Les 6es Journées du film européen qui ont débuté jeudi à Alger, se poursuivent jusqu'au 11 novembre à la Cinémathèque. Au programme, 14 productions entre documentaires, longs et courts-métrages dont Viendra le feu, un film espagnol projeté hier. Parmi les 14 pays présents dans la programmation de cette 6e édition des Journées du film européen, l'Espagne participe avec le long-métrage Viendra le feu (2019) d'Oliver Laxe ; une œuvre lancinante et contemplative saluée à Cannes par le prix du jury dans la section «Un certain regard». Signé par un jeune réalisateur de 37 ans dont c'est le troisième film, Viendra le feu happe le regard du spectateur dès la première séquence qui annonce déjà la couleur. Deux yeux gigantesques et incandescents nous braquent au milieu d'une forêt dense dont les arbres semblent d'une longueur interminable et qui, pourtant, finissent par céder devant l'assaut d'un monstre mécanique qui les abat un par un. C'est le début d'un film qui ne manquera pas de déterrer chez le spectateur algérien le récent traumatisme des incendies qui ont endeuillé le pays, en août dernier. Et pour cause : nous sommes dans les montagnes de la Galice en Espagne ; Amador Corro vient de sortir de prison après avoir été condamné à une peine de deux ans ferme pour pyromanie. De retour dans son village qui garde encore le souvenir de ce terrifiant incendie. Le retour du coupable désigné provoque donc un profond malaise parmi les paysans qui lui font subir une espèce de quarantaine. Amador n'a que sa mère et ses vaches pour tromper la solitude ; son quotidien, paisible et routinier, coule ainsi dans le giron d'une nature envoûtante, jusqu'à ce qu'un nouvel incendie se déclenche dans la région. Les regards se dirigent immédiatement vers Amador. Oliver Laxe nous offre ici une œuvre de cinéma total qui sublime chaque détail et immerge le spectateur dans une ambiance mystique et vaporeuse à l'image de cette Galice filmée comme un personnage à part entière. Le réalisateur fait du dépouillement et de la lenteur, une force incommensurable qui confère à son film une esthétique singulière et pudique. Sans savoir de quoi veut-il exactement nous parler, nous nous laissons porter par cette poésie protéiforme qui alterne, à l'instar de la nature, colère et sérénité, violence et apaisement, léthargie et destruction. Une poésie lumineuse qui magnifie surtout cette humble paysannerie dont l'intimité du quotidien et des états d'âme est offerte au spectateur sans voyeurisme ni condescendance. Comme souvent dans les bons films, Viendra le feu pose plus de questions qu'il ne donne de réponses ; on ne saura jamais si Amador était le véritable coupable mais on sort de ce film comme on revient d'une intense expérience à la fois esthétique et spirituelle. Les Journées du film européen se poursuivent aujourd'hui à la Cinémathèque d'Alger avec au programme, la comédie dramatique hongroise Bad poems de Gabor Reisz à 17h30 et le film franco-belge Nos batailles de Guillaume Senez à 19h30. S. H.