Abdelmadjid Tebboune a, une nouvelle fois, accusé Rabat et Paris de soutenir le Mouvement pour l'autodétermination de la Kabylie (MAK), une organisation inscrite sur la liste des entités terroristes par les autorités algériennes. Tarek Hafid - Alger (Le Soir) - Alger est très en colère. Lors de sa rencontre avec la presse dimanche soir, le Président Abdelmadjid Tebboune a pointé du doigt le Maroc et la France, qu'il accuse de soutenir le Mouvement pour l'autodétermination de la Kabylie. «Le Maroc est partie prenante dans tout ce qu'a fait le MAK en Kabylie. Ce sont des faits et non pas des accusations vides de sens. C'est un complot dirigé contre l'unité de la Nation algérienne», a-t-il souligné durant cette interview. Les faits en question portent sur des « preuves pour l'achat d'armes » et de « collectes de fonds pour l'acquisition d'armes ». «N'est-ce pas du terrorisme ? » s'est interrogé Abdelmadjid Tebboune. Le soutien marocain au MAK est apparu au grand jour à l'occasion de la tenue, les 13 et 14 juillet 2021, d'une réunion du Mouvement des non-alignés (MNA). Ramtane Lamamra a profité de cette tribune pour rappeler les engagements de la communauté internationale envers les peuples palestinien et sahraoui. Le chef de la diplomatie algérienne a notamment indiqué que «la reprise du conflit armé, entre le royaume du Maroc et le Front Polisario, mérite une plus grande attention de la communauté internationale». La lutte contre le colonialisme est un des principes soutenus du Mouvement des non-alignés, faire référence aux dossiers palestinien et sahraoui s'imposait lors de cette rencontre. Sauf qu'elle a donné lieu à une réaction inattendue de l'ambassadeur marocain aux Nations-Unies, Omar Hilale. Le diplomate a distribué une note à toutes les délégations dans laquelle il a mis sur un pied d'égalité le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination et «les aspirations légitimes du peuple autochtone de la Kabylie ». Un soutien franc et public aux séparatistes du MAK qui a été dénoncé par les autorités algériennes. Alger décide de rappeler, quelques jours plus tard, son ambassadeur à Rabat pour consultation. Cette réaction du Makhzen est certainement un des éléments les plus importants qui a conduit l'Algérie à rompre ses relations avec le Maroc le 24 août 2021. À Rabat, à l'exception de l'ex-chef du gouvernement islamiste Saâd Dine El Othmani qui s'était démarqué de l'action de l'ambassadeur marocain, le palais et le ministère des Affaires étrangères n'ont eu aucune réaction. De l'autre côté de la Méditerranée, le MAK a tenu à remercier l'initiative marocaine dans une lettre adressée à l'ambassadeur marocain à Paris. La lettre faisait également part de la volonté de Ferhat Mhenni, « président du gouvernement provisoire kabyle », de rencontrer le roi du Maroc. Le soutien au MAK est bien une stratégie approuvée par les plus hautes autorités marocaines. Omar Hilale en a donné la preuve le 30 août en revenant à la charge lors du séminaire du Comité spécial de la décolonisation des Caraïbes en Dominique. En réponse à une remarque de l'ambassadeur algérien Sofiane Mimouni sur le travail commun de l'Algérie, du Maroc et de la Mauritanie, en 1963, pour l'inscription de la question de la décolonisation du Sahara Occidental, Omar Hilale a une nouvelle fois affiché clairement son soutien aux séparatistes Kabyles. Pour ce qui est de la France, les reproches de Abdelmadjid Tebboune portent sur un soutien « passif » au MAK. «Nous demandons le chef de file des terroristes MAK. Il faut qu'il nous soit livré, c'est un terroriste, il le dit », a insisté dimanche soir Abdelmadjid Tebboune. Ferhat Mhenni, qui réside en France, ainsi que plusieurs responsables du MAK sont sous le coup d'un mandat d'arrêt international émis par la justice algérienne dans le cadre des incendies qui ont ciblé la wilaya de Tizi Ouzou durant le mois d'août. Alger exige donc la remise des personnes citées dans ce dossier mais Paris n'a toujours pas donné suite à cette demande. La situation est très complexe car les deux Etats entretiennent un partenariat sécuritaire très étroit, notamment en matière de lutte contre le terrorisme. Et c'est là justement le principal argument mis en avant par les autorités algériennes : le MAK est une organisation terroriste qui a pour chef Ferhat Mhenni. Reste à savoir si la France évitera encore longtemps ce dossier sensible au risque de mettre à mal le partenariat sécuritaire avec l'Algérie. T. H.