des forces de r�pression, il avait pris l�avion pour Paris. Puis, cette d�fection inattendue des militants du PRS qui ont d�cid�, m�me pas d�une reprise des cours, une position qui aurait �t� respectable, mais leur retrait du mouvement. Pour nous, cette trahison de derni�re minute est un choc. Plus tard, nous apprendrons que leur patron, Mohamed Boudiaf, avait n�goci� avec le pouvoir une porte de sortie pour ses militants. Je suis en col�re. Ces coups dans le dos, ces op�rations, ces calculs qui pourrissent l�atmosph�re m�ont rendu amer.� La mise en cause de Hend Sadi et la version qu�il donne des �v�nements ont suscit� une contribution, que nous versons au d�bat, cosign�e par deux ma�tres-assistants de math�matiques, Ramdane Achab et Hend Sadi, en poste au Centre universitaire de Tizi-Ouzou en 1980 et acteurs du Printemps berb�re, et de Arab Aknine, �tudiant en 1980, �galement activement impliqu� dans les �v�nements d�avril 1980. Le t�moignage de Aziz Tari, publi� dans l�ouvrage collectif coordonn� par Arezki A�t Larbi intitul� Avril 80, paru � l�occasion du trenti�me anniversaire du Printemps berb�re, appelle une mise au point. D�une part, il met en cause de mani�re nominative des acteurs des �v�nements et, d�autre part, il donne du Printemps berb�re une version dont la conformit� aux faits pose probl�me. S�agissant du premier point, il cite � trois reprises Hend Sadi, dont le t�moignage est absent du livre. Les trois occurrences sont entach�es d�erreurs. Si dans les deux premiers cas, les inexactitudes ne pr�tent pas � cons�quence et peuvent �tre attribu�es � des d�faillances de m�moire ou � l�intervention du rewriter qui a r��crit son t�moignage, il n�en va pas de m�me pour la troisi�me �vocation qui porte sur un point-cl� : la r�union tenue � Hasnaoua durant la nuit de l�intervention des forces de police, � savoir la nuit du 19 au 20 avril 1980. Il �crit � sujet : �Le 19 avril au soir, le comit� qui dirige le mouvement tient sa r�union quotidienne. Avec, � notre surprise, quelques absents de taille, notamment Hend Sadi, la voix du FFS qui n�a jamais rat� une r�union.� Cette affirmation, par son ton cat�gorique comme par son caract�re circonstanci�, peut difficilement �tre mise sur le compte de d�faillances fortuites de m�moire : �absents de taille�, �voix du FFS�, �qui n�a jamais manqu� une r�union�, et m�me, ajoute-t-il, plus loin �l�absence de Hend Sadi torture mon esprit� ! La question que pose le t�moignage de Tari est celle du but recherch� � travers ce propos, politiquement color� puisque Hend Sadi y est pr�sent� comme �la voix du FFS�. Ce n�est pas tout. Sur la base de cette all�gation, il �chafaude, insinue bien des choses : �N�ayant pas de ses nouvelles, je le croyais arr�t�. Nous apprendrons bien plus tard que, le jour m�me de l�intervention des forces de r�pression, il avait pris l�avion pour Paris.� Puis, dans le m�me mouvement, il accuse de �trahison� les militants du PRS. C�en est trop pour ce militant qui conclut : �Je suis en col�re. Ces coups dans le dos, ces op�rations, ces calculs qui pourrissent l�atmosph�re m�ont rendu amer.� Aziz Tari se pla�t � se pr�senter comme l�alpha et l�om�ga du mouvement en s�attribuant, en particulier, trente ans apr�s, le m�rite d��tre � l�origine de la premi�re manifestation du 11 mars 1980 (des t�moignages d�j� publi�s, dont certains remontent � vingt ans, contredisent cette affirmation). Donnant de lui-m�me un profil de militant sinc�re, d�fenseur de la culture berb�re (kabyle), il charge d�arri�re-pens�es les autres, notamment les enseignants, qu�il d�peint essentiellement comme repr�sentants de partis politiques mus uniquement par le souci de r�cup�rer au b�n�fice de leur formation un mouvement g�n�reux dont il se pose comme le Messie. Son t�moignage est caract�ris� par un anachronisme qui court du d�but � la fin de son r�cit. S�il signe aujourd�hui, et c�est son droit le plus absolu, des d�clarations comme militant de l�autonomie de la Kabylie, il est malhonn�te de chercher � ancrer cette position dans un itin�raire qui prendrait racine dans son action en 1980. En 1980, Tari Aziz �tait id�ologiquement � au minimum � PAGS et organiquement affili� � une organisation de masse du parti unique, � savoir l�UNJA. C�est dans cette posture politique que les �v�nements de 1980 le surprennent. C�est comme tel qu�il s��tait investi sans compter dans le mouvement �tudiant essentiellement domin� par la mouvance pagsiste. Son br�viaire politique �tait la Charte nationale de Houari Boumediene. Il revendique, et c�est � peu pr�s la seule chose exacte dans son t�moignage, d�avoir activement �uvr� pour assortir toute revendication �manant des �tudiants d�une r�f�rence � la Charte nationale. Quant � la revendication de tamazight, il ne s�y soumet que pour coller au mouvement. Les pol�miques qui l�ont oppos� aux �tudiants dits berb�ristes sont l�gion. Lorsque les manifestations prennent de l�ampleur, il est interpell� en public par son chef hi�rarchique du FLN, responsable de l�UNJA, pour rentrer dans les rangs. Vex� d��tre humili� de la sorte devant ses camarades engag�s dans le mouvement, il rompt avec l�UNJA pour se mettre sous l�aile du responsable du PAGS qui venait de rejoindre l�universit� de Tizi-Ouzou en avril 1980. M�me apr�s 80, Tari continue de s�opposer au groupe organis� autour de Tafsut pour s�impliquer dans la revue concurrente Tilelliqui tourne le dos � la revendication berb�re pour se sp�cialiser dans la vulgate marxiste et �l�histoire du vrai socialisme �. Enfin, et, peut-�tre plus grave, il n�a pas h�sit� � faire chorus avec la presse du r�gime qui d�non�ait l�intervention de la main de l��tranger dans notre mouvement en s�illustrant par des attaques au vitriol en assembl�e g�n�rale contre l�opposition alg�rienne install�e � l��tranger. Anachronisme �galement lorsqu�il pr�sente Hend Sadi comme la voix du FFS � l�universit�. Ce dernier, comme d�autres enseignants rentr�s de Paris (Ramdane Achab, Malika Chertouk, Mohand Ouamer Oussalem), tous anciens �l�ves de Mouloud Mammeri et anciens membres du groupe de Vincennes, �taient per�us comme berb�ristes, ce qu�ils �taient effectivement au demeurant. Peu de monde, pour ne pas dire personne, connaissait leur engagement politique en cette �poque de militantisme clandestin, et naturellement aucun d�entre eux ne faisait r�f�rence au FFS dans ses interventions. Si Tari Aziz savait, � l��poque, que Hend Sadi �tait du FFS, comment expliquer qu�il lui ait propos� de l�associer � la d�nonciation de l�appel � la gr�ve du 16 avril ? Ce que fit le responsable du PAGS (cf. t�moignage de Oussalem dans le m�me ouvrage) en d�non�ant au micro le �tirage de tracts ext�rieurs � l�universit�. C�est d�ailleurs pour exhorter � un minimum de responsabilit� politique qui consiste � arr�ter ces d�lations au micro qui ne profitaient qu�au r�gime en divisant le mouvement que Ramdane Achab conclura son intervention, le soir du 19 avril, par un : �Vive le FFS ! Vive le PRS ! Vive le PAGS et vive le FUAA !� Anachronisme toujours lorsqu�il se pr�sente comme militant de la libert� en �crivant : �Il [le r�gime] ne peut accepter la victoire de la libert� dans la r�gion qui risque de faire tache d�huile.� Cela fait sourire tous ceux qui se souviennent de son acharnement � combattre toute r�f�rence � la libert� qu�il critiquait comme �tant une revendication bourgeoise. Ainsi, lorsque dans l�apr�s-midi du 16 avril, qui a vu l�appel � la gr�ve g�n�rale couronn� de succ�s, un comit� de coordination populaire regroupant des repr�sentants de tous les foyers de contestation fit une d�claration qui inclut � c��tait une premi�re � le slogan �Vive la libert� d�expression !�, Aziz Tari fut de ceux qui s�employ�rent (avec succ�s) � le supprimer dans la mouture adopt�e par l�universit�. Pour finir, signalons que si Tari appartient au comit� de cit� de Oued A�ssi qui, officiellement, organisait la conf�rence de Mammeri, il n�en est pas � l�origine. Mieux, il a fallu trois r�unions pour que Hend Sadi le convainque d�finitivement, lui particuli�rement, de l�int�r�t de la conf�rence. Du groupe d��tudiants contact�s par Hend Sadi, il a �t� le seul � �mettre des r�serves sur le nom de Mammeri en proposant de chercher un autre conf�rencier. Ce Printemps 1980, devenu Printemps berb�re, a marqu� une rupture sur la question culturelle au sein de l�universit� alg�rienne et plus g�n�ralement dans le paysage politique alg�rien. C�est le tournant qui voit la revendication berb�re conqu�rir sa place l�gitime dans le discours politique. Ce discours en faveur de tamazight, port� par des militants qui se sont investis de longue date dans le champ culturel amazigh, a �t� combattu par Aziz Tari qui ne s�y soumit que pour surfer sur la vague de la contestation. Contrairement � d�autres �tudiants qui ont �t� associ�s � la pr�paration des principales �tapes du mouvement, Tari, agitateur en vue, qui a �merg� dans le cadre de l�UNJA, �tait per�u comme un �l�ment qui n�avait pas totalement rompu avec l�id�ologie du r�gime, un �l�ment peu s�r, prompt � d�noncer tout ce qui s��carte de la Charte nationale et du �vrai socialisme �. C�est la raison pour laquelle il a �t� tenu soigneusement � l��cart de toutes les initiatives qui ont fait le Printemps 1980, en particulier la pr�paration de la marche du 7 avril 1980 � Alger (� laquelle il a particip� comme marcheur) et l�organisation de la gr�ve g�n�rale du 16 avril, la premi�re depuis l�ind�pendance, qui a fait basculer la population kabyle dans une opposition ouverte et frontale au r�gime. Si donc tamazight et la libert� ont pu s�engouffrer dans l�espace alg�rien gr�ce � avril 1980, c�est malgr� Tari Aziz ! Enfin, pour terminer, revenons � la mise en cause de Hend Sadi par Aziz Tari qui le d�clare absent � la r�union de la nuit du 19 au 20 avril. Comment Aziz Tari peut-il avancer une telle �normit� alors que Hend Sadi �tait pr�sent � cette r�union � laquelle ont pris part une quarantaine de personnes, qu�il est intervenu pour dire combien il �tait irresponsable de baisser les bras � l�universit� au moment o�, � l�ext�rieur, toute la Kabylie se solidarisait avec le mouvement ? Hend Sadi n�a quitt� la r�union qu�� la fin de celle-ci, apr�s le vote qui s�est conclu en faveur de la poursuite de l�occupation du centre universitaire, � une tr�s courte majorit�. L��tat d�esprit qui a pr�sid� � l��criture de ce t�moignage qui ne recule ni devant le mensonge pour disqualifier certains militants ni devant la m�galomanie afin d�asseoir son personnage dans l�historiographie nous fait immanquablement penser � l�anecdote suivante : lorsque Staline retouchait les photos officielles pour �liminer telle ou telle personnalit� devenue ind�sirable, les dissidents s�exclamaient devant tant d�aplomb : �Nous ne savons pas de quoi sera fait notre pass� !� Ramdane Achab Hend Sadi Ma�tres-assistants de math�matiques au Centre universitaire de Tizi-Ouzou en 1980. Arab Aknine �tudiant en sciences exactes au Centre universitaire de Tizi- Ouzou en 1980.