Abdelkader Ould-Makhloufi demeure une légende vivante de la boxe algérienne et son récent jubilé à la salle Harcha a réveillé bien de bons souvenirs de ce magnifique pugiliste qui avait enflammé cette enceinte. Champion d'Algérie, puis d'Afrique, il était passé professionnel en France où il avait combattu et battu des champions européens. Aujourd'hui, à 77 ans, il coule une paisible retraite, mais il est un peu amer et n'a pas hésite à décocher des «directs» envers la fédération. Vous étiez présent lors des funérailles de Loucif Hamani. Vous aviez débuté la boxe ensemble ? Non, j'ai commencé à pratiquer la boxe avant lui vu que j'étais son aîné de quelques années. C'était un ami et nous avions souvent boxé ensemble, surtout en Europe car nous étions programmés dans les mêmes challenges et soirées pugilistiques. Que pourriez-vous dire sur la personne de Loucif Hamani ? C'était un véritable gentlemen dans la vie, très gentil et respectueux des gens. Quelle a été votre réaction lors de sa défaite en demi-finale du titre mondial face à Marvin Hagler ? Personnellement, à l'époque, j'étais totalement contre ce combat parce que cela faisait 17 mois que Hamani n'avait pas boxé et c'était un vrai handicap car même s'il s'entraînait, rien ne remplace les combats. Il paraît que c'est son manager qui l'a obligé à accepter de défier Hagler ? Oui, mais il avait un manager amateur que je connaissais très bien et qui n'était pas professionnel du tout. Quand on revoit le combat, Hamani encaisse un direct du droit puis un crochet du gauche qui l'envoient au tapis accroupi près des cordes. Hagler en profitera pour l'achever d'un autre crochet qui l'expédie en dehors du ring. L'arbitre aurait pu arrêter le combat avant ? Oui, certainement. Je pense que dès que Hamani va au tapis, il aurait dû stopper le combat et ne pas le laisser subir des coups supplémentaires. Pour revenir à votre carrière, est-il vrai que vous avez boxé au niveau du ring de Montreuillois de France où un certain Jean-Paul Belmondo avait fait ses débuts avant d'embrasser une carrière d'acteur ? Oui. J'étais un international champion d'Algérie et je ne trouvais plus d'adversaires à ma taille. J'étais amateur et comme à l'époque, le professionnalisme était interdit en Algérie pour toutes les disciplines, je suis parti en France où j'ai obtenu une licence professionnelle. J'ai commencé à affronter des champions de France, de Belgique et d'Europe. Quant à Belmondo, il était dans un autre club que le mien. Mais il venait souvent me voir à l'œuvre au Palais des sports de Paris et il discutait avec nous en toute simplicité, alors qu'il était déjà une vedette de cinéma. Vous avez été champion d'Algérie puis champion de France en «amateur», mais en professionnel, vous n'avez gagné aucun titre ? J'ai affronté des champions de plusieurs pays européens que j'ai battus aux points mais comme j'étais algérien, je ne pouvais pas être consacré. On m'a souvent demandé de prendre la nationalité française, mais j'ai toujours refusé. Après votre carrière, vous avez eu l'occasion d'être nommé DTN... Dès les années 70, et avant de rentrer en Algérie, je me suis dit que j'avais passé ma vie à boxer et je n'avais aucune qualification professionnelle ni un diplôme d'études supérieures. Alors, j'ai songé à faire de la boxe mon métier. J'ai obtenu tous les diplômes nécessaires, et alors que j'étais en vacances en Algérie, de hauts responsables politiques m'ont demandé de driver l'EN de boxe. C'est le Président Boumediène qui était féru de boxe qui vous l'a demandé ? Non, c'était son secrétaire général, le regretté Abdelmadjid Allahoum qui avait l'habitude de venir assister à mes combats à la salle Harcha qui me l'avait demandé. Et aujourd'hui, je ne regrette pas d'avoir accepté. Vous avez déclaré que la boxe algérienne se meurt aujourd'hui. Diriez-vous qu'elle est morte ? Rien n'a changé depuis que je l'ai déclaré, il y a quelques années. La preuve, depuis l'an 2000, l'Algérie n'a remporté aucune médaille aux différents J.O et c'est grave. Quelle serait, selon vous, la solution pour faire revivre la boxe ? La priorité devrait être donnée à la formation des entraîneurs. Mais l'ISTS forme bien des TS en boxe ? Je ne les connais pas, et je ne sais pas s'ils ont pratiqué le noble art. Pour entraîner un boxeur, il faut impérativement avoir boxé. La boxe est un échange de coups, pas de la théorie. Actuellement, il n'y a pas de stages de boxe en Algérie. La faute à qui ? À la fédération qui se caractérise par une instabilité chronique. Cela fait à peine trois mois que l'actuel président de la fédération a été installé. Nous en sommes déjà au quatrième ministre des Sports en quelques mois. Si même au niveau ministériel, il y a aussi une instabilité, comment voulez-vous que l'on contrôle la fédération ? Cela ne peut pas arranger la situation de la boxe. Pour conclure ? Il y a 40 ans, j'avais écrit un article sur un journal dans lequel j'exprimais le souhait de transmettre mon expérience et mon savoir aux générations montantes du pays. Certes, j'ai dirigé l'équipe nationale pendant cinq ans, mais aujourd'hui, moi qui ai toujours voulu être utile et servir mon pays, je ne suis même pas membre de l'assemblée générale de la fédération, ce qui prouve bien que l'on marginalise les compétences. Propos recueillis par Hassan Boukacem