Le constat est clairement établi : la consommation de pétrole augmente au moment où l'offre a du mal à suivre. Les raisons ? Le variant Omicron n'a pas eu le don de ralentir l'activité économique, comme c'était craint il y a un peu plus d'un mois, la tension dans certains pays producteurs, et l'offre en deçà des quotas attribués pour la production dans le cadre de l'entente entre pays de l'Opep et leurs alliés menés par la Russie. Le «cocktail» est suffisamment détonant pour que les prix prennent de la hauteur. Le marché pétrolier, toujours aussi sensible, a enregistré, hier mercredi, à Londres, bien avant que la première moitié de la séance soit bouclée, un niveau de prix que beaucoup parmi les analystes les plus optimistes n'attendaient pas au moins avant trois ou quatre mois. Avant midi, heure d'Alger, le prix du baril de Brent de la mer du Nord affichait en effet 89,05 dollars, porté par l'élan de la séance de mardi qui a vu le même baril de Brent marquer 88,13 dollars, égalant son cours de la mi-octobre 2014, avant de finir l'euphorique journée à 87,51 dollars, tandis que sur le marché de New York, la séance a été bouclée à 85,43 dollars le baril de WTI, alors qu'il a été pointé à 85,74 dollars, un autre haut depuis également la mi-octobre 2014. Hier donc, vers midi, le prix de cession du baril de Brent était à un très «respectable» 88,60 dollars confirmant si besoin était que la conjoncture est toute faite pour le maintien de la courbe des prix à la hausse. L'offre restreinte, du moins au goût des plus grands consommateurs mondiaux, et la demande grandissante du fait que Omicron n'a pas eu d'incidence sur la reprise économique, d'une part, et les tensions géopolitiques dans certains pays, en premier lieu le risque que dérape le conflit russo-ukrainien et l'attaque contre le pays producteur que sont les Emirats arabes unis, d'autre part, ont boosté la demande de la part des consommateurs. Ceci ajouté au risque avéré que le marché soit amputé de larges parts de production de certains pays membres d'Opep+. Plus il y a moins de pétrole sur le marché, plus son prix monte. Et il y a tout lieu de croire que la tendance n'est pas près de changer. Le Brent et le WTI, qui avaient terminé l'année 2021 sur des gains d'environ 40%, affichent d'ores et déjà une hausse de plus de 10% depuis le 1er janvier. Et puis, il y a cette donne vieille de plusieurs mois maintenant qui fait que les problèmes d'approvisionnement de plusieurs pays développés en gaz impactent directement le prix du pétrole : les prix élevés du gaz naturel entraînent en effet une augmentation de la demande de diesel et de fioul utilisés en substitution surtout pour le chauffage. Le pétrole de schiste US pour baisser les prix ? La parade pour parer à la flambée, conseillée par certains analystes, est de miser sur le pétrole de schiste made in USA. Sauf que depuis que la pandémie frappait fort, durant la première et la deuxième vague, l'effondrement historique des prix du pétrole a mis à genoux de très nombreuses compagnies. Beaucoup de ces compagnies sont certes revenues dans le coup, mais elles peinent à retrouver un niveau de production tel qu'il puisse compenser les restrictions décidées par l'Opep et ses alliés, permettant ainsi à l'Organisation des pays exportateurs de pétrole et ses alliés conjoncturels menés par la Russie de renouer avec son rôle de swing producer ; un régulateur de la production pour que les prix se retrouvent dans un certain sentier. Un état des lieux qui a fait dire, hier, à une rédactrice d'un site spécialisé américain que : «Depuis le début de l'année, les prix des cargaisons de brut qui se retrouveront dans deux ou trois mois dans la plus grande région importatrice du monde, l'Asie, se sont fortement redressés, les raffineurs étant de retour sur le marché après une certaine hésitation fin 2021 au milieu des effets inconnus d'Omicron sur demande. La consommation est résiliente, démentant les craintes d'une nouvelle baisse et résistant mieux que ne l'avaient prédit de nombreux analystes et prévisionnistes, dont l'Agence internationale de l'énergie.» Un prix du baril à trois chiffres pour bientôt L'Agence internationale de l'énergie (AIE) a d'ailleurs revu ses prévisions de la demande de pétrole en 2022 tout en prévenant contre une nouvelle volatilité des prix si l'offre s'avérait décevante. Pour cette année, la demande totale devrait ainsi atteindre 99,7 millions de barils par jour, des niveaux de type pré-Covid, note l'AIE. Ceci alors que les prévisionnistes tablent sur une période faste pour le baril qui devrait se poursuivre dans les prochains mois, comme c'est le cas pour JP Morgan qui voit les cours du brut atteindre les 125 dollars cette année et les 150 dollars en 2023, alors que les analystes de Goldman Sachs ont été forcés de revoir à la hausse leurs prévisions pour affirmer, dans une note publiée lundi, que le Brent atteindra 96 dollars cette année, puis 105 dollars en 2023. A suivre les prévisions de Vitol, le plus grand négociant indépendant en pétrole au monde, les prix du pétrole sont justifiés et doivent encore aller plus loin, alors que pour un responsable des matières premières mondiales à Bank of America, «le pétrole à trois chiffres est en préparation pour le deuxième trimestre». Azedine Maktour