La Communauté économique des 16 Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao), francophone à l'exclusion du Nigeria et de la Sierra Leone, renvoie l'image d'un gros chat en train de martyriser une petite souris sans défense. Au Mali, le gouvernement de Transition, issu du coup d'Etat militaire du mois d'août 2020, est acculé à la défensive. Sur le plan interne d'abord, l'opposition coalisée, formée de plusieurs personnalités politiques, se veut déterminée à mener la vie dure aux nouveaux maîtres du pays. Pour preuve, le boycott des Assises nationales pour une sortie de crise. Une cinquantaine de personnes issues de la classe politique, des organisations de la société civile, des chercheurs, des historiens, des avocats et autres sont chargés, durant tout le processus, de leur bonne tenue. Ils sont parrainés par, évidemment, les autorités de la Transition ainsi que certains partis politiques et des représentants de la société civile. Sauf qu'il n'y a pas unanimité dans ce projet, une soixantaine de formations politiques optent pour le boycott. L'occasion pour les animateurs de la Cédéao de se faire entendre bruyamment des autorités militaires maliennes pour qu'elles cèdent le pouvoir aux civils (« Madania, machi 3askaria »). Et d'une façon qui ne souffre aucune contestation car celles-ci n'ont pas respecté la feuille de route « tracée pour eux ». Le gouvernement de Transition y voit là une ingérence flagrante qui complique sérieusement un retour possible à la normale. Militaire, le colonel Assimi Goïta, né en 1983, auteur du coup d'Etat, se pose en dehors du sérail politique traditionnel malien. Il voit se liguer contre lui tous les marginalisés de la nouvelle donne politique. En conséquence, son projet pour le Mali est contesté, voire décrié à grands renforts de publicité médiatique. La Cédéao, qui met en avant le retour à la légalité constitutionnelle, enfonce le clou et recourt à des pressions insupportables, allant jusqu'aux sanctions économiques dont l'embargo commercial sur certains produits. Imaginez le dénuement des populations maliennes produit par la paupérisation induite. Pis, l'organisation sanctionne 149 personnalités et leurs familles (en quoi elles sont responsables ?) dont le Premier ministre de Transition, Choguel Maïga, c'est-à-dire la quasi-totalité du gouvernement malien ! De quoi alors s'interroger pour qui roule la Cédéao. Par ailleurs, le pouvoir des colonels s'en sortirait s'il n'avait pas à subir les foudres d'oppositions extérieures, extra-africaines, celles-là. Parce qu'aucune solution à la crise par les Maliens eux-mêmes n'est recevable ! Sur instigation de la France, évidemment. En effet, l'ancienne puissance tutélaire coloniale ne supporte pas les velléités d'indépendance de l'ancien Soudan occidental, vues comme crimes de lèse-majesté. Qu'à cela ne tienne, Paris s'empresse donc d'activer le Parlement européen et le pousse à prendre des sanctions supplémentaires à celles de la Cédéao qu'il légitime. Et cela pousse Assimi Goïta à rechercher des soutiens à l'extérieur y compris dans les mercenaires russes. La boucle est bouclée, le colonel, instigateur du coup d'Etat, se retrouve, et donc le Mali, pris dans une spirale d'influences géostratégiques entre l'ancienne et les nouvelles puissances. Cédéao, Parlement européen, cause commune ? Comme quoi, toute tentative de remettre en cause l'ordre ancien est passible de pires calomnies et d'accusations, porte ouverte à la perpétuation de la soumission. Rompez les rangs ! Brahim Taouchichet