Il avait disparu des radars le 2 avril 2019 au soir. Cette soirée-là, il était bien seul quand il a été sommé de quitter les lieux après 20 ans d'un pouvoir sans partage. Le coup a dû être psychologiquement très rude à supporter pour un homme qui rêvait d'une autre sortie. Autour de lui, hormis sa famille, plus rien. Le bloc politico-oligarchique, qui a capté une partie de la rente pétrolière et sur lequel reposait son pouvoir, les réseaux mis en place – les comités de soutien au Président, les partis de l'Alliance présidentielle, les organisations sociales et étudiantes... — s'étaient évaporés avec une rapidité étonnante. Laudateurs, seconds couteaux et autres cireurs de pompes de circonstance, qui chantaient ses louanges et se bousculaient autour de son portrait lors des meetings et cérémonies officielles, avaient disparu quand d'autres, sentant le vent tourner, avaient changé de camp au quart de tour. Dans ce monde fait d'intrigues, de coups bas et de courtisanerie, qu'il avait bâti et où l'allégeance à un homme et non à l'Etat était la règle pour qui voulait faire carrière, et rester dans la proximité de la présidence, sa famille — sa sœur et ses deux frères dont Saïd, aujourd'hui en prison — constituait le dernier refuge. Saïd, justement, aura joué son va-tout jusqu'au dernier moment pour sauver le pouvoir d'un frère aîné en bout de course, jusqu'à solliciter le concours de l'ennemi d'hier, l'ex-général Mohamed Mediène qui n'a rien pu faire ! Ce soir du 2 avril, comme sur une scène de théâtre, le rideau était tombé. Une nouvelle séquence débutait. Place Audin, des milliers de femmes et d'hommes, dans un tumulte joyeux, avaient tourné la page Bouteflika et le 5e mandat. Le lendemain 3 avril, j'avais beau scruter les banderoles et pancartes portées par cette foule joyeuse ayant envahi le centre-ville, tendre l'oreille aux slogans lancés par les manifestants, nulle mention de Bouteflika. Les Algériens étaient déjà passés à autre chose... Pourtant tirer un trait sur Bouteflika est un peu facile. L'homme n'était pas n'importe qui. Il est parti en emportant avec lui un pan de l'histoire de l'Algérie dont il a été l'un des acteurs. Il n'a laissé aucun témoignage écrit sur ses 16 années de chef de la diplomatie sous Boumediène, ses deux années sous Chadli Bendjedid et ses 20 années à la tête de l'Etat. Ce qui n'est pas rien. De plus, il s'en est allé sans être jugé, sans être appelé à comparaître comme témoin assisté, bien que cité dans certaines affaires par certains inculpés comme l'ex-Premier ministre Abdelmalek Sellal. Il a de fait bénéficié d'une sorte d'immunité non officiellement assumée. Or, il avait une énorme responsabilité dans la crise qui frappait le pays et qui a causé son départ, ne serait-ce que parce que rien ne se faisait sans son aval et parce qu'il est intervenu en personne en faveur de ses « amis », l'ex-ministre de l'Energie Chakib Khelil et l'ex-patron de la Sonatrach Abdelmoumen Ould Kaddour lorsque ces derniers étaient inquiétés par la justice. Et ce, quand il ne tentait pas de faire barrage à des hommes d'affaires avec qui il entretenait des rapports conflictuels comme M. Rebrab, le patron du groupe Cevital. Bouteflika, qui caressait le rêve de mourir dans son fauteuil présidentiel et d'obsèques dignes de Houari Boumediène et de Mohamed Boudiaf, a été inhumé a minima, mais le système qu'il a incarné est malheureusement toujours là. France. Emmanuel Macron a demandé « pardon » aux harkis. Aussi choquant que cela puisse paraître, ça n'a rien d'anormal car le Président français, qui vise un second mandat en avril prochain, est déjà en campagne électorale et il sait que la droite et l'extrême-droite française vont convoiter les voix des harkis, de leurs enfants et petits-enfants. Après ce geste envers les harkis, il ne faut pas s'attendre à ce qu'il présente des excuses sur la colonisation en Algérie. Si par hypothèse il en avait l'intention, il ne faudrait pas s'attendre à ce qu'il le fasse maintenant, à quelques mois d'une élection présidentielle où l'immigration et l'islam seront parmi les thèmes dominants de la campagne électorale à venir. Une campagne où, plus le mensonge est gros, plus il est porteur électoralement. Il en est ainsi de cette théorie ressassée par Eric Zemmour visant à faire croire aux Français dits de souche, que les musulmans seront majoritaires démographiquement en 2050. H. Z.