Comme souvent depuis plusieurs années, et à l'instar des plus importants pays impliqués dans le marché mondial des céréales, l'Algérie fait de nouveau l'objet d'un rapport établi par le Département américain de l'Agriculture (USDA). Un rapport datant d'il y a une semaine exactement, à travers lequel le service extérieur du ministère américain de l'Agriculture passe en revue la conjoncture que traversent l'agriculture algérienne en général, la culture et les importations de céréales en particulier. En guise de points essentiels, le rapport de l'USDA a établi qu'«en raison de pluies insuffisantes, la production algérienne de céréales pour la campagne 2021-2022 a diminué de 38%. En conséquence, les importations devraient augmenter. L'Algérie dépend principalement du blé en provenance d'Europe, l'Allemagne est en train de se faire une place au détriment de la France. En outre, pour la première fois depuis cinq ans, après les modifications des spécificités qu'elle impose pour le blé à importer, l'Algérie a récemment acheté du blé de Russie». C'est un rapport très détaillé où il est relevé qu'au 5 septembre dernier, soit un peu plus de deux mois après le début de la campagne commerciale 2021-2022, les conditions de récolte des céréales ont été inférieures à celles de la campagne 2020-2021 qui s'est achevée à la fin juin dernier. Toutefois, note l'administration américaine, les conditions sont demeurées dans les limites minimum-maximum que l'Algérie vit habituellement pour ses cultures de blé dur, d'orge, de blé tendre et d'avoine. «Les précipitations ont également été inférieures à la moyenne durant cette année de commercialisation (2021-2022), ce qui a entraîné une baisse de l'humidité du sol, en particulier dans la région ouest et les Hauts-Plateaux», est-il précisé dans la partie «mise à jour des cultures» dudit rapport qui note que jusqu'à septembre 2020, les conditions de récolte «semblaient être au-dessus de la normale et au-dessus des niveaux des années précédentes». Mais, plus tard, en hiver et au printemps derniers, la végétation a fortement diminué sous la moyenne normale pour aboutir à une sécheresse qui a clairement affecté la récolte. Des appels d'offres mensuels depuis février En guise de rappel, pour expliquer la difficile année traversée par la culture des céréales en Algérie, le rapport de l'USDA a repris les propos du directeur de l'Institut technique des grandes cultures et du président de l'Union des paysans algériens, qui avaient expliqué que la récolte de céréales allait baisser entre 30% et 40% à cause de la sécheresse qui a touché toutes les régions du pays. Pour, ensuite, rappeler la note de la FAO qui faisait état, il y a quelques mois, de la baisse de la récolte de céréales en Algérie de 38% par rapport à l'année précédente. Le rapport évoque également les incendies qui ont dévasté plus de 89 000 hectares, des forêts ainsi que des arbres fruitiers et des oliveraies, dans 35 wilayas où 1 186 feux ont été enregistrés mais, est-il relevé dans l'état des lieux dressé par l'USDA, il n'y a aucun rapport sur les zones céréalières touchées par les incendies, tout comme aucune indication n'a été fournie par le ministère de l'Agriculture au sujet de la production céréalière. Mais, l'USDA reprend à son compte l'estimation qui situe une baisse par rapport aux années précédentes à 3,5 millions de tonnes de la moisson totale de blé et d'orge. Le blé baissant à 2,5 millions de tonnes alors que la production d'orge n'atteindra qu'un million de tonne. «Cette année, le ministère de l'Agriculture a lancé les préparatifs de la campagne de plantation 202-2023 en juillet, au lieu de septembre comme les années précédentes. Les plantations commenceront également plus tôt que les années précédentes. Les agriculteurs vont commencer les plantations en septembre plutôt qu'en octobre, plus tôt que d'habitude. Cette décision a été prise en prévision d'éventuelles pluies précoces», est-il rapporté par l'USDA qui fait état, pour la nouvelle saison, d'un programme adopté par le ministère algérien de l'Agriculture pour «le renforcement de l'irrigation de surface pour développer la culture des céréales au Sud, et l'irrigation d'appoint au Nord qui intéressera beaucoup les agriculteurs». Selon le Département américain de l'Agriculture, des rapports de traders indiquent que l'OAIC a continué à acheter du blé tout au long de 2021, des achats surtout de blé meunier (blé panifiable) et dur en option. «Les appels d'offres ont été lancés en février et se sont poursuivis sur une base mensuelle jusqu'en septembre», affirme le rapport de l'USDA qui ajoute que «la crise sanitaire persistante et la baisse des récoltes céréalières nationales affectées par la sécheresse ont obligé l'OAIC à acheter du blé malgré une augmentation des prix sur les marchés internationaux». Et au Département US de l'Agriculture de pointer : «L'Algérie ne publie pas les résultats de ses appels d'offres et les rapports commerciaux sont basés sur des estimations commerciales. Le fournisseur de données Trade Data Monitor, LLC (TDM) montre que 7,548 millions de tonnes ont été expédiées en Algérie durant l'année commerciale 2020-21». L'Algérie est devenue le plus gros client de l'Allemagne L'Algérie est le principal marché d'exportation du blé de l'Union européenne (UE), notent les Américains, se fiant au fournisseur de données commerciales LLC, qui estime à 78,71% du blé total exporté vers l'Algérie au cours de la campagne de commercialisation 2020-21 provenant des pays de l'UE. «Les fournisseurs internationaux rapportent que l'Algérie était la plus grande destination hors UE pour le blé tendre français en août avec une première estimation de 335 000 tonnes, suivie de la Côte-d'Ivoire», ajoute le rapport US qui, reprenant ce qui se dit chez les marchands internationaux de blé, décrit l'Algérie comme devenant le plus gros client de l'Allemagne, en raison de problèmes de qualité avec le blé français. Auparavant, analyse l'USDA, les prix élevés du blé en Russie et l'incapacité de celui-ci à répondre aux spécifications énoncées dans le cahier des charges de l'OAIC, les pays de l'UE et de la Baltique avaient la préférence des Algériens. Cependant, des informations de presse font état, depuis quelques mois, de la reprise des exportations de blé russe vers l'Algérie, après une interruption de cinq ans, allongeant ainsi la liste des fournisseurs pour l'Algérie. La Russie, l'un des plus gros exportateurs de blé au monde, a fait du lobbying pour l'accès au marché algérien sans succès jusqu'à récemment, affirme l'USDA qui ajoute que l'allègement du cahier des charges algérien ouvre davantage le marché aux pays de la région de la mer Noire. Cependant, malgré la modification des exigences algériennes sur la qualité du blé, la Russie pourrait continuer à faire face à un défi pour entrer sur le marché algérien en raison de ses prix élevés et de la taxe à l'exportation variable. Le rapport américain n'a pas manqué de rappeler l'information sur une première expédition de 30 000 tonnes de blé russe sur 60 000 prévues vers l'Algérie (voir Le Soir d'Algérie du 18 septembre). Et puis à l'USDA de rassurer les exportateurs américains de blé dur qu'« à moins que la Russie n'exporte du blé dur avec des prix compétitifs vers l'Algérie, les exportations de blé des Etats-Unis vers l'Algérie ne seraient pas affectées. Les Etats-Unis rivalisent avec le Canada sur le marché algérien du blé dur ». Pour l'orge, les vendeurs européens ont signalé qu'en mars, l'Office national des aliments du bétail (Onab) a acheté 170 000 tonnes, principalement de l'UE, rapporte l'Administration américaine qui avance qu'entre juillet 2020 et juin 2021, l'Algérie a importé un total de 834 000 tonnes d'orge, alors que l'OAIC aurait acheté environ 330 000 tonnes d'orge de diverses origines qu'elle va recevoir ce mois-ci. Puis, pour clore son rapport, reprenant ce qu'il indiquait dans de précédents rapports, l'USDA rappelle que le gouvernement algérien a lancé une feuille de route 2020-2024 visant à réduire la facture des importations alimentaires de 2,5 milliards de dollars en ciblant les importations de plusieurs produits, tels que le blé (tendre) panifiable, le maïs, l'huile végétale, le sucre, la tomate industrielle et les graines de pomme de terre. Une partie de la stratégie de développement consiste à augmenter la production de blé dur et d'orge. Le ministère de l'Agriculture va ainsi revoir la cartographie de la répartition des cultures céréalières, en particulier le blé dur, selon les modalités techniques, les spécificités géographiques et économiques de chaque région. Le ministère développera une approche globale et une conception réaliste pour réaliser une véritable révolution dans la production céréalière et les semences. Ceci, en plus de l'identification d'autres terres propices à la culture du blé dur et de l'orge, en particulier dans les zones à fortes précipitations. Le gouvernement entend également porter la production céréalière à 7,1 millions de tonnes et cultiver des oléagineux comme l'arachide, le soja et le colza, sur environ 500 000 ha d'ici 2024. Azedine Maktour