Le 20 avril 1980 a été revisité, hier, à l'occasion d'une conférence-témoignage animée à la maison de la culture Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou par les principaux acteurs du printemps berbère. En effet, Saïd Khelil, Arezki About, Idir Ahmed Zaïd (tous parmi les 24 détenus de Berrouaghia), Saïd Boukhari et Malika Ahmed Zaïd ont fait une longue rétrospective de cette date hautement symbolique en Kabylie. Une plongée dans l'histoire qui a été effectuée en l'absence d'autres poids lourds de la contestation de l'époque, en l'occurrence Saïd Sadi, Ferhat Mehenni, Mouloud Lounaouci et autre Mokrane Aït Larbi. Ainsi, Arezki About, qui a été déféré devant la cour de sûreté de Médéa pour atteinte à la sûreté de l'Etat énuméra la chronologie des faits. Pour lui, tout a commencé le 9 mars 1980 avec l'interdiction par les autorités locales de la conférence que devait animer Mouloud Mammeri sur la poésie berbère ancienne. Le lendemain, la communauté universitaire allait réagir par l'organisation de grandes manifestations à Tizi Ouzou. L'onde de choc allait s'étendre à tous les secteurs d'activité de la région. L'Eniem, l'hôpital et les lycées commençaient à s'organiser. L'effet boule de neige est inexorable. Le 16 avril, la Kabylie sera complètement paralysée par la première grève générale de la jeune histoire du pays. Dans la foulée, les étudiants avaient déjà occupé l'université et radicalisaient leur mouvement. Le pouvoir d'alors était aux abois et décidera d'envoyer des escadrons complets de CRS, encadrés par les éléments de la redoutable sécurité militaire, investir les cités universitaires dans la nuit du 19 au 20 avril. Une descente qui se soldera par l'interpellation d'une centaines d'étudiants et de meneurs de la contestation, dont 24 seront traduits devant la sinistre cour de la sûreté. Mais devant la mobilisation de la rue, ils seront libérés le 26 juin 1980. Pour sa part, Idir Ahmed-Zaïd indiquera qu'«à travers la répression d'avril 80, le pouvoir a voulu casser la dynamique qui commençait à germer dans la société». Une dynamique, selon Ahmed-Zaïd, qui sera confortée et consolidée par les propositions du séminaire de Yakourène en août 1980, qui capitalisera le combat né au printemps. De son côté, Malika Ahmed Zaïd mettra l'accent sur le suivi de l'affaire des vingt-quatre détenus, dont la défense a été confiée à MM. Bolivard et Prodi qui ont tout fait pour accréditer la thèse du procès politique. Saïd Boukhari, quant à lui, a parlé du rôle des lycées dans la révolte d'avril 1980 et s'attardera sur le fameux article paru dans El Moudjahid de l'époque, et intitulé «Les donneurs de leçon». Absent de la scène politique depuis un certain temps, Saïd Khelil précisera que «la révolte de 1980 a posé les premiers jalons de la formulation basique de la revendication berbère», avant de s'étaler sur l'activisme au sein de l'hôpital de Tizi Ouzou et dont le noyau dur du comité était constitué de Saïd Khelil, Saïd Sadi et Mouloud Lounaouci.