Un sommet arabe, le 31e, aura lieu dans quatre mois à Alger... sans Boumediène. Et c'est dans un contexte complètement transfiguré par les Accords d'Abraham qui ont scellé la normalisation (reconnaissance) des relations des Emirats arabes unis et de Bahreïn avec l'Etat sioniste d'Israël. À l'évidence, ce sera le thème majeur, à l'exclusion du problème palestinien. C'est la porte grande ouverte à d'autres reconnaissances actualisées par le Makhzen et le Soudan, pays pris dans les démons de la guerre et les luttes pour le pouvoir. Le Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement, annoncé pour le mois de mars de l'année prochaine, sera le 4e qui se tiendra dans la capitale algérienne, la palme revenant à l'Egypte avec 9 rencontres au sommet. Ce sommet ordinaire se tiendra pourtant dans un contexte « extraordinaire », vu l'actualité du monde arabe. C'est, assurément, dans un terrain miné par plusieurs sujets explosifs qu'Alger s'aventure. Il se pose la question de sa réussite, sachant que le monde arabe est à la croisée des chemins quant à son avenir. Il est loin le temps (en 1946) où le credo des monarchies et des gouvernements arabes était la libération de la Palestine, la lutte contre l'ennemi commun usurpateur, expansionniste, raciste, l'Etat d'Israël. Pourtant, ce n'est qu'au sixième Sommet d'Alger (1973) que la Résistance palestinienne, sous l'impulsion de Boumediène, s'était dotée du statut de représentant unique et légitime du peuple palestinien, l'OLP (Organisation de libération de la Palestine), sous la direction du défunt Yasser Arafat. Trois guerres (1948, 1967, 1973) n'ont pas fait avancer la « cause sacrée » commune. Au contraire, le grignotage permanent des terres palestiniennes les ont réduits à la portion congrue. Le malheur des Palestiniens n'est pas près de prendre fin, sous le regard complice (aveu d'impuissance) des dirigeants arabes. L'échec est flagrant, il encourage davantage l'ennemi dans son arrogance et son projet du Grand Israël. Les accords du siècle ont ainsi leur pendant, l'échec du siècle du monde arabe. Il est empêtré dans des guerres, aussi injustes que ruineuses et meurtrières et sans fin au Yémen, contre la Syrie, l'embargo contre le Qatar. Ce sont autant de pierres d'achoppement qui font voler en éclats la solidarité proclamée entre les « frères arabes ». Incontestablement, le terrain est miné. Les événements de ces derniers jours montrent à quel point ces réunions de très haut niveau trahissent leur incapacité dans la solution des conflits interarabes. Le choix d'abdiquer devant l'ennemi de toujours prouve, s'il en est besoin, l'abandon de la lutte et l'adoption de la voie de la soumission à l'Etat hébreu. Plus grave, la persistance de la guerre contre le Yémen, l'amalgame introduit concernant l'Iran compliquent davantage la perspective de sortie des crises, qu'aucun sommet n'a réglées. À cet égard, il y a une volonté d'enterrer la question du Sahara Occidental à chaque rendez-vous. La position unanime des monarchies du Golfe visant à légitimer l'occupation par le Maroc du territoire sahraoui est une plaie ouverte. En retard d'une guerre, ces pays légitiment une entreprise coloniale surtout qu'elle est le fait d'un de ses membres. La République sahraouie démocratique n'a été conviée à aucun des 30 sommets. Vu leur non-reconnaissance de la lutte du peuple sahraoui pour son indépendance, il est fort plausible que la RASD ne participe, une fois de plus, pas au prochain Sommet à Alger, ni espérer la condamnation de l'assassinat des routiers algériens. Un sommet à blanc donc ? D'où l'interrogation quant à son opportunité s'agissant des intérêts de l'Algérie. Brahim Taouchichet