Des crises diplomatiques (sur fond politique) entre l'Algérie indépendante et la France qui n'arrive pas à tourner la page de son passé colonial, ne surprennent plus tant elles sont devenues récurrentes. On pourrait croire que la dernière, déclenchée maladroitement (?) par Emmanuel Macron est la plus violente, ne serait-ce que de par son impact médiatique d'abord. Ensuite, le choc et l'émotion provoqués au sein même de la population algérienne, nation qui n'existerait pas avant la colonisation française, sont sans commune mesure avec les crises passées. Le Président français, auteur de cette «bourde», déçoit car il était attendu de lui un autre discours (il est né après la guerre d'Algérie) capable d'ouvrir de nouveaux horizons grâce à des relations décontractées entre Etats souverains. Il n'en est rien, à vouloir séduire un électorat nostalgique en pleine pré-campagne présidentielle. Les conséquences sont donc à la hauteur d'une agression qui ne dit pas son nom. L'Algérie n'existerait donc que grâce à la générosité d'une France coloniale venue civiliser et apporter la prospérité à un peuple ruiné par la pauvreté et la misère. Mais une fois n'est pas coutume quant à la réaction du palais d'El Mouradia. D'abord diplomatique, avec le rappel « pour consultations » de l'ambassadeur à Paris, Mohamed-Antar Daoud, la riposte sera étendue à d'autres domaines des relations Algérie-France. Il s'agit de faire comprendre à travers ces mesures de rétorsion que l'Algérie ne craint pas le bras de fer, quels que soient les risques. Et que la France officielle parvienne à admettre équité et égalité entre deux Etats. Et surtout qu'elle se débarrasse enfin de son passé colonial révolu. D'autre part, les ex-colonies disposent, aujourd'hui, de moyens de rétorsion qui leur assurent la défense de leur dignité. Par exemple, l'interdiction de l'espace aérien algérien aux avions bombardiers français, les approvisionnements en blé en dehors du marché français. Sans oublier la campagne en faveur de l'utilisation de la langue de Shakespeare aussi bien dans l'administration que dans les universités, voire l'école. D'ailleurs, ce n'est pas la première fois que cette menace de «défrancisation» est agitée mais de façon plus concrète cette fois-ci. Au demeurant, les décideurs français doivent savoir que les nouvelles générations d'Algériens optent de plus en plus pour la pratique de l'anglais, les réseaux sociaux faisant. Sans haine. Trois mois, la rupture entre Alger et Paris aura été la plus longue ( 2 octobre 2021-13 janvier 2022). Antar Daoud a donc rejoint son poste à Paris. Bien sûr l'on évoque la volonté de se tourner vers l'avenir et que pour la France, l'Algérie est un partenaire stratégique sur le plan économique et politique. Au demeurant, c'est une réalité au vu de la nouvelle conjoncture que traverse plus particulièrement l'Afrique. Dans les pays de la bande sahélo-saharienne se développe un fort sentiment de s'affranchir de la tutelle française. Les officiels français ont besoin de cette « puissance d'équilibre » régionale qu'est l'Algérie non impliquée militairement. La concertation entre les deux capitales est appelée à s'intensifier au regard du danger que représente la «normalisation» Maroc-Etat d'Israël pour toute la région ainsi que les menées sionistes en Libye visant à prendre en étau l'Algérie, but ultime de sa pénétration dans le nord de l'Afrique. Cela n'échappe pas à l'Elysée qui a aussi compris qu'il est de l'intérêt de la France d'assouplir sa position dans le conflit du Sahara Occidental. Un débat a eu lieu à l'Assemblée nationale française sur cette question de décolonisation. Toutefois, la vigilance reste de mise. Brahim Taouchichet