La consommation d'antibiotiques sera dorénavant soumise au contrôle. Le ministre de la Santé a annoncé, hier, la mise en place d'un comité national multidisciplinaire en charge de la surveillance de la consommation d'antimicrobiens. Ainsi, une certaine gamme d'antibiotiques sera soumise à l'obligation de la prescription médicale et interdite en vente libre dans les officines. Salima Akkouche - Alger (Le Soir) - C'est connu, les antibiotiques ce n'est pas automatique. Pourtant, ce sont les médicaments les plus soumis à l'automédication, puisqu'ils sont en vente libre dans les officines. Le recours abusif aux antibiotiques entraîne une résistance microbienne qui fait craindre le pire, rappellent les professionnels de la santé. D'ailleurs, le professeur Ammar Tebaïbia, président de la Société algérienne de médecine interne, qualifie cette résistance d'une pandémie silencieuse qui réserve probablement des surprises. L'arrivée de la pandémie de Covid-19 n'a pas aidé, puisque la consommation d'antibiotiques, notamment des nouvelles molécules, a explosé durant cette période. Selon le professeur Tebaïbia, 100% des patients traités pour Covid-19 se sont vus prescrire des antibiotiques dès le premier jour, durant la 3e vague du Covid, dans l'hôpital de Birtraria, à Alger. Le ministère de la Santé, qui a célébré, hier, la Journée nationale de lutte contre la résistance aux antimicrobiens, a appelé à l'usage «correct» de ces médicaments. «La résistance aux antibiotiques est une menace de santé publique », a souligné le docteur Fourar, directeur général de la Direction de la prévention au ministère de la Santé. Pour freiner les conséquences d'une consommation abusive, le ministre de la Santé a annoncé la mise en place d'un comité multidisciplinaire au sein de la Direction générale de la pharmacie chargé de la surveillance de la consommation d'antibiotiques. « Il est important de disposer de données sur la consommation d'antimicrobiens. Pour ce faire, nous avons mis un cadre réglementaire par la création d'un comité national multidisciplinaire en charge de la surveillance de la consommation d'antimicrobiens avec un point focal national au niveau de la Direction générale de la pharmacie », a déclaré Benbouzid. Ce comité, dit-il, travaillera en étroite collaboration avec les réseaux de surveillance de la résistance aux antimicrobiens et participera à la validation des guides thérapeutiques. La directrice générale de la pharmacie au ministère de la Santé a souligné que ce comité national sera bientôt lancé puisque le texte d'application a été signé. Ce comité, explique la directrice de la pharmacie, sera chargé de discuter de tout ce qui a trait à la surconsommation d'antibiotiques. Se basant sur ce qui se fait ailleurs, dit-elle, le comité va faire un listing des antibiotiques soumis obligatoirement à la prescription. Les textes soumettant les antibiotiques à l'obligation de prescription existent déjà, relève le docteur Mohamed Yousfi, chef de service des maladies infectieuses à l'hôpital de Boufarik. Le problème, soulève le docteur Yousfi, c'est que ces textes ne sont pas respectés. Le comité va justement instaurer l'obligation de l'application, précise la directrice de la pharmacie. Par ailleurs, l'OMS considère la résistance aux antimicrobiens comme l'une des 10 plus grandes menaces pour la santé publique auxquelles se trouve confrontée l'humanité. Les projections faites d'ici à l'horizon 2050 révèlent que 10 millions de morbidités seront attribuées à la résistance aux antimicrobiens, soit plus que les décès liés au cancer qui représenteront 8,2 millions. Les officines pointées du doigt Les pharmaciens ont été pointés du doigt, hier, par le président de la Société algérienne de médecine interne, et celui des maladies infectieuses ainsi que le professeur Benhalla, chef du service pédiatrie du CHU de Beni Messous, qui ont dénoncé le non-respect de la réglementation par les pharmaciens qui délivrent des antibiotiques sans ordonnance. « Le pharmacien n'a pas le droit de délivrer sans ordonnance, et pourtant il le fait », dénoncent ces professionnels de la santé. Cependant, il y a également une prescription abusive des antibiotiques en intra-hospitalier, relève la directrice de la pharmacie du ministère de la Santé. « Il y a tellement d'abus de prescription au sein des services cliniques et la prescription est de plus en plus croissante, qui va vers les nouvelles molécules, que nous avons réactivé le sous-comité d'antibiotiques », a-t-elle indiqué. S. A.