Entretien réalisé par Salima Akkouche À quelques jours du lancement de la production du vaccin anti-Covid-19 made in Algérie par le groupe Saidal, le Dr Lotfi Benbahmed, ministre de l'Industrie pharmaceutique, a accordé un entretien au Soir d'Algérie où il annonce que « l'Algérie va arrêter l'importation du vaccin anti-Covid dès que la production locale sera lancée. L'Algérie débutera la production par 1,3 million de doses à partir du mois d'octobre pour atteindre 5.3 millions de doses par mois dès janvier prochain. L'Algérie, qui a été identifiée comme une plateforme de production de vaccin pour la zone Afrique, va réaliser un taux d'intégration locale en valeur de plus de 60%. Le Soir d'Algérie : La production nationale de CoronaVac sera lancée ce 29 septembre. Quelles sont les capacités de production de cette unité ? Dr Lotfi Benbahmed : La production du vaccin anti-Covid-19 sera lancée ce mercredi à partir de l'unité de fabrication de Saidal à Constantine. La production sera de 1,3 million de doses de vaccin pendant ce mois d'octobre, puis nous allons passer à 2 millions de doses en novembre, et à 3 millions de doses en décembre et, dès janvier 2022, nous produirons 5, 3 millions de doses par mois. L'expression des besoins du plan de vaccination national a conduit Saidal à avoir un plan de charge de 65 millions de doses d'ici fin 2022. Nous avons les capacités de produire 8 millions de doses par mois en un seul shift de 8h, soit 200 millions de doses par an, en deux shift, soit 16h/jour. L'unité va faire du fill process ou du conditionnement secondaire ? Nous allons faire ce qu'on appelle du fill and finish, ce qui est considéré comme un processus de production pour les produits stériles. Le fill and finish comporte plusieurs dizaines de validation technique afin d'être conforme au meilleurs standards internationaux de bonne pratique de fabrication. Le défi a été relevé en un temps record (signature du contrat de partenariat avec Sinovac en juillet, ndlr) grâce à notre volonté politique ainsi qu'aux ressources humaines qualifiées et l'outil technique nécessaire dont dispose Saidal. Nous n'aurons plus recours à l'importation du vaccin anti-Covid ? Il n'y aura plus d'importation une fois la production lancée. Cependant, nous allons continuer à recevoir des dons de vaccin du système Covax de l'OMS. Y a-t-il un projet d'exportation ? Oui, c'est prévu dans le contrat entre Saidal et Sinovac. L'objectif même de la localisation de la production du vaccin en Algérie obéit à la nécessité de créer des plateformes de fill and finish dans différents continents afin de répondre à la demande mondiale. La plateforme de Saidal en Algérie doit nécessairement contribuer à la prise en charge de la demande de la région et du continent africain. Le vaccin CoronaVac ne risque-t-il pas de connaître le même sort que les médicaments génériques, s'il est perçu comme étant un générique ? Il faut expliquer qu'il ne s'agit pas d'un générique. C'est exactement le même vaccin qui a déjà été importé, c'est la même matière première. Il n'y a aucune différence entre le CoronaVac importé et celui que nous allons produire et pour lequel Saidal a obtenu la licence du CoronaVac. Il faut souligner, aussi, que ce vaccin est un vaccin classique, préparé à partir d'un virus inactivé. Il ne s'agit pas d'un virus atténué ; il ne peut pas vous rendre malade. Il est sûr. C'est une technologie prouvée, pour laquelle l'humanité a du recul. C'est la même technologie qu'a utilisée Pasteur contre la rage. Il n'y a que les laboratoires de nos amis chinois qui ont réussi à produire ce vaccin avec la technologie du « virus inactivé ». Il faut savoir également que ce vaccin est validé par l'OMS, il est aussi validé par les autorités sanitaires chinoises pour les enfants de plus de 3 ans. De plus, il est l'un des vaccins les plus reconnus par de nombreux pays. Quels seront les gains générés à travers la production locale ? La valeur ajoutée est très importante. Le vaccin produit en Algérie reviendra 60% moins cher que le même vaccin importé. Il s'agit non seulement d'un gain économique très important pour le pays mais aussi il représentera une sécurité en matière de disponibilité et de souveraineté sanitaire. Effectivement, la production locale du vaccin nous permettra d'assurer une meilleure accessibilité et une disponibilité continue, indispensable à la poursuite d'un plan de vaccination qui s'élargit, très vraisemblablement, à la vaccination des moins des 18 ans et éventuellement une troisième dose. Vous avez validé une feuille de route où vous vous êtes engagé à économiser 800 millions de dollars... Oui, cette réduction est inscrite dans notre plan d'action. C'est aujourd'hui une réalité. Nous avons réduit la facture d'importation de 800 millions de dollars par rapport à 2019 ; 300 millions en 2020 et 500 millions de dollars en 2021, mais ces économies n'ont pas été réalisées au détriment de la disponibilité des produits pharmaceutiques. Effectivement, il n'y a eu aucune restriction sur l'importation de médicaments, notamment essentiels. Ces économies ont été réalisées grâce à la croissance importante de la production nationale et en luttant contre les phénomènes de spéculation et de surfacturation. Ainsi, plusieurs dizaines de produits sont passés de l'importation à la production locale, dans 60 nouvelles unités industrielles récemment agréées. En outre, l'augmentation des remboursements par la sécurité sociale en produits pharmaceutique fabriqués localement atteste de la croissance du marché, malgré la baisse importante de l'importation des médicaments. Ainsi, le nombre de produits pharmaceutiques fabriqués localement est de 76% contre 24% à l'importation et de 66% en valeur contre 34% à l'importation. S. A.