Sale temps pour la presse libanaise condamnée à faire profil bas devant les puissants du Moyen-Orient. La « troïka arabe », c'est le royaume wahhabite, les Emirats arabes unis et le Qatar. Il ne faut surtout pas sortir des rangs au risque de subir les foudres de ceux qui font et défont politiquement les gouvernements des « Etats Petit Poucet ». Dans un pays où la moitié de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté et où la banqueroute financière entraîne dans son sillage les banques et sa conséquence, la cessation de paiement, c'est le champ libre à toutes les immixtions extérieures. Les Libanais n'ont plus le contrôle de leur destinée, une alternative peu reluisante du commun des mortels. Fort heureusement, ce n'est pas une règle générale. Pour autant, des Libanais gardent la tête haute, osent exprimer un avis différent dans une ambiance pervertie par la loi des plus forts. La presse, qui pourrait être un espace de débats contradictoires, se meurt. L'un après l'autre, les journaux mettent la clé sous le paillasson quand ce ne sont pas les salaires des journalistes qui subissent des coupes franches. Beaucoup d'hommes et de femmes de culture s'expatrient. Le célèbre animateur de télévision, Georges Cordahi, l'apprend à ses dépens pour avoir dit son désaccord avec les guerres contre la Syrie et le Yémen. Mal lui en prit, les représailles ne se font pas attendre. La « troïka arabe » rappelle ses ambassadeurs à Beyrouth, semant l'émoi dans un gouvernement hyper-fragile. Georges Cordahi, 71 ans, nommé ministre de l'Information, est sommé de démissionner, ce qu'il refuse. Une position qu'il assume en dépit d'un tragique précédent, son collègue journaliste saoudien, Djamel Khashoggi, n'a-t-il pas été assassiné dans d'atroces conditions pour avoir critiqué le tout-puissant prince héritier, Mohamed Ben Salmane ? Malgré lui, l'animateur télé se retrouve dans la situation de victime expiatoire des échecs des politiques hégémoniques dans un Moyen-Orient contrasté, insaisissable vis-à-vis des grandes questions qui interpellent le monde arabe. L'animateur vedette n'est pas le seul à subir les foudres de la répression pour avoir fait preuve de liberté de parole. Le juge d'instruction libanais, Tariq Bitar, a vu la classe politique se liguer contre lui car son enquête risque de dévoiler de douloureuses vérités sur les responsables de l'explosion du port de Beyrouth du mois d'août 2020 qui a fait d'énormes dégâts matériels et humains. Décidément, dans cette partie du monde, le stress est de rigueur. Nul ne peut occulter le fiasco de la guerre contre le Yémen, les agressions répétées contre la vieille Syrie par les pétromonarchies. Cette fin d'année aura enregistré l'abandon de la cause palestinienne, la soumission à l'ennemi usurpateur de la Palestine. Et ça se permet même de menacer l'Algérie à l'ONU, s'agissant de la décolonisation du Sahara Occidental. Sans retenue aucune ! En cause aussi de cette hostilité affichée, l'excellence des relations qu'entretient l'Algérie avec le pays des ayatollahs, devenu pour les émirs du Golfe un fantôme qui leur donne des insomnies. Brahim Taouchichet