Le colonel a laissé place, hier, au nouveau président de la transition malienne, Assimi Goïta, qui a prêté serment pour une période déterminée au bout de laquelle il est censé rendre le pouvoir aux civils. Au lendemain du premier coup de force intervenu en août 2020 et qui a coûté son fauteuil au président élu Ibrahim Boubacar Keita, victime de plusieurs mois de contestation menée par la coalition civile M5-RFP, un accord avait été trouvé pour une transition de 18 mois, sanctionnée par des élections prévues en février 2022. A la base de cette politique se trouvaient la Cédéao et l'Union africaine ainsi que les Nations unies qui ont fortement pesé pour un respect du dispositif constitutionnel. Le deuxième coup de force entrepris par le colonel Goïta, en mai dernier, a eu l'effet d'un coup de tonnerre dans le ciel à peine éclairci du Mali qui reste, plus que jamais, confronté à une double crise socio-économique et sécuritaire dont les conséquences vont bien au-delà de ses frontières pour affecter l'ensemble de la région sahélienne. D'où la prudence relative avec laquelle les organisations régionale, continentale et internationale ont cette fois réagi, gelant la participation du Mali aux activités de la Cédéao et de l'UA mais sans pour autant appliquer les sanctions comme cela fut le cas, lors du premier coup de force. Il faut dire que les conséquences de ces sanctions ont été durement ressenties par la population dans son ensemble et que celle-ci n'a pas manqué d'exprimer ses griefs envers les pays qui en sont à l'origine mais aussi la France. Celle-ci a d'ailleurs exprimé sa colère au lendemain du coup de force, convaincue qu'il allait profiter à des formations islamistes, voire «jihadistes» comme se complaît à les désigner une certaine presse. Du coup, Paris a «provisoirement» mis fin à la collaboration militaire de la force Barkhane avec l'armée malienne dans la lutte contre les groupes extrémistes qui pullulent dans le pays et, par extension, dans l'ensemble des pays voisins, le Burkina et le Niger, avec lesquels le Mali partage une zone gangrenée par le fléau et surnommée «la région des trois-frontières». Deux jours avant l'investiture, il apparaissait clairement que le colonel Goïta, désigné par la Cour constitutionnelle du Mali comme nouveau président de la transition, nommera comme Premier ministre le chef de file du M5-RFP, Choguel Kokalla Maïga, avec pour conséquence immédiate un soutien des partis et de la société civile, et plus largement de la population, aux auteurs du coup de force dont le nouveau président de transition. Maïga s'est déjà employé à rassurer en appelant au dialogue et en regrettant le langage des menaces et des sanctions qui, assure-t-il, ne servent pas la cause du Mali. Toute la question, selon les puissances occidentales mais aussi l'UA et la Cédéao, reste de savoir si les nouveaux dirigeants vont prendre des engagements clairs sur la manière de gérer les huit mois restants de la transition telle que conclue lors des tractations au lendemain du premier coup de force. Or le président de transition Goïta a été hier formel: «Le Mali respectera tous ses engagements». Toujours est-il que la présence de la Coordination des Mouvements de l'Azawed (CMA), l'ancienne rébellion au nord du Mali, à la cérémonie d'investiture du président Goïta signifie que l'Accord de paix issu du processus d'Alger reste toujours de mise et c'est ce qui importe le plus pour une véritable sortie de crise du pays sahélien.