La visite d'Etat de trois jours de Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, la précédente d'un Président mauritanien à Alger remontant à dix ans, intervient dans un contexte politique et sécuritaire spécifique. Si les relations algéro-mauritaniennes portent le sceau de la solidarité avec ce pays, dont l'indépendance a été fortement défendue contre les visées expansionnistes du Makhzen, leur relance est une feuille de route imposée par les bouleversements intervenus dans la région. Au plan politique et sécuritaire d'abord, avec les ingérences étrangères dans la région sahélo-saharienne et l'activité des groupes terroristes instrumentalisés. La Mauritanie fait partie du G5 aux côtés de quatre autres pays. L'Algérie ne cautionne pas cette alliance sous influence de la France et qui s'est avérée inefficace. La mise à jour entre les deux partenaires dans le cadre des discussions du volet politique de la visite entre les deux chefs d'Etat permettra de lever le voile sur les événements en cours dans cette partie du Maghreb, afin de parer aux mauvaises surprises susceptibles d'être induites par les nouveaux agendas locaux. L'importance de la coordination sécuritaire est donc cruciale. La Mauritanie, moins touchée par le terrorisme islamiste, voit dans l'Algérie un partenaire fort. Réactiver le Cemoc (Comité opérationnel conjoint), créé en 2010, est une éventualité à ne pas exclure. L'intrusion de l'Etat sioniste usurpateur dans la région grâce aux «bons soins» du Makhzen expansionniste prendra certainement une bonne place dans les entretiens politiques entre les deux Présidents, dont les pays se trouvent projetés aux avant-postes de la résistance. Ainsi, une rude bataille est, d'ores et déjà, engagée au niveau de l'Union africaine (UA) contre l'admission de l'Etat sioniste en qualité de membre observateur. Le tandem Israël-Maroc menace de porter atteinte à la Charte de l'Union, voire la dévier de sa mission. Avec Tebboune, Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani ne manquera pas d'anticiper sur le prochain sommet d'Alger que Nouakchott a déjà eu à accueillir une fois. Une convergence de vues sur les principaux sujets qui y seront abordés confirmera l'entente, déjà cordiale, entre l'Algérie et la Mauritanie. Intégration régionale Il n'échappe pas au partenaire mauritanien la volonté d'intégration qui anime le pensionnaire du Palais d'El Mouradia. Et d'ailleurs, c'est l'une des préoccupations du Président de la Mauritanie. Au plan commercial, un premier jalon est mis en place avec l'achèvement du tronçon routier Tindouf-Zouérate pour la libre circulation des biens et des personnes. Pour les Mauritaniens, la proximité géographique est aussi un atout. Mais les Algériens voudraient donner plus de consistance à cette volonté commune d'intégration régionale économique. La réunion, hier, de la Confédération algérienne du patronat citoyen (CAPC) avec les entrepreneurs mauritaniens dégagera, à coup sûr, les idées axes de la coopération et des échanges économiques. Les officiels algériens auront certainement à cœur d'intégrer les Mauritaniens dans une démarche plus large qui intégrerait la Tunisie et l'Egypte. Le vœu est de sortir la construction du Maghreb du flou du stade des intentions. Rappelons que lors de la récente visite de Abdelmadjid Tebboune, à Tunis, 27 accords de coopération ont été signés, afin de relancer les relations bilatérales. Signalons que les secteurs concernés par ces accords de coopération vont de la justice, l'intérieur, les collectivités locales, à l'énergie et les mines, les PME et start-up, l'industrie pharmaceutique, l'environnement, les affaires religieuses, de l'éducation et de la formation professionnelle, de la pêche, de l'information, ainsi que celui de la culture. Tout un programme ! Cela a amené le Président tunisien Kaïs Saïed à dire que l'Algérie et la Tunisie ont «amorcé une nouvelle étape dans l'Histoire». Cette tendance imprimée ainsi par les officiels algériens englobe aussi l'Egypte. En effet, le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, a été dépêché au Caire, début août dernier, en qualité d'envoyé spécial de Abdelmadjid Tebboune. Au Caire, le diplomate a eu à exposer les idées de l'Algérie en matière de sécurité et de coopération intéressant la région Nord-Afrique. À ce propos, la situation en Tunisie a été abordée. Ainsi, les parties algérienne et égyptienne ont publiquement proclamé le soutien de leurs pays respectifs au Président tunisien. C'est un communiqué du porte-parole de la présidence égyptienne qui porte à la connaissance de l'opinion publique que l'Egypte et l'Algérie ont convenu «d'apporter leur soutien absolu au Président Kaïs Saïed et à tout ce qui est de nature à préserver la stabilité de la Tunisie et aider à mettre en œuvre le choix du peuple tunisien frère». Peut-on alors parler d'une nouvelle alliance quadripartite Algérie-Egypte-Tunisie-Mauritanie ? Il est vrai qu'à l'ère des cartels et autres alliances dans le monde, «on ne peut faire face aux défis séparément. Nous devons conjuguer les efforts...», a dit à Tebboune Kaïs Saïed. Brahim Taouchichet